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ProblÉmatique Politique Et Électorale Du Concept De « projets De SociÉtÉ » Versus « le Projet » De Pastef

Dommage : avant mars 2024, « le Projet » de Pastef, il s’est arrêté pile avant de devenir… « Projet de société ». Émergence foudroyante du « Projet » pastefien dans les urnes, toutefois. Et « noyade » collective des « programmes électoraux » des 17, voire des 18 autres candidats présidentiels de mars 2024. Quel(s) candidat(s) à nous avoir parlé du seul genre de « projet » qui vaille la peine d’être présenté en campagne électorale présidentielle : le « projet de société « ?

Mais d’abord, pour circonscrire cette grande affaire de « projets de sociétés concurrents entre eux », parlons de l’état de la richesse mondiale et de l’égalité de sa répartition ainsi que de la carence cyclique des mécanismes de redistribution de la fortune des riches et des supers-riches, par le mécanisme de l’impôt et des taxes. L’éditorial de Marie-Eve Fournier dans le média canadien « La Presse », le 27 juillet dernier, me fournit le prétexte de cette tribune que je commets ce 3 août 2024.

La Québécoise y écrit ceci : « Le fameux palmarès Forbes des milliardaires – en dollars américains – compte aujourd’hui 2712 noms. Grande surprise : 200 Indiens en font partie, dont 10 dans le top 100. Pendant ce temps, 90 % de la population de l’Inde (soit plus d’un milliard de personnes!) gagne moins de 150 $ US par mois, rapporte Paris Match (soit 90.000 FCFA).

Les inégalités dans le pays le plus populeux de la planète ne cessent de croître. Une récente étude du World Inequality Lab a permis de déterminer qu’en Inde, le 1 % des plus riches détient 40 % des richesses du pays. Cette concentration dépasse celle qu’on voit aux États-Unis, en Afrique du Sud ou au Brésil, pays particulièrement inégalitaires.

Certains observateurs accusent le modèle économique du premier ministre indien, Narendra Modi, de favoriser l’élite du pays au détriment de la population pauvre. Ses réformes auraient contribué à l’enrichissement fulgurant des grands conglomérats, dont celui de Mukesh Ambani, 11e fortune mondiale. L’homme qui gère un empire diversifié – pétrochimie, télécommunications, vente au détail, services financiers – vaut 117 milliards.

Le mariage, célébré pendant quatre mois dans différentes villes balnéaires d’Inde et d’Occident jusqu’en mi-juillet 2024, de Radhika Merchant et d’Anant Ambani, fils du milliardaire indien, a coûté 800 millions de dollars US. Pris sur la fortune d’Ambani, qui pèse donc, répétons-le, 177 milliards de dollars US, selon Forbes. Cette somme fait de lui la personne la plus riche d’Asie.

Une donnée permet aisément de saisir l’ampleur de la richesse de cet homme : 0,5 %. Eh oui, la facture de ce mariage qui dépasse l’entendement ne représente que 0,5 % de sa fortune.

Ce n’est assurément pas un cas unique au monde. Les inégalités s’accentuent un peu partout, ce qui met notamment en péril la cohésion sociale. Oxfam qualifie même les inégalités extrêmes de « violence économique ». Les choix politiques biaisés en faveur des personnes les plus riches et les plus puissantes « sont directement préjudiciables pour la grande majorité des citoyens ordinaires dans le monde », plaide l’organisation. Voilà pourquoi il faut trouver des moyens de mieux répartir la richesse. « . C’est ce qu’écrit la journaliste canadienne Mme Fournier.

