Dans les années soixante et soixante-dix, sous Senghor particulièrement, il fallait (en dehors d’une compétence avérée) détenir sa carte de militant du parti unique pour accéder aux hautes sphères de l’Etat.
Sous Diouf, il fallait d’abord trimballer sa bosse un peu partout dans les méandres du parti et de l’administration centrale pour y prétendre. Même le tonitruant et captivant Abdourahim Agne ne fut jamais nommé ministre. L’élégant Khalifa Sall en était encore à se bonifier avec son poste de «en relation avec les assemblées».
Sous Wade et Macky, il fallait avoir un nom et puis faire croire que l’on avait un poids électoral certain. C’était l’avènement de ce que l’on appelait jusqu’ici ironiquement «la transhumance».
Depuis mars 2024, sous Jomaay et son binôme Koromack, il faut avoir simplement pillé, brûlé des amphithéâtres, vandalisé des biens publics et privés, menti tel un mythomane apocalyptique, trahi des secrets professionnels, calomnié les «gor yu set wecc yi», brutalisé, invectivé les sceptiques, cotisé, défendu par tous les moyens le «fameux Projet» et l’immaculé, le probe, le génie, le véridique et l’infaillible qui l’incarne pour prétendre et obtenir son sésame. Le fait d’avoir séjourné en prison pour l’un ou l’autre de ces vils motifs, est un atout supplémentaire. Et si vous n’avez pas été acteur de tels scénarii, vous vous êtes fait hara-kiri.
Le mérite et la dignité ont fini de fuir notre existence comme Nation, comme Etat et comme République. La notion de récompense a pris les devants. Il ne reste plus rien de nous : on entre en politique uniquement pour se servir et jamais pour servir. Et si, mes chers compatriotes, vous attendez une quelconque rupture, vous n’aurez que vos yeux pour pleurer. Pauvre de nous !
Le mérite est d’abord teneur morale ; un contenu presque spirituel où la révélation au monde de notre responsabilité dénonciatrice (des néfastes substituts provocateurs, pâles-obscurs appelés népotisme et dilatoire) est interpellée. Le mérite donc dépasse les simples bassesses de l’appartenance à un groupe, de l’amitié entre des hommes, du militantisme et de la partisannerie.
La dignité, quant à elle, est un sacerdoce ; un ministère où les fameuses assertions bien de chez nous comme «du yaw rekk a fi nekk» et «deesu la may nga jȅl lépp» trouvent toute leur pertinence. La dignité n’admet pas l’égoïsme étroit, les fourberies espiègles et autres subterfuges baroques dans des nominations qui, par exemple, peuvent être interprétées ou assimilées par analogie à la statue du Monument de la Renaissance : baay ji, yaay ji, doom ji.
Voilà près de vingt-cinq ans que la gestion clanique, népotique du pouvoir a été décriée par toutes les franges de la population. Wade a souffert d’avoir associé son fils Karim à l’exercice du pouvoir, Macky fut mitraillé de partout pour les nominations de son gendre et de son frère consanguin.
Aujourd’hui, que l’on ne me parle pas de compétence et de profil à l’emploi surtout. Aliou Sall (tout comme Mansour Faye du reste) n’avait-il pas une compétence avérée et un bon profil pour occuper un poste de responsabilité ? Que reprochait-on à Karim alors ? Pourquoi en a-t-on voulu à Aliou Sall et/ou à Mansour Faye ?
La décence nous impose de rester constants dans nos convictions premières. Notre probité intellectuelle doit nous interdire de trouver la moindre excuse au reniement, au dédire et autres désacralisation de la parole.
Etre digne en fait, c’est la sublimation de la chair en esprit, c’est-à-dire se départir de toutes les faiblesses de son monde pour intégrer celui (tant envié) de la coïncidence du verbe et du geste, de la moralité tout court. Est-ce trop demander à nos décideurs actuels ?
Fermons les débats avec Alain qui nous dit que «la morale consiste à se savoir esprit et, à ce titre, obligé absolument ; car noblesse oblige. Il n’y a rien d’autre dans la morale que le sentiment de la dignité».
Amadou FALL
IEE à Guinguineo
zemaria64@yahoo.f
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