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Assiste-t-on A Une «demedicalisation De La Sante» ?

Le syndicat des médecins du Sénégal, le SAMES a fait un communiqué pour déplorer la nomination d’un chef de la Division Sida. Le communiqué explique que « Le SAMES rejette avec une extrême fermeté les récents actes de nomination effectués par le Ministre de la Santé et de l’Action Sociale au détriment des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes ». Par contre, l’alliance des Syndicats Autonomes de la Santé « And Gueusseum », composée essentiellement de paramédicaux et d’assistants sociaux, soutient une « démédicalisation du système de santé ». Cette polémique a été relayée par de nombreux débats dans les réseaux sociaux où la plupart des acteurs biomédicaux se sont prononcés contre cette nomination. Même des membres de l’association des personnes vivant avec le VIH ont également exprimé publiquement leur frustration contre cette décision.

Quelle mouche a piqué le nouveau ministre de la Santé pour prendre une telle décision ? Comment justifier qu’un tel service soit confié aux mains inexpertes d’un professeur d’économie familiale ? La réponse semble être que Maguette Ndoye Ndiaye est le responsable du Pastef à Malicounda. Il a travaillé à la Division Sida comme stagiaire puis chargé de suivi évaluation d’un projet avant d’aller dans des ONG exercer des activités de suivi de projet. Et c’est tout. Pour rappel, la Division Sida fait suite au Programme national de lutte contre le sida (PNLS) qui avait été dirigé par Dr Ibra Ndoye. Elle avait été mise en place après l’adoption du programme multisectoriel de lutte contre le Sida logé à la primature.

Depuis les années 90, le Sénégal n’a cessé d’être parmi les pays dont la performance des résultats dans la lutte contre le sida a été reconnue au niveau international. La plupart des dirigeants tels que le Pr Mboup, Pr Eva Marie Coll Seck et Dr Ndoye ont été primés par de prestigieuses distinctions qui ont honoré le Sénégal et notre système de santé. L’ancien chef de Division est un médecin, spécialiste en maladies infectieuses, professeur d’université formé par le Pr Eva Marie Coll Seck qui a assuré la prise en charge médicale de centaines de patients vivant avec le VIH. Il est également membre de Sociétés Savantes et de différentes instances sanitaires internationales. Il a participé aux activités biomédicales et multisectorielles de lutte contre le sida à Dakar et dans les différentes régions depuis plus de 20 ans.

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Les différentes équipes qui se sont succédé à la Division sida sont composées de médecins, pharmaciens, biologistes, spécialistes en santé communautaire, en communication. Ils ont élaboré des normes, des protocoles biomédicaux, formé les acteurs de la santé, et rendu disponibles gratuitement les tests et les médicaments antirétroviraux dans les 14 régions du Sénégal sous la coordination du Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS) qui abat un travail titanesque pour aller chercher des financements et superviser un programme multisectoriel avec le soutien des acteurs de la société civile. Résultat de tout cela : en 2023, la proportion de personnes ayant le VIH a baissé pour atteindre 0, 3%. Sur les 41560 PVVIH, 88% connaissent leur statut, 91% sont sous traitement et 90% ont une charge virale indétectable donc ne peuvent plus transmettre le VIH. Ces données témoignent du succès d’un programme de la santé coordonné par des experts biomédicaux sénégalais, financé par divers partenaires surtout le Fonds Mondial qui assure à lui seul la majeure partie du financement réduisant la pression sur les finances publiques de l’Etat.

