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Pourquoi Les DÉputÉs Doivent Voter Contre La Dissolution Du Cese Et Du Hcct

Lettre aux députés

J’avoue que je trouve pour le moins curieux les termes dans lesquels les questions institutionnelles sont actuellement abordées au Sénégal.

Nous étions dans l’attente de la réalisation, depuis lors,  de la promesse du président nouvellement élu, Monsieur Bassirou Diomaye Faye, de placer la  réforme en profondeur de nos institutions parmi les priorités de son quinquennat.

Les institutions relevant de la Constitution, mère des lois, il était attendu que des consultations nationales fussent convoquées sur ce sujet de fond.

D’autant que le débat sur cette question est rendue encore plus actuelle par la confusion manifeste et pour le moins gênante qui règne au sommet de l’État par rapport à des légitimités si fortes l’une comme l’autre, entre les deux têtes de l’exécutif.

Le Sénégal fait face en effet à un cas de figure inédit du point de vue politique entre République et démocratie.

Entre un chef de l’État installé à la tête du pays à la faveur du suffrage universel par une majorité acquise à partir de la volonté d’un chef de parti qui en a décidé.

Et qui se retrouve lui même soumis, du point de vue des règles de la République, à l’autorité de celui qui lui doit sa place à la tête du pays.   

Ce bicéphalisme curieux et paradoxal devant se gérer au demeurant dans le contexte d’une cohabitation de fait entre une nouvelle majorité exécutive faisant face à une majorité parlementaire qui échappe totalement à son contrôle.

Cette situation insolite, à notre avis, si sérieuse au point de faire l’objet de toutes les attentions parmi les élites politiques et intellectuelles du pays, on aurait tort de l’aborder autrement que dans la plus grande sérénité.

A cette question centrale est venue s’ajouter celles déjà soulevées sur le chapitre des reformes institutionnelles arrivées depuis longtemps à maturité sur la nature du régime politique obsolète qui continue de nous gouverner.

Ces questions fondamentales devraient plutôt constituer, en ce moment precis, les sujets de fond qui auraient dû actuellement mobiliser les élites et les citoyens de notre pays. 

Le président Bassirou Diomaye Faye en a décidé autrement en convoquant dans l’urgence le parlement, juste pour la dissolution de deux institutions de la République, le Conseil Economique Social et Environnemental et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales.

Cette nouvelle donne de la volonté déclarée du président de la République de  dissolution de ces institutions consacrées par loi constitutionnelle trouve pour principal motif, pour l’instant déclaré, le souci de réaliser des économies budgétaires évaluées de l’ordre de 15 milliards par les uns, 20 milliards par les autres.

Des montants certes significatifs dans notre contexte de pays en développement, mais qui n’en restent pas moins marginaux pour tout ce qu’en retour ces institutions apportent en termes d’inclusion, d’intégration nationale et de régulation.

Le professeur Souleymane Bachir Diagne rappelait, il y a quelques temps, que les institutions sont les organes inventées par l’homme moderne pour marquer la rupture entre la société des humains et  la jungle des espèces animales.

C’est pourquoi le plus dangereux dans cette optique de soit disante économie budgétaire, c’est qu’il est su de tout le monde que pour nombre de ceux qui approuvent une telle initiative, ils le font pour des mobiles autres que ceux

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déclarés.

 Le débat politique dans l’espace public reste largement dominé de nos jours par le discours populiste violent qui parle plus aux tripes qu’il n’interpelle nos consciences sur les problèmes et enjeux de notre époque.

Il est temps qu’on renoue avec les considérations politiques de type doctrinal  adossées à une vision du monde et à une philosophie qui structure une pensée politique avec des finalités déclinées en programme et projets au service de la transformation qualitative de la société et de l’économie.

Nous ne saurions continuer de subir la fatalité d’un débat politique de violence entre acteurs plus préoccupés à se détruire les uns les autres qu’à se distinguer dans des efforts d’élaboration d’une argumentation nourrie qui  participe de l’élevation du niveau culturel, technique et scientifique des citoyens.