A mon tour, j’analyse que : le type de « développement » (sic) économique, qui n’est que « violence économique » aussi, que nous voyons avancer en Afrique subsaharienne risque de nous conduire dans 30 ans à la même situation que celle de l’Inde actuelle – et le Sénégal n’y échappera pas, comme on peut le voir en extrapolant la courbe de sa trajectoire historique de « développement économique» – : celle de devenir des pays « riches », peut-être même « développés », ou à tout le moins « émergents », avec 1% de riches ploutocrates prébendiers, rentiers et accapareurs qui possédera 80% (!) des richesses nationale, suivis très loin après en termes de pouvoir d’achat, par une classe moyenne de 10% de la population qui travaille entre les multinationales implantées ici, dans les conglomérats sénégalais à capital et à gestion familiales du 1% cité plus haut, dans la Fonction publique et les collectivités territoriales, dans des activités commerçantes pour lesquelles ils préfèrent « s’arranger » avec les douaniers aux points d’entrée dans le pays (aéroport AIBD, ports et frontières terrestres) puis « amadouer » les contrôleurs fiscaux qui les trouvent dans leurs commerces, plutôt que payer des impôts et taxes en bonne et due forme…: Au total donc, c’est là une classe moyenne qui jongle pour faire face à ses dépenses familiales pendant qu’elle est assaillie par « l’impôt social » des démunis qui leur quémandent inlassablement (membres de la parentèle proche ou éloignée, mendiants des rues devenus cour des miracles des estropiés, des albinos (!!), de quêteurs plus ou moins bien portants, plus ou moins bien ou mal fagotés ; les petits mendiants dit talibés aux carrefours devenus les terrains de jeu de leur enfance à l’innocence confisquée; et des gens à métiers précaires et emplois non-décents comme ceux qui crapahutent sur le goudron pour vendre des bibelots made in Asia aux automobilistes pressés, et dont, ceux dits « marchands ambulants » qui ont pourtant un étal fixe ); la classe moyenne est prise en sandwich comme vous le voyez ; car enfin donc, près de 90% de la population de ces pays africains sera constituée de miséreux (90% parmi lesquels la longue litanie de quêteurs cités plus haut, pour ne parler que de métiers avouables).

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Quand nous serons deux milliards d’Africains, c’est cela qui nous pend au nez.

Cela se voit et se vit déjà dans les « grands pays africains » (Afrique du Sud, Nigéria, Kenya, Égypte…) avec des ghettos-bidonvilles de millions de personnes, sans eau courante et à branchements électriques sauvages, qui ceinturent les hautes tours des centres-villes des capitales.

Cela se vit déjà, aussi, au Sénégal, cette inégalité économique indécente : au moins symboliquement et certainement plus que de façon imaginaire, quand plusieurs dizaines de millions en « briques » de 10.000 FCFA sont théâtralement distribuées dans les cérémonies de mariages des ploutocrates, et changent de mains sans justificatif rationnel, ni origine fiscalement traçable, avec force folklore et déclamations de griottes. Des scènes de ce que l’on se complaît à appeler « la haute », retransmises sur Tik Tok.

C’est aussi cet idéal de richesses furieusement réparties dans un seul bord de 1% de nos happy-few que « nos séries sénégalaises » nous font miroiter comme étant notre avenir indépassable, (notre « American Dream » à la sauce gombo subsaharienne) et qu’elles inoculent comme une drogue dure dans le cerveau des jeunes gens (jeunes filles surtout, à qui ces films tentent de démontrer que le mariage en soi est une option de carrière professionnelle et une sorte d’auto-entrepreneuriat), des « executive women » (pour lesquelles regarder des bouts de ces séries sénégalaises est leur sas de décompression après le boulot) et des « desperates housewives » flanquées de co-épouse(s) (qui peuvent ainsi rêvasser de revanche sociale pour elles et faire un transfert sur les déboires de leur mâle polygame, en se mettant dans la peau des actrices, par l’intermédiaire des amourettes rocambolesques contées dans nos fameuses « séries sénégalaises » donc). Il y a 20 ans ? Ce sont elles qui sont allées accueillir l’actrice indienne Vahidehi à l’aéroport de Yoff, jusqu’à frôler l’évanouissement et la crise de nerfs. La série hindoue Vahidehi, décrivait déjà ces univers glamour et des histoires à l’eau de rose mâtinées de sombres menaces de vengeances aux motifs parfois ésotériques. Le seul progrès? C’est que nous avons désormais nos actrices de séries sénégalaises, en veux-tu en voilà. Si les emballages corporels ont changé, la marchandise proposée reste la même : vendre du rêve, du glamour, du sélect, des fashionables people et des Very Impossible People, du clinquant, l’obtention facile et même miraculeuse de toujours plus de richesses, la présentation ostentatoire des objets de pouvoir économique que sont les voitures 4×4, écrans plasma TV de 10 mètres carrés et autres iPhone 15 pour lesquels salive la populace ; et toujours mettre l’amour à toutes les sauces, sentiment amoureux qui finit toujours, bien sûr, par triompher.

