Ce vendredi 26 juillet 2024 (date anniversaire de sa naissance) sera commémoré, à Dakar, le cinquantenaire du décès de El H. Amadou Assane Ndoye au domicile familial de l’avenue William Ponty et à la Zawiya de l’avenue Lamine Guèye, sous l’égide de Serigne Babacar Sy Mansour, Khalife général des Tidianes et toute la famille de El Hadj Malick Sy. A cette occasion, je partage avec vous, en guise d’hommage, ce texte écrit en janvier 2020. Bonne lecture.
El H. Amadou Assane Ndoye est né le 26 juillet 1890 à Dakar, soit 33 ans après l’implantation, par Protet, du pavillon français en terre dakaroise. Il est le fils de l’imam ratib Assane Ndoye et de Bineta Sylla, qui est la petite fille de Makhtar Sylla Kheury Diop, imam ratib et Serigne ndakarou intérimaire de 1830 à 1831. Il est décédé le 4 juillet 1974 et repose à la mosquée de Sandial face à son domicile au 80 avenue William Ponty, où il sera rejoint une dizaine d’années plus tard par son épouse Adja Aïssatou Sylla, dite Foos Sylla. Dès sa sortie de l’enfance, Amadou Assane Ndoye reçut une éducation coranique d’abord à l’école de son père, puis en 1909, à la Médersa de Saint-Louis qui avait remplacé, une année auparavant, l’école des fils de chefs et d’interprètes créée par Faidherbe en 1855 sous le nom «Ecole des otages». A la fin de sa formation, il exerça, tout naturellement, le métier de maître coranique et guide spirituel.
A l’éclatement de la Première Guerre mondiale, il fut enrôlé dans les troupes métropolitaines, avec plusieurs milliers de ressortissants des quatre communes dont les jeunes Papa Guèye Fall (parrain des ex-allées Coursin), Ibrahima Diop et Ismaïla Guèye qui allaient devenir respectivement Serigne ndakarou et Ndeyi diambour, et bien d’autres de leur génération. A la capitulation de l’Allemagne, Amadou Assane Ndoye revint au Sénégal avec la croix de Guerre et épousa alors Sokhna Oumou Khaïry Sy, fille de El H. Malick Sy et petite-fille de Mor Massamba Diery Dieng. De cette union naquit Mohamed Chams Eddine Ndoye, ambassadeur du Sénégal au Proche et Moyen-Orient de 1976 à 1996, qui compte parmi ses épouses Sokhna Oumou, fille de Abdou Aziz Sy Dabakh.
Perspicace, il perfectionna d’abord sa maîtrise de la langue française, apprit les rudiments de l’entrepreneuriat et se lança dans les affaires. Il fit montre d’un génie extraordinaire et d’une opiniâtreté qui étonna maints observateurs.
Représentant de Renault au Sénégal, il perd son statut de représentant par défaut de soutien de la Banque commerciale africaine. En 1929, il créa une société de transit qui ne résiste pas à la concurrence européenne. Au lendemain de la crise économique mondiale, il prit une part active à la création du Syndicat patronal et artisanal de l’Ouest africain (Sypaoa). Il se lança, en 1931, en association avec Henri Gomis, dans l’exploitation du poisson, avant de monter, avec un partenaire français, une usine de carreaux.
Lorsque la Seconde Guerre éclata, Amadou Assane Ndoye diversifia ses activités, en se lançant dans la briqueterie et la fourniture de viande à l’Armée et à l’Administration.
L’armistice signé, il entreprit, avec Cheikh Mouhamadou Mbacké, dit Gaïndé Fatma, petit-fils de Serigne Touba, de créer une Banque populaire. L’Administration et les banques coloniales s’opposèrent au projet. Amadou Assane Ndoye forma alors, avec André Guillabert et Léon Boissier Palun, le projet d’une ligne aérienne intérieure. Cette initiative non plus n’eut pas l’agrément de l’administration coloniale : elle fut combattue et étouffée.
Sur le plan politique, Amadou Assane Ndoye, après avoir été l’allié de Blaise Diagne au Conseil municipal, conduisit, aux côtés de Galandou Diouf, une liste d’opposition aux élections municipales du 5 mai 1929. Lorsque Ibrahima Sow et Henri Martin créèrent le journal indépendant, Le Périscope africain, pour la défense des intérêts de l’Afrique occidentale française et de l’Afrique-équatoriale française, il les finança.
