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Reponse À Amadou Bakhaw Diaw

Dans un article intitulé « en reponse à El hadj Boubou Senghote », Diawdine Amadou Bakhaw Diaw, volant au secours de Madame le Professeur Fatou Sarr Sow, a émis des propos qui sont loin d’emporter notre adhésion et sur lesquels nous aimerions apporter les précisions suivantes :

I)-Le tekrour

Cet Empire Tekrour nous intéresse à plu d’un titre, vu qu’il est de notoriété publique qu’il est, de tous les Etats noirs, le premier à être islamisé (Bilad Soudan). En effet, selon la tradition orale et d’après des écrits arabes, l’islamisation des Peuls remonte au septième siècle, avec Ougbata bun Nafi notamment.

L’empire Tekrour, l’un des anciens empires Peuls (Toucouleurs), a joué un rôle important dans la diffusion de la nouvelle religion sur le reste des pays noirs jusqu’au 19ème siècle.

Al-Bekri décrit d’abord l’emplacement du Tekrour, ses idoles, puis sa distance avec la dernière ville Berbère, à savoir,  Sunghana  qui, en arabe, s’écrit (صنغانه).

Selon El-Bekri, les Tékrouriens étaient, à l’image des autres Noirs, païens et adorateurs d’idoles (statuettes). D’après lui, l’Idole du Tekrour s’appellerait Dakour (Dikuru). Il ajoute qu’à l’époque (en 432 Hégire ou ère musulmane) où lui-même était sur place, tous les habitants du Tekrour étaient musulmans grâce à Waré Jabhé bun Rabis qui, en arabe, s’écrit également ( وارجابي بن رابيس ).

D’après toujours El-Bekri, la ville de Tekrour, qui se trouve vers la ville de ‘Cilé’ (Thilé) ou (سلي en arabe) que certains lisent « SILLA », se scinde en deux autres qui se trouvent au bord du Nil, avec une population musulmane ce, après que Waré Jahbé les a convertis à l’Islam, tout comme les habitants de Thilé et du Ghana, autre ville située à vingt (20) jours de marche. Le roi de Thilé a combattu partout les infidèles, jusqu’à la ville de Galambo, (فلنبو en arabe), que certains ont transcrit par « Qalanbu»…

Abou Oubaida El-Bekri, mort vers 1094, (487 selon le calendrier hégirien) était un chroniqueur Arabe qui a beaucoup écrit sur l’empire du Tekrour, tout comme ses prédécesseurs et ses successeurs.

A propos de leurs écrits, nous savons qu’ils avaient beaucoup de difficultés à transcrire et à prononcer les mots d’origine africaine, surtout ceux écrits en Poular ou en Soninké. C’est à cause de cela que  ceux qui ont traduit les textes d’Al-Bakri, de Raqik ou d’Ibnou Hawkal, ont eu de sérieux problèmes à procéder à une transcription fidèle.

Ainsi en est-il, par exemple, du mot « Waré » ou « War Jabhé », « Jabé », « Jabi », qui pose problème pour un simple arabisant, car certaines lettres alphabétiques Poular ou Soninké comme Ɓ, Ŋ, C, ND, Ñ, Ƴ n’existent pas dans l’alphabet arabe.

Ces noms et mots « Ajami » (étrangers en arabe) seront toujours comme des énigmes pour certains. A l’époque de Waré Jabhé, le Tékrour était bien connu de tous, en particulier de Tarik Al islam qui n’a pas manqué de mentionner, avec précision, dans « At-Tarikul Mu’asir Garb ifrikiya » (’L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’ouest) de Mahmoud Sakir) :

L’Islam, en conquérant d’autres pays, a commencé à se propager rapidement dans ces lieux, surtout lorsqu’il est devenu la religion des nouveaux princes locaux, la religion des vainqueurs. L’Islam a progressé étape par étape entre les dirigeants de l’empire du Ghana. Le roi du Tekrour s’est converti à l’Islam an 432 Hégire, ce qui accentua la propagation de la Religion. A son tour, le Ghana s’est soumis à l’Etat des Al-Mourabitoun, an 469, ce qui amena son roi, en l’occurrence  Taankamenin ou Tounka-Menin, à embrasser la nouvelle Religion. L’Empire du Mali aussi a joué le même rôle dans le reste des royautés originaires de la région.

Nous estimons qu’une œuvre qui se veut scientifique, ne devrait pas manquer de mettre en relief l’adhésion à l’Islam des Peuls (Toucouleurs) du Tekrour avant toute autre ethnie, tout comme leur prédominance, même si d’autres ethnies habitaient également au Tekrour.

Nous ne devons pas ignorer qu’une minorité ethnique vivant dans le royaume d’autrui, ne pourra jamais conquérir le trône de ce royaume. Ainsi en est-il et en sera-t-il de la minorité peule dans le Saloum, ou Soninké dans le Fouta, ou Bambara dans le pays Mossi, ou encore Wolof en pays Diola etc..   

II)-Le Fouta

Dans les versions aussi bien orale qu’écrite, le Fouta présente deux espaces: le (Djeri Fouta et le Fouta Toro).

L’ancien espace du Djeri Fouta se trouve au nord de la Mauritanie, vers les frontières d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, précisément dans la zone actuelle du Polisario, selon les écrits d’El Bakri et Ar’Rakik situant le Bilad Tekrour à la proximité des villages berbères que Ugbata ben Nafi avait atteints à son époque.