Tous les gouvernements successifs ont maintenu des compétences médicales de haut niveau dans ce service et renforcé le leadership du gouvernement en prenant des décisions inédites qui ont été ensuite reprises par les pays africains : Abdou Diouf a été le premier président à acheter des antirétroviraux contre l’avis de la communauté sanitaire internationale mais sous les conseils avisés de Dr Ndoye, Wade les a rendus gratuits pour tous et Macky Sall a augmenté la participation de l’État au budget de la lutte contre le sida. Et aucun d’entre eux n’a remis en cause le leadership biomédical en nommant des experts médecins ou pharmaciens aux compétences reconnues à la fois dans la santé publique et dans la recherche. En effet, la coordination des activités de ce programme, comme tous ceux de la santé publique, implique la participation à des instances à la fois nationales et internationales ou siègent des experts de haut niveau de tous pays. Ainsi, ces experts sénégalais ont pu dénicher de nombreux financements internationaux qui ont soutenu le renforcement du système de santé en formant des acteurs de santé, équipant, construisant des structures de santé dans tout le pays.

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Et voilà qu’en 2024, avec un gouvernement qui prône le Jubal et le Jubanti, au moment où tout le ministère de la Santé attend que les acteurs les plus compétents soient mieux valorisés, promus aux meilleurs postes pour plus de performances, on assiste à une promotion purement politique visant certainement à récompenser un « fidèle partisan ». Quelle déception pour ceux qui avaient cru au Projet, espéré que la dépolitisation de l’administration tant chantée allait également s’appliquer dans un secteur qui regorge d’acteurs bardés de diplômes (Bac plus 10 ou 12 voire plus), formés au Sénégal qui sont très sollicités par les organisations sanitaires internationales comme en atteste la candidature du Dr Socé Fall à la Direction Régionale de l’OMS.

A propos aussi du poste de Directeur général de la Santé

De plus, la nomination d’un jeune médecin (médecin personnel du PM)sans aucune expérience en santé publique au poste de Directeur Général de la Santé fait aussi désordre. Là aussi, pour la première fois, ce poste technique le plus important du Ministère de la Santé vient d’être attribué à un clinicien profane en santé publique.

Ne sous estimons pas les dégâts collatéraux de ces actes chez les professionnels du système de santé publique à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Ils sont souvent mal rétribués, ont trimé des années dans les structures de santé sous équipées, éloignées ou dans des programmes peu financés par l’État en allant chercher les soutiens auprès des partenaires le couteau entre les dents pour assurer le financement d’activités qui auraient dû être prises en charge par leur gouvernement. Ils ont fait de longues études, sacrifié leur jeunesse, leurs loisirs et souvent leur vie de famille pour améliorer la santé des Sénégalais. Ils ont connu le chômage, le sous-emploi, les longues distances, les longues heures de travail, les frustrations, et parfois la peur, les humiliations dans la discrétion. Beaucoup d’entre eux ont soutenu le projet politique actuel ou tout simplement appliqué les principes éthiques de leur serment même lorsque leur vie était en danger comme le médecin qui a refusé de faire un certificat médical de complaisance malgré la proposition de dizaines de millions malgré des revenus modestes, lorsque le leader du Pasteef a fait l’objet de poursuites.

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Ainsi, est-ce que la gestion du ministre de la Santé, géographe de formation, semble s’orienter vers une démédicalisation avec la mise sur la touche des biomédicaux expérimentés qui ne semblent pas avoir sa confiance ? L’avenir nous le dira. Mais les actes dénoncés plus haut semblent indiquer que les dirigeants actuels relèguent la gestion de la santé au second plan des priorités avec un ministre politicien qui privilégie ses pairs aux postes de la haute administration en mettant à l’écart les experts biomédicaux. Dans ce contexte, comment ne pas approuver la tendance des jeunes médecins, pharmaciens ou chirurgiens-dentistes bien au fait des conditions de vie difficiles et des sacrifices peu reconnus de leurs ainés, à déserter le secteur public et aller vers le secteur privé comme en témoignent l’ouverture par dizaines des plateaux médicaux dans toutes les villes du Sénégal avec des tarifs élevés ? Et les inégalités pour l’accès aux soins de santé qui risquent de se creuser pour les plus démunis…

Un Professeur de médecine à la retraite







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