Savoir que dans l’optique des logiques de confrontations, ce ne sont pas les relais qui manquent pour nous installer au quotidien dans la permanence de tensions propres à entretenir dans nos sociétés démocratiques une ambiance généralisée de carnage fratricide sans répit.

Dans le contexte historique des bonds technologiques sans précédent dans le secteur particulier des médias, où chaque homme ou femme a la possibilité d’être citoyen/média, capable de diffuser au quotidien toutes les insanités du monde sur d’autres citoyens sans que rien ne leur en coûte, la voie est alors royale pour une mort programmée et sans delai de la démocratie et de nos sociétés modernes tout court. 

Pendant qu’on y est, pourquoi s’arrêter en si bon chemin pourrait on dire …!

On peut bien aller plus loin encore dans la négation des institutions de la République en décretant la mort dans la foulée de toutes, y compris la présidence de la République dont on peut autant, et avec superbe, justifier le caractère budgétivore. 

Tous les résultats réalisés à la tête du pays sont à l’arrivée systématiquement et radicalement constestés et niés à chaque occasion de compétition électorale majeure.

La même logique pourrait bien s’appliquer tout autant sur l’utilité de l’avion présidentiel.

Avec encore force arguments sur la table. Ce qui serait de mon point de vue tout aussi irresponsable !

Il faut rappeler qu’il n’a pas manqué, dans l’histoire et jusqu’à nos jours, des courants idéologiques et politiques se réclamant d’une telle affiliation…

Comme qui dirait, au regard de nos taux d’échecs et de déperditions scolaires, que les investissements sur l’école n’ont qu’à être supprimés ou réduits au minimum pour être reversés sur le coût de la vie et l’emploi des jeunes …!!

Autrement dit,  » l’éducation nous coûte trop cher, on n’a quà essayer  l’ignorance ! « 

Les citoyens de bonne volonté ont bien envie d’être édifiés sur les vrais  mobiles d’une telle urgence à détacher cette question d’autres, de loin plus beaucoup plus importantes sur le même sujet ….

Pour faire effet facile, on enjambe l’institution pour pointer du doigt sans le nommer l’homme politique ou le soi-disant privilégié qui est derrière.

Il convient à cet égard de nous rappeler à nous tous et à nos nouvelles autorités que dans toutes les sociétés humaines sans exception, il existe des hommes et des femmes, travailleurs et travailleuses, pères et mères de familles, citoyens et citoyennes comme tout le monde ;  mais qui, pour certains, soit par vocation tout court, soit par engagement personnel pour diverses raisons qui peuvent être aussi variées les unes que les autres,  décident au surplus de se consacrer au collectif.

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Quel que soit par ailleurs le choix du lieu de transfert d’un certain humanisme qui les habite. Ce lieu de transfert peut relever du social syndical, du social humanitaire, du spirituel, du culturel, du sportif comme du politique…

Dans le cas du politique dont il est ici question, des circonstances peuvent advenir pour que, pour des raisons que d’autres assimilent à la folie, un tel  engagement justifie aux yeux de l’homme politique qu’il mette en jeu sa santé, sa liberté, toutes ses ressources, sa sécurité et celle de sa famille, y compris le péril de sa vie pour la défense de la cause à laquelle il se consacre.

Autrement dit, nous avons des hommes et femmes, pas comme les autres, qui accomplissent dans une parfaite dignité leurs devoirs de père, de mère, de travailleur, de citoyen tout en se consacrant pleinement à ce qu’on appelle dans les démocraties saines à leurs tâches  de « professionnels de la représentation populaire  » dont certains, par leur altruisme dans leur sacerdoce social, bénéficient du statut privilégié de notables reconnus et respectés dans leurs lieux de vie.

J’aimerais bien qu’on m’explique ce qui peut justifier que ceux là qui s’investissent autant au service de leurs communautés ne puissent bénéficier  en retour de la reconnaissance de la nation par des distinctions honorifiques ou en leur confiant des missions de représentation dans des instances étatiques de consultation ou de décisions sur des sujets qu’ils vivent dans leur quotidien avec les citoyens dans leurs lieux de vie et de travail.