Il exerça les fonctions de conseiller colonial, puis de conseiller municipal, de Conseiller général et de député de la presqu’île du Cap Vert à Dakar. Il devint partisan de Lamine Guèye à la mort de Galandou Diouf et fut premier adjoint à la mairie de Dakar.
Il a aussi exercé la fonction d’imam de la mosquée de Sandial et d’imam adjoint de la Grande Mosquée de Dakar alors située sur la rue Blanchot, actuelle rue Moussé Diop. Lorsque fut lancé, en 1958, le projet de construction de l’actuelle Grande Mosquée de Dakar, sur le site d’un vieux cimetière désaffecté, il fut élu trésorier du comité d’édification présidé par imam Amadou Lamine Diène, avec comme membres du bureau El H. Chams Dine Diagne, cadi de Dakar, Thierno Amath Mbengue, ex-adjoint au maire de Dakar, Hyacinthe Camara, Souleymane Sidibé et El Hadji Ameth Diène, représentant des jeunes lébous. A ce titre, il reçut la contribution de l’Etat du Sénégal, de la Ville de Dakar, de la communauté libano-syrienne, de la collectivité léboue, de Serigne Fallou Mbacké, Khalife général des Mourides et de El H. Ibrahima Niass, dit Baye, etc. Ablaye Thiaw Laye, à l’instar de Gaïnde Fatma, était son ami et partenaire en affaires. Serigne Babacar Sy (son aîné de cinq années), qui devint khalife en 1922, était son marabout et confident.
Il fut élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d’honneur à titre étranger par décret du 3 mars 1948, puis promu officier de la Légion d’honneur par décret du 9 avril 1965, en qualité de député de la presqu’île du Cap Vert à Dakar.
Mais malgré son succès dans les affaires et en politique, et tous les honneurs reçus, Amadou Assane Ndoye a toujours vécu au domicile familial avec ses frères, ses sœurs et ses enfants, car il croyait fermement aux valeurs familiales. Il prônait l’entente avec les parents et les voisins, le respect du prochain et de la parole donnée. Il ne s’engageait et ne donnait sa parole qu’après mûre réflexion. Il était contre le gaspillage et l’ostentation, et recommandait l’épargne car, disait-il, il faut toujours être à même de régler les problèmes qui surprennent et saisir les opportunités d’affaires qui se présentent. Mais, il faut surtout travailler et investir intelligemment, disait l’homme fidèle à ses principes et qui savait aider lorsqu’il le fallait et récompenser généreusement ses enfants qui suivaient ses conseils.
Amadou Assane Ndoye recommandait l’équité et l’oubli des bonnes actions que Dieu a permis d’accomplir. Mamadou Diop, ancien maire de Dakar, fils du Ndeyi diambour Ousmane Diop Coumba Pathé, a confié à ses enfants qu’il a eu à payer de sa poche, à un moment de difficulté de l’institution municipale, les salaires des agents de la Ville de Dakar. Il a construit des mosquées dont celui de Sandial. Il a offert des terres dont le terrain d’un ha abritant le cimetière de Diass…
Après son décès, et en guise de reconnaissance, Léopold Sédar Senghor, président de la République du Sénégal, baptisa en son nom l’ancienne rue Thiers de Dakar où se trouvait son domicile, face à l’ancienne Ecole de commerce, Pigier, créée par Raymond Panis. Cette demeure abritait sa descendance issue de Adja Mame Tabara Diop, petite-fille de Ahmed Diop Gora de Saint-Louis qui accueillit le jeune Amadou Assane lorsqu’il vint poursuivre ses études religieuses sur les rives du fleuve Sénégal et dont le centenaire du décès a été célébré en 2010. Sur cette même rue, sur le site accueillant l’Institut islamique accolé au domicile de Serigne Babacar Sy, se trouvaient les locaux de son bureau. Plus tard, l’Ecole Thiers aussi, sur la rue qui porte son nom, lui sera dédiée. Pour rappel, le site de l’Ecole Thiers, classé patrimoine de l’Unesco, a abrité la première prison de Dakar.
Abdou Khadre GAYE
Ecrivain, président de l’Emad
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