En effet, le second Fouta ancien qui est décrit par les écrits arabes, se situe dans la région d’Adrar (dans l’actuelle Mauritanie).

Le livre « Bilad Singitti Al Manaratou War-Ribat », qui a pour auteur Khalil An-Nahwi (1987), décrit ainsi qu’il sut ses frontières :

« Le Bilad Singitti était connu sous le nom du Bilad Tekrour, dans l’ancienne époque, (…). Cette appellation se retrouve dans ses œuvres portant sur les notables de cette région, (« Fath Soukour fi Ma’arifati A’ayani Ouléma At-Tekrour… Le Tekrour est une région vaste, s’étendant de l’Est jusqu’à Adga’i, de l’Ouest jusqu’au Bahr (mer) Bani Zanadikhatou, du Sud jusqu’au Beed et du Nord jusqu’à Adrar » ((page 19, Chapitre, Bilad Tekrour).

Le Fouta Toro depuis l’époque des Almamy s’étend, du Nord : de Hayre Ngal (Colline d’Asaba) jusqu’au Njorol (Djorol). De l’ouest à l’Est : de Dagana jusqu’à Bakel. Du Sud au Sud-Est, depuis le Fleuve jusqu’aux frontières qui séparent le Fouta du Djolof, le Ferlo et le Boundou.

Au chapitre 3 intitulé ‘’LES FULƁE DANS LE FUUTA de son ouvrage « La Première hégémonie Peule : Le Fuuta-Tooro, de Koli Teŋella à Almaami Abdul » (page 83-114), le Pr Oumar KANE fait ressortir clairement l’occupation spatiale des Foulbés depuis l’Assaba jusqu’au Ferlo.

Il y apparaît clairement que le fleuve ne constitue pas la limite entre la Mauritanie et le pays des Noirs.

  

Aux termes d’autres versions orales aussi, le Fouta Toro actuel s’entendait, avant l’occupation coloniale, de Ndar à Bakel, du Nord Hayré Ngal au Ferlo et les limites du Djolof. C’est en vertu de cela que les Foutankés considéraient le Walo comme une partie intégrante du Fouta Toro.  

Ainsi, à la veille des indépendances, toute la partie située jusqu’à 150 km au Nord du Fleuve, était considérée comme faisant partie du Sénégal. Rappelons que les Peuls ont habité en premier lieu le Fouta Nord du Fleuve, avant le Fouta Sud qui est le Sénégal d’aujourd’hui.  

Certes aussi, les villes qui sont fixées au Djéri Fouta à la fin du 17ème et 18ème siècle comme Aleg (qui est distante du fleuve d’environ 50 km), qui sont des villes implantées grâce à la poussée des Béni-Hassan, alliés des Satigui du Fouta Toro, portent les titres Emir Barakna ou du Trarza.

Mais en dépit de cette situation, le Fouta Toro, pays des Peuls, a toujours été majoritairement habité par les Peuls (Toucouleurs), même s’il incluait quelques villages Soninké et Wolof, dans sa grande agglomération de la rive droite à la rive gauche. 

III)-Ndiadiane Ndiaye

Selon certaines sources, Ndiadiane Ndiaye, le fondateur de l’empire du Diolof, serait né d’une mère peule du Fouta (Foutanké) et d’un père maure berbère. Son prénom Ndiadiane, un mot d’origine sérère signifierait « Catastrophe » : « Geeke di ndiajano » « geekee res ndiadian » (Ça c’est la catastrophe, c’est la catastrophe !), ou encore « Ceci est étrange ! »

Quant à son patronyme NDIAYE, il semble qu’avant d’être pris pour un nom de famille, il servait de surnom à des éleveurs aisés. Ainsi, trouve-t-on encore en milieu foutanké des Ndiaye Bah, Ndiaye Barro, Ndiaye Djiby Bah etc.).

 

De par son nom, Ndiadiane Ndiaye se rattache donc plus aux Peuls et aux Sérères, même si c’est en pays Wolof qu’il aura régné. Nous devrions pousser les recherches pour savoir comment un Arabe a-t-il pu débarquer au Fouta, y épouser la nommée Fatimata SALL, fille de laam-Tooro ; où, quand et comment a-t-il réussi à intégrer la communauté Wolof, lui et son épouse, tous deux étrangers à ladite communauté !

Cela nous paraît plus important que le fait de tenir absolument à lui trouver une origine berbère ramenant du coup à sa simple expression, l’importance du brassage ethnique entre les peuples négro-africains que l’on aime chanter sur tous les toits.        

L’origine arabo-berbère de Ndiadiane Ndiaye est même discutable, à plus d’un titre, en considération notamment de tout ce qui rattache l’ancêtre mythique des Wolofs aux Peuls (Toucouleurs) et aux Sérères. S’il est rééllement Ahmad Abou Bakr Ibn Oumar, un descendant direct des « Almoravides », pourquoi n’a-t-il pas poursuivi la mission de ses ancêtres Arabo-Berbères qui s’attelaient à prêcher en faveur de la conversion à l’Islam?

Pourquoi a-t-il suivi plutôt les traces des Buurs et autres Damels des temps anciens, donc des Thiédos animistes ou à la pratique islamique teintée de paganisme du moins jusqu’à une époque récente encore ?

C’est une bonne chose que de saluer le brassage ethnique entre les peuples, gage de stabilité et de respect mutuel. Mais encore faudrait-il que cela soit basé sur une histoire réelle. Nous ne gagnerions rien à vouloir réécrire l’Histoire, à vouloir inventer une histoire, une autre histoire…







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