Qu’il me soit prouvé que l’Etat du Sénégal n’a pas besoin du regard avisé de ces chefs d’entreprises, de ces cadres et experts émérites, de ces représentants des travailleurs, des mouvements de jeunesses, des associations féminines, de ces notables de toutes confessions religieuses, et de toutes les régions du pays  pour croiser leurs regards entre eux et avec les décideurs finaux sur tout ce qui est sujet économique, social et environnemental …

Une manière d’associer le savoir des uns, les ingénieries, habiletés et expériences des autres pour mettre tout ce réservoir immense de savoir et de compétences au service des décideurs.

Qu’on me prouve que ces missions , parmi d’autres, du Conseil Economique Social et Environnemental ne sont d’aucun intérêt pour ces dirigeants actuels dont la plupart d’entre eux font leur baptême du feu dans la décision politique au niveau le plus élevé de notre Etat.

Les mêmes démarches et procédures sont aussi valables pour la gouvernance de nos territoires dans un contexte de fortes aspirations des peuples et des nations à une gouvernance inclusive, de type horizontal qui place le citoyen au coeur des processus de décisions sur les politiques publiques.

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Je me permets ce plaidoyer que j’assume pour une double raison. 

La première est que j’ai eu la chance à titre personnel d’avoir exercé toutes les fonctions politiques, le niveau local en tant que maire, celui de parlementaire pour avoir été élu trois fois député et enfin comme membre de plusieurs équipes gouvernementales.

Cette expérience m’a donné l’occasion de me frotter avec ces grandes  institutions de la République pour savoir ce qu’elles valent et ce qu’elles  peuvent apporter dans un Etat confronté à des défis aussi redoutables et complexes que ceux de nos jours

La seconde raison qui me met à l’aise dans ce plaidoyer tient au fait que je n’ai  aucune prétention d’exercice dans le futur, à titre personnel, de fonctions d’ordre public. Mes engagements du moment se situent ailleurs 

C’est juste par conviction intime et devoir patriotique que j’invite les députés à refuser le vote de ce projet de loi.

En gardant, au fond de moi, l’espoir que le chef de l’Etat et son chef de gouvernement se ravisent au dernier moment pour son retrait de la table de l’Assemblée nationale.

Encore une fois, il ne se passe rien dans ce pays qui justifie cette logique de coup de force qui semble prévaloir dans le traitement de sujets qui nous concernen tous, et sur lesquels tellement de Sénégalais devraient avoir de bons mots à dire.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai envie de dire, en toute humilité, aux autorités actuelles de notre pays que les priorités du moment sont plutôt ailleurs.

Sur le terrain strictement politique, il est attendu qu’elles veillent avant tout à garantir à notre pays une transition pacifique ordonnée.

Ceci doit passer par un dialogue serein avec les dirigeants des principales institutions avec lesquels elles partagent encore la gouvernance de l’Etat. Et avec les personnalités de bons conseils qui ont l’avantage d’une bonne  connaissance du pays.

Que le Premier ministre, par respect des institutions, des parlementaires et des citoyens, sacrifie à son devoir constitutionnel de présentation de sa déclaration de politique générale devant la nation.

Qu’un large consensus soit recherché et obtenu avec tous les acteurs politiques et du système démocratique, la presse en particulier, sur les meilleures conditions de préparation et d’organisation des prochaines élections législatives, déterminantes pour la paix et la stabilité du pays.

Ces élections devraient être précédées par un grand débat national sur les réformes des institutions de maniere à ce qu’au sortir des législatives le pays  puisse entrer résolument dans l’ère du renouveau démocratique et républicain, et la poursuite d’un bon programme de prospérité largement

partagée. 

Le Sénégal devra continuer de jouer pleinement son rôle sur le continent en faisant réinscrire parmi les surpriorités de l’agenda de l’Union africaine, la question fondamentale d’une Afrique rassemblée pour réaliser son unité politique.

Ce sont là, pour nous, les bons sujets sur lesquels tous peuvent s’engager sans réserve !

Abdou Fall est ancien ministre d’État, ancien député.







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