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Tamba, La Silencieuse

Nous étions à Tamba en affectation. Cette année-là, après quand même des années dans la région, on avait envie d’aller ailleurs. A Tamba, on habitait les HLM où notre service disposait de logements. C’était juste derrière la Gouvernance, pas loin de la Maison d’arrêt, là où s’arrêtait la ville, sur la route de Mael Deby avec son célèbre campement. On aimait Tamba avec ses quartiers pittoresques comme Gourel Diadji, le quartier Pont, Quizambougou et autres Liberté. A cette époque, l’express Dakar-Bamako roulait toujours. Son arrivée était un évènement que personne ne manquait. Les belles jeunes femmes de la ville se mettaient sur leur 31 et venaient pour accueillir des passagers ou recevoir des colis. Il faut dire que Tamba est une ville cosmopolite, un concentré du Mali, de la Guinée et de beaucoup d’ethnies du Sénégal. Les filles étaient- et je suppose qu’elles le sont toujours- d’une beauté époustouflante. Elles étaient à juste titre les terreurs des femmes des fonctionnaires dont les maris ne pouvaient échapper à ces belles au teint clair.

On attendait tous donc le train et son arrivée était le lit de tous les prétextes pour lier des relations avec les nymphes. Ce train, à lui tout seul, était une économie en mouvement. De la vendeuse de bouillie de mil (fondé) ou d’eau fraîche qui criait ‘’Moni bea ! Moni kéléma’’ qui semblait être le mot de bienvenu aux voyageurs penchés aux fenêtres des wagons du train qui entrait silencieusement en gare après avoir klaxonné depuis son entrée à quelques kilomètres aux vendeurs de poulets et des dames du Buffet de la Gare, aux vendeuses de produits locaux, tous réservaient au train un accueil digne de son rang de trait d’union des contrées. Il y avait, à cette époque, deux rames du train express, l’une, sénégalaise, l’autre, malienne. Ces trains se croisaient à Kidira où on échangeait les locomotives à la frontière. Pour la petite histoire, il paraît que c’est lors des fâcheux évènements de l’éclatement de la Fédération du Mali, quand le Sénégal et le Mali avaient convenu de n’être qu’un seul pays, et que, sûrement, les boulimies de pouvoir des chefs de nos jeunes Etats, Senghor et Modibo Keita ont fait éclater. C’est donc, d’après des versions que lors de cet incident, les Maliens avaient gardé les locomotives sénégalaises qui s’y trouvaient. Alors, depuis, les locos s’échangeaient à Kidira, à presque 250 km de Tamba, à la frontière entre les deux pays. Tout cela était une affaire de politiciens, les peuples du Mali et du Sénégal ne se sont jamais quitté, Tamba en est la preuve la plus vivante.

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Il y avait un dancing qui s’appelait le Nieri-Ko, c’était le lieu de rassemblement de toute la jet-set locale dont la majorité était composée de fonctionnaires en affectation, y avait ‘’Chez Denis Traoré’’ qu’on appelait ‘’Le Chawarma’’, ‘’Le Saraba’’ et la détente, des endroits de rencontres et de farniente dans Tamba la-torride. J’adorais ‘’La Détente’’, son patron et propriétaire et sa dame, étaient un couple d’amis, et ils nous faisaient crédit, en plus d’avoir une gentille petite famille pour laquelle ils se battaient. Bon, y avait l’hôtel Asta Kébé avec sa piscine, mais, quand le Colonel Barthélemy Faye, un grand à moi, s’est noyé là-bas, je l’ai délaissé. De Tamba je retiens aussi sa proche banlieue. Les villages de Sankagne, Kouar et Sagne, ces immenses réussites d’intégration et de conquête de l’Est que le Président Senghor avait initiées à travers la Société des Terres neuves pour combattre l’importation de la banane de Côte d’Ivoire. Un magnifique exemple de réussite dont devraient s’inspirer ces messieurs de l’Emergence, car la plupart des bananes que vous dégustez viennent de ces villages. Gouloumbou avec son pont, son hippopotame et sa proximité avec la Gambie.

Bon, pour revenir à l’entame de mon propos. J’étais avec un ami à discuter des affectations devant mon domicile, lui sur sa moto, moi debout avec mon verre d’eau. Lui, voulait partir coûte que coûte, moi je m’en foutais éperdument de mon destin. On était en plein dans notre discussion quand surgit de la rue voisine un chien qui fuyait à toute allure en jappant de terreur comme poursuivi par le diable. On n’eut même pas le temps de nous poser des questions qu’un singe déboula de la même rue et se mit aux trousses du chien. On était stupéfaits et ahuris. Si ce n’est pas la fin du monde, ça y ressemble fort. Un chien poursuivi par un singe ! Incroyable ! On ne peut même pas dire que les rôles étaient inversés, c’était impensable, du jamais-vu. Mon énorme éclat de rires tira Jules Bachir de son état. Il me dit en allumant sa moto : ‘’Rien que ça devrait te convaincre de quitter cet endroit, Badou Ndao’’.

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