Les vendredi 4 et samedi 5 octobre prochains, le Président Bassirou Diomaye Faye se rendra en France pour prendre part au XIXe Sommet de la Francophonie que le pays de Marianne accueille pour la première fois depuis 1991. En se retrouvant sur deux lieux, Paris et ensuite la commune de Villers-Cotterêts, les dirigeants francophones vont passer en revue l’état de la langue française et les enjeux actuels du monde.
Le choix de Villers-Cotterêts est symbolique car dans le château de la commune, est érigée la Cité internationale de la langue française, site culturel dédié à la révélation de « la langue française comme source de créativité et d’échanges, d’épanouissement intellectuel et esthétique, de plaisir et comme un levier d’insertion sociale, économique et citoyenne ».
Dans le château de Villers-Cotterêts, ancien palais de François 1er, le roi a signé en 1539 l’ordonnance érigeant l’usage du français dans les actes administratifs et judiciaires en France.
L’histoire devrait alors ériger les leaders qui s’y retrouveront pour penser l’avenir de l’humanité, en proie à des crises protéiformes et à des mouvements et dynamiques, notamment au sein de la jeunesse des pays membres.
Pour ce sommet des chefs d’État et de gouvernement, les dirigeants vont plancher sur le thème suivant : « Cŕeer, innover et entreprendre en français pour l