Ce que ne décrivent pas (pas encore…) nos « séries sénégalaises », c’est ceci : la violence brute, les agressions meurtrières, les braquages sanglants qu’il y aura ici dans vingt ans, dans trente ans : quand les Sénégalais(es) qui tentent d’émigrer vers l’Occident par pirogues cesseront de tourner cette auto-violence réelle et cette auto-attentat à leur vie qu’ils s’infligent en s’entassant dans des pirogues, pour devenir des protestataires pour la justice économique, des émeutiers réguliers, des hyènes urbaines qui mordent les mollets et arrachent les biens de leurs concitoyens mieux lotis par Dame fortune; quand aussi, les binômes de scootéristes, ces As du vol à l’arrachée, auront systématiquement sur eux des machettes et puis, pourquoi pas, au fil du temps, évolution et modernisation oblige, de plus en plus d’armes à feu. Quand enfin, les grappes de millions de « jeunes de moins de 19 ans » (qui représentent actuellement 50% de la population sénégalaise) submergeront des services publics à la capacité d’accueil dépassée, des services sociaux qui ne peuvent croître exponentiellement, des infrastructures sursollicitées qu’on ne peut remplacer chaque année, et que leurs diplômes/formations ou défaut de diplômes / de compétences professionnelles, leur interdiront un emploi décent, dans un marché de l’emploi (formel et informel cumulés) où arrivent chaque année 400.000 Sénégalais d’une même classe d’âge. Les voitures des honnêtes gens seront alors braquées aux feux- rouges, avec pistolet sur la tempe du conducteur, obligé de céder le volant et la voiture qui va avec.

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Ce sera ça : la vraie loi des séries. Au sens propre.

Bon. Bref. Revenons à nos moutons. Voici comment la Canadienne Marie-Ève Fournier conclut son éditorial dans « La Presse » :

 » Un projet de taxe mondiale sur la fortune ou d’impôt minimum pour les super-riches se trouve justement au menu de la rencontre des ministres des Finances du G20 qui se tient actuellement à Rio de Janeiro. C’est un pas encourageant. Mais dès le début des échanges sur le sujet, les États-Unis ont dit qu’ils ne voyaient « pas le besoin » d’une telle mesure. Le Brésil en a quand même fait une priorité. Selon le président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva, il faut taxer les milliardaires, car « en haut de la pyramide, les systèmes fiscaux ne sont plus progressifs, mais régressifs ». Ainsi, « les super-riches paient proportionnellement moins d’impôts que les travailleurs ». Sa proposition est notamment soutenue par la France, l’Espagne, l’Afrique du Sud, la Colombie et l’Union africaine. Impossible de s’entendre, toutefois, quand le pays qui a permis à Elon Musk et Jeff Bezos de devenir les deux hommes les plus riches du monde s’oppose à toute négociation internationale à ce sujet. Ce n’est guère étonnant, mais il faut s’en désoler avec vigueur, surtout quand on sait que le taux d’imposition du 1 % des plus riches dans les pays du G20 est passé depuis 1980 de 60 % à 40 %, selon les calculs d’Oxfam. Jusqu’où faudra-t-il se rendre pour que les États-Unis, qui carburent aux excès, allument enfin sur les conséquences des inégalités ? ».

En ce qui concerne votre serviteur que je suis, voici ce que je pense et ce que je crois : ceci est aussi, fortement, un débat africain et même sénégalais, sur notre avenir collectif en tant que communautés.

Nous avons nos pirogues d’émigrants que tous qualifient de suicidaires, sauf eux-mêmes ? Les USA ont leur mur-passoire à la frontière Sud avec le Mexique, où dix millions de migrants illégaux sont entrés, rien qu’en 2024, y compris en pataugeant dans le fleuve Rio Grande.

Ceci pour dire que la sécurité et la prévention policière, l’engagement des militaires et des fonctionnaires administratifs pour la gestion des flux migratoires (ces arrivants, légaux ou illégaux doivent être documentés !) seront les premières fondations de l’édifice social pour que la réduction des inégalités ne se fasse pas comme dans la jungle, à coups de « donne-moi ceci! » et de « je te prends, ça! ». Seulement si ce minimum de filet sociétal de la force symbolique de protection de tous, est assurée, alors, les politiciens africains, dont c’est la charge, pourront nous proposer des politiques publiques et des politiques de développement pouvant aboutir au résultat efficace d’une redistribution équitable de la richesse produite.

