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Transposition De La Guerre Russo- Ukrainienne Dans Le Sahel

On se rappelle l’ancien Président nigérian Muhammadu Buhari. Avant de quitter le pouvoir suite à son second mandat, il déclarait le jour de son anniversaire que « les armes fournies en masse à l’Ukraine dans le cadre de sa guerre contre la Russie, sont en train d’être recyclées à grande échelle dans l’espace CEDEAO ». Aujourd’hui, cette étape est même dépassée car ce sont des mercenaires ukrainiens qui débarquent dans l’espace CEDEAO, forment, entraînent, équipent et accompagnent les terroristes qui vont lutter contre les armées régulières des pays de la CEDEAO. Ils vont même jusqu’à lancer des avis de recrutement de mercenaires parmi les populations de la communauté. L’instance politique de la CEDEAO ne pipe mot de cet état de fait et refile à la Commission de la CEDEAO la patate chaude pour sortir un communiqué laconique sur la situation du massacre de Tinzawaténe brandi comme un trophée de guerre par les Ukrainiens à la suite d’une attaque perpétrée contre les armées régulières d’Etats membres de la CEDEAO.

LES CONDITIONS POLITIQUES ONT FACILITE L’ARRIVEE AU POUVOIR DES MILITAIRES.

On ne peut faire l’analyse de la déliquescence de la CEDEAO en faisant abstraction des contextes sécuritaires, de la présence de forces étrangères et des rivalités géopolitiques au vu des ressources minières et minérales du sous-sol mais aussi la position géostratégique de la région. Au lieu de se limiter à des condamnations de principe des coups d’Etat militaires, la CEDEAO aurait pu agir(avant) afin de ne pas créer les conditions pour qu’ils surviennent et ne soient perçus comme acceptables par les populations qui sont au premier chef concernés. Il s’agit notamment du maintien au pouvoir de présidents civils par des manipulations électorales, des tripatouillages de résultats électoraux, des fraudes massives, des modifications des cadres anticonstitutionnelles.

Les prises de pouvoir par l’armée sont des événements politiques qui s’inscrivent d’abord dans l’histoire de chaque pays. Le Mali, rappelons-le, depuis Moussa Traoré, avait connu le régime du général ATT, qui avait troqué le treillis contre le boubou et le pays avait fonctionné avec un régime dominé par les militaires, maquillés sous forme de pouvoir civil. Déjà, à cette époque, le cas de la rébellion touareg « entretenue » par certaines puissances étrangères dans les zones hautement riches avait débouché sur une guerre de longue haleine. En Guinée, les circonstances du troisième mandat de Alpha Condé ont créé les conditions idoines pour un coup d’État. Au Burkina FASO, le nombre de civils morts attribué aux « terroristes » a produit des coups d’états militaires successifs. Idem pour le Niger ou la vague terroriste avait fini d’effectuer sa marche vers Niamey. Il faut aussi faire attention dans l’analyse à intégrer les situations politiques propres à chaque pays, surtout depuis l’assassinat du guide Lybien Mouammar Kadhafi. Les environnements sécuritaires dégradés offrent un boulevard aux militaires de jouer un rôle politique de premier rang en se prévalant d’une capacité à maintenir la sécurité et acclamé par les populations meurtries.

S’il n’y avait pas eu l’illustration d’une dérive grave de la gouvernance, les militaires n’auraient jamais pris le pouvoir aussi facilement. La Côte d’ivoire, le Togo mais aussi le Bénin sont ainsi avertis avec le désir de troisième ou quatrième mandat. Cette désillusion était perceptible notamment au Mali, à la fin du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta, ou en Guinée où l’arrivée des militaires a eu un sentiment de soulagement de la population.

CERTAINS COUPS D’ETATS «ACCEPTES», D’AUTRES «NON»

Les mouvements citoyens dans certains pays ont poussé l’armée à prendre le pouvoir face à l’incapacité des régimes dits élus de maintenir l’intégrité du territoire national et la protection des biens et des personnes face à des terroristes. Les militaires arrivent ainsi avec des Termes de Références (TdR) cadrés sur l’impératif de préserver la stabilité sécuritaire avec des militaires qui détenaient déjà la réalité du pouvoir, et jouent un rôle important dans la lutte contre le terrorisme.

Ne soyons pas naïf aussi, Au sein de cette communauté dite internationale, ily a des acteurs divers qui ont des degrés d’influence plus ou moins importants au sein de la CEDEAO. La réaction de chaque acteur extérieur à un coup d’État est influencée par leurs intérêts et leur proximité avec les autorités politiques et militaires renversées et celles qui ont pris la place. Certains coups d’états sont « acceptés » et aucune sanction n’est prononcée d’autres en revanche ne sont « pas » acceptés.

Les intérêts économiques sont aussi importants. Quand on a un pays comme la Guinée qui est un exportateur majeur d’une matière première stratégique comme la bauxite et qui a fortement développé ses relations avec les entreprises chinoises et russes, le Niger avec son uranium, le Mali avec son Uranium, son hydrogène naturel et son Or, le Burkina avec son Or et son pétrole, on comprend qu’un changement de pouvoir à Niamey, Bamako, Ouaga ou Conakry entraîne des conséquences géopolitiques.

A l’intérieur de la CEDEAO, face à cette Afrique francophone où les Etats tentent vaille que vaille de renforcer leur pouvoir autonome au détriment de l’intérêt collectif avec un présidentialisme exacerbé par l’adoption de nouvelles Constitutions ou de révisions constitutionnelles opportunistes, il est comme qui dirait un ilot de vertu sur le plan politique. Les exemples de réussite sont rares mais existent. Dans la lignée de renforcement de la Démocratie, on trouve les pays anglophones (Nigeria, Liberia, Sierra Léone, Ghana, Gambie ou le Cap Vert. Ces pays ont eu la chance d’avoir des dirigeants politiques, volontaristes et non hégémoniques (Georges Weah, Jerry Rawlings, Pedro Pires, …). Sur le plan des principes et des valeurs, ces pays se caractérisent par le respect des droits de l’homme, l’ouverture des peuples les uns vis-à-vis des autres et l’affirmation de la qualité de la vie, même si Boko haram (qui dispose d’armes de guerre de dernier cri !) sévit dans certains Etats du nord Nigéria

Les citoyens tolèrent de moins en moins cette situation et revendiquent plus de liberté, un autre modèle économique, politique et social ce qui a mené à renforcer les mouvements populistes, panafricains, souverainistes. L’espoir qu’avaient les peuples de voir leurs conditions de vie améliorées a été déçu face à des dirigeants qui tentent de rester au pouvoir en violant les lois et en usant de la violence. Ils bénéficient de la complicité active ou passive de leurs parrains occidentaux tant qu’ils poursuivent des politiques néolibérales – qui creusent chaque jour davantage les inégalités socioéconomiques. Les États de la région faillissent encore à leur mission lorsqu’ils luttent contre les supposés terroristes, exerçant une répression très brutale et qui nourrit un cycle de violences.

Mounirou Fall (correspondance particulière)







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