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Reformes De La Justice Pour Un Systeme Judiciaire Efficace Et Efficient (suite Et Fin)

Troisième réforme : Le mode de nomination des magistrats

La première règle de transparence est « un appel à candidature » ou « une postulation », puis une élection par les pairs sur une liste de trois candidats arrêtée par le CSM ou une commission indépendante et enfin une enquête de moralité. Le juge ainsi élu par ses pairs sera nommé par le CSM au poste. Le second arrivé sur la liste des élus sera le vice-président ou l’adjoint ou le procureur adjoint. Par ailleurs, il faut fixer une durée de mandat et un an avant la fin du mandat faire une autre élection pour permettre au nouvel entrant de se préparer comme le dauphin chez les avocats.

Quatrième réforme : Le mode d’affectation

La pratique a montré qu’à chaque nouvelle nomination, le chef de juridiction vient avec ses hommes (parfois de paille ou de main ou à tout faire). L’affectation ne dépendra plus du ministre ou du président mais du conseil supérieur de magistrature, après avis du Bâtonnier (Conseil de l’Ordre), de l’UMS, du syndicat des travailleurs de la justice et du HCM. Il faut bannir l’affectation des magistrats hors des juridiction notamment les ministères, les ONG et surtout les sociétés nationales comme PDG ou DG. Cette interdiction se justifierait par le nombre non suffisant -déficit- de magistrats dans les juridictions de jugements. Pour optimiser les ressources humaines, il faut réduire au maximum le détachement des magistrats – comme c’est le cas actuellement à l’AJE avec une pléthore de magistrats – ou le supprimer. En effet le statut de magistrat est incompatible avec le statut de subalterne ou de subordonné à une quelconque autorité administrative.

Cinquième réforme : L’introduction de l’opinion dissidente ou contraire ou séparée des juges pour une sécurité juridique des décisions rendues

C’est quoi une opinion dissidente ? En formation au centre de formation des avocats d’Afrique francophones au Bénin appelé CIFAF en Août et Septembre 2006, j’avais appris que pour une sécurité des décisions de justice, le Canada avait institué l’opinion dissidente. En effet lorsqu’un juge de la collégialité n’est pas du même avis que les autres(2) il le fait mentionner dans la décision de justice. Les opinions judiciaires dissidentes sont les motivations des juges qui n’arrivent pas à la majorité des voix. Elles ne constituent donc pas le droit. Le premier bienfait est de favoriser la motivation des décisions de justice. Le second bienfait des opinions séparées, lié au précédent, est de favoriser l’acceptabilité de la décision de justice. Juger, disait Paul Ricoeur, est un acte de distribution dans lequel chaque partie doit pouvoir se reconnaître, celle qui a gagné, mais aussi celle qui a perdu parce qu’elle a pu entendre et qu’elle peut lire, dans l’opinion séparée, que ses prétentions avaient une valeur juridique reconnue et discutée au moment de la délibération ou du délibéré. L’opinion dissidente (au Canada) ou séparée (en France) affecte la sécurité juridique en offrant des perspectives nouvelles et en remettant en question le raisonnement de la décision unanime du Président qui préside. Cela a pour effet de mettre en place une sécurité juridique mais aussi de pousser les juges à rendre de façon responsable une décision en âme et conscience parce que connue et lue de tous. En sus, en raison de la collégialité même si le délibéré est secret celui-ci doit se faire en présence d’un greffier qui prend note de toutes les positions dans un plumitif signé à la fin par chaque juge ayant participé au délibéré.

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Sixième réforme : La responsabilité pénale des magistrats

Le principe voudrait que « Les magistrats ne sont responsables que de leurs fautes personnelles ». Ce qui sous-entend qu’ils ne sont pas responsables des décisions qu’ils rendent au nom du peuple. « Ce que vous deviez désirer le plus, ce qui pouvait rendre surtout à votre ordre sa gloire, et aux tribunaux la considération, vous est accordé, vous est offert aujourd’hui, non par les hommes mais j’ose le dire, par les dieux (le peuple au nom duquel ils jugent) mêmes, dans les circonstances les plus décisives pour la République. » C’est en ces termes que Cicéron s’adressait aux juges en prenant la défense de citoyens siciliens contre Verrés, un ancien gouverneur de l’île mis en cause dans des affaires de corruption (70 av. J-C.) Rendre la justice, décider du sort d’un justiciable, d’un citoyen doit être non pas un métier mais un « sacerdoce » : serviteur du droit. C’est pourquoi lorsqu’ un juge au-delà de ses privilèges et malgré eux, cause un trouble manifeste par les décisions qu’il rend, doit voir sa responsabilité personnelle engagée et doit être sanctionné à la hauteur de la faute commise. Ne nous a-t-on pas appris que l’on prêche par les actes cela sous-entend par l’exemple. Il est inconcevable que le magistrat sanctionne la corruption, la malhonnêteté et que lui-même soit à l’abri lorsqu’il est corrompu par une partie ou par l’état. C’est pourquoi, le juge ne doit plus bénéficier d’aucun privilège de juridiction ni d’aucune immunité en cas de corruption flagrante ou d’abus d’autorité ou de prise d’intérêt dans un procès. Le cas échéant il faut engager sa responsabilité au pénal. Ces infractions constituent une violation à la règle déontologique et à la dignité du magistrat. Ce qui est incongru que le magistrat soit la seule personne à n’être responsable de rien dans ce Sénégal alors qu’il est un « fonctionnaire », là où le Président élu par le peuple ou un Député élu par le peuple peuvent être poursuivi pénalement. C’est totalement aberrant !

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Septième réforme : Revoir ou réviser tous les codes

En effet le code pénal date de 1965 (Loi n°65-60 du 21 juillet 1965), le code de procédure pénale (Loi n°65-61 du 21 juillet 1965) etc… en effet il fait revoir le code de la famille, le COCC dont on ne voit plus la pertinence, le code de procédure civile… Il est urgent pour une meilleure harmonisation des textes de réactualiser les codes et de les adapter à notre réalité sénégalaise et non aux réalités françaises. Revoir les lois pour éviter les contrariétés de textes préjudiciables aux citoyens

Huitième réforme : Création de crimes spéciaux et de chambres criminelles et chambres criminelles d’appel pour juger lesdits crimes

Il faut en sus mettre en place non pas un pôle financier mais un code de crimes spéciaux avec une chambre criminelle et une chambre d’appel criminelle chargées de juger ces crimes spéciaux. Il faut un code des crimes de droit commun et un code des crimes spéciaux. Comme crimes spéciaux il faut viser les crimes économiques comme DDP, Corruption de fonctionnaires…), financiers (prise d’intérêt dans les marchés publics et les marchés de gré-à-gré, fonciers (spoliation et bradage de terrains, vent illégale de terrain appartenant à autrui, du domaine national, du domaine privé de l’état, de modification de plan cadastral pour dépossession de propriété…) dans un dossier judiciaire par un magistrat. Faire en sorte que ces crimes dits spéciaux soient imprescriptibles. Ce qui conduira à la reddition des comptes et à la naissance d’une nouvelle mentalité : servir et non se servir. Ces crimes doivent être poursuivis quel que soit la date de commission à compter de la date de leur découverte. Il faudrait pour ces crimes qu’aucune immunité ne puisse être opposable pour leur poursuite. Quel que soit le moment, quel que soit la fonction, quel que soit le degré de pouvoir, la personne pourra être poursuivie par cette juridiction à l’exception de toute autre notamment haute cour de justice (Président de la République). Nul ne pourra invoquer une quelconque immunité ou privilège de juridiction pour les crimes spéciaux (économiques, financiers et fonciers).

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Neuvième réforme : la rupture de la primauté du magistrat du parquet sur le juge d’instruction

Il faut réviser les articles 25, 28 et 139 CPP pour rompre le lien Ministre -Parquet d’une part et rompre la subordination Parquet-juge d’instruction qui oblige ce dernier à placer sous mandat de dépôt quand le premier le requiert sans pourvoir d’appréciation.

Conclusion

Cette réflexion ne se veut pas et ne se prétend pas exhaustive. C’est juste une ébauche qu’il faudra parfaire par la réflexion et par les contributions de tout un chacun. Car je ne parle pas de l’égalité des armes entre le parquet et les avocats dans l’exploitation des pièces du dossier où généralement ce n’est qu’à l’audience que le parquet dévoile ses armes au grand dam des avocats et des prévenus.

Il a été bon de faire les assises de la justice, car la Bible dit au livre aux Romains « ce n’est pas pour leurs bonnes actions, mais pour leurs mauvaises actions que les magistrats sont à redouter. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal (Romains 13, 1-4). Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience. Si nous devons nous soumettre à l’autorité judiciaire faudrait-il que cela soit fait avec la conscience que cette autorité fait bien et est au-dessus de toute iniquité. Nous voulons des juges à l’image de Salomon rempli de sagesse et d’amour. Le magistrat est un serviteur de Dieu ou un ministre de Dieu entièrement appliqué à cette fonction, un sacerdoce divin. En effet le magistrat a une autorité, celle de juger ses semblables, mais une autorité de service.

Henri Valentin B. GOMIS

Avocat à la cour

1er Secrétaire de Conférence

Maitrise en Droit Public option Relations Internationales

Master II en Droit de l’Homme

Master II en Droit et Gestion Maritime

Master II en Management de l’Energie et des Ressources Pétrolières







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