Pour cela, il faudra que nos politiciens, y compris sénégalais, osent dire qu’ils proposent « un projet de société » à nos compatriotes. Et cesser de parler de « programme électoral ». « Projet de société » doit cesser d’être un gros mot au Sénégal. Et il n’y a pas meilleur projet de société que de bâtir une communauté où les inégalités économiques sont réduites à des gaps « normaux », entre les plus riches (qui doivent être taxés et imposés sur leur fortune dormante – souvent immobilière- et aussi sur leurs revenus ) et les plus pauvres (que des filets sociaux financiers doivent empêcher de finir en itinérance dans la rue, à dormir à la belle étoile sur des feuilles de cartons aplatis, y compris sur les trottoirs de l’avenue Ponty !). Au nom de la lutte contre les inégalités sociales, qui sont souvent des inégalités de classe.

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Le pouvoir politique y aura son rôle primordial à jouer. Il y faudra de l’avoir, pris dans la poche de l’État comme dans les poches des riches et des supers-riches. Il y faudra le savoir et la quête de ce savoir, dans un système éducatif repensé et non-malthusien, pour que le savoir soit la meilleure arme à acquérir pour changer d’échelle sociale, aussi bien par l’entrepreneuriat privé que par l’ascenseur de la méritocratie républicaine, que le pouvoir politique (les élus majoritaires) doivent garantir, sous la surveillance de leur contrepoids que sont les opposants politiques et les alliés objectifs des causes sociales et de la lutte contre les inégalités, qu’est: la société civile. Au nom de « la promotion de l’égalité des chances ».

Parce que tous nos politiciens sénégalais ont déserté l’approche de campagne électorale présidentielle par proposition de « Projet de société » aux électeurs, ayant certainement eu peur de heurter le Sénégalais lambda, qui lui, est présumé être sûr que sa société a finie d’être bâtie et bien bâtie depuis belle lurette, et n’a donc plus besoin d’être remise en projet de déconstruction ou de reconstruction, sauf pour réparer ici et là quelques mœurs anciennes et policées devenues corrompues pas les politiciens (‘‘Na ñu défaraat jikko yi’’, disent-ils…). Le Sénégalais lambda pense-t-il cela ? Rassuré qu’entre les immuables de sa vie que sont le tiéboudiene, les trois normaux d’ataya, ses grand-places, ses matchs de navétanes plus populaires que les matchs de foot du championnat de la ligue Pro, ses intermittents de l’agriculture qui cultivent la terre quatre mois sur douze et dorent leurs orteils en éventail au soleil les autres huit mois de l’année, ses Magals, ses Gamous, ses tours de famille, sa revue de presse en « radiovision », eh bien, il n’y a aucun projet de société qui vaille : puisqu’on a déjà la société parfaite léguée de longue date par nos vaillants ancêtres, nos pères jamais économes de leurs efforts pour ramener la dépense quotidienne pour les repas de la maisonnée, nos mères vertueuses qui nous ont porté dans leur dos avec un pagne- rabal et non pas avec une double feuille de papier-journal, et enfin, last but not least : la longue lignées de nos Sages et Guides religieux, de feus les fondateurs de confréries maraboutiques jusqu’à leurs khalifes actuels sur terre, sans oublier le clergé des « abbés ».

C’est cela le postulat de la plupart de nos « leaders » politiques ? Alors, qui se hasarderait à proposer un « Projet de société » aux électeurs d’un pays où « Tout est déjà Téranga, et cela, de tout temps, cette Téranga » ?. Eh bien, cette façon de voir notre Sénégal est un mépris condescendant de la part des politiciens, pour la grande masse des électeurs, que certains titres de presse sénégalaise désignent impudiquement et impunément comme … »le bétail électoral« .

Résultat de cette politicaillerie à courte vue, sans audace collective d’espérer et sans volonté transformationnelle de notre communauté nationale ? Ceux, les seuls, qui avaient le mot « Projet » à la bouche, et même pas de « Projet de Société » conceptualisé, à part de crier « Rupture! Rupture! »; ceux-là ont préempté l’élection présidentielle de mars 2024 à campagne-éclair, remportée par leur tête de gondole inattendue qu’est le président Diomaye.

Qu’est donc le « Projet « ? On aura mis du temps à commencer à le savoir. Après quatre mois de pouvoir Pastef et de régime Diomaye-Sonko, il semblerait que « le Projet » , c’est : Jub, Jubal, Jubanti.

Jub, Jubal, Jubbanti ? Cela me semble l’amorce de ce qui peut devenir un vrai « projet de société ». Même si cela reste encore une auberge espagnole aux couleurs Pastef, où chacun trouvera ce qu’il y aura apporté. Et où tout le monde prendra ce qu’il croit y avoir trouvé.

Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste (Tract.sn) et Directeur Général d’Axes & Cibles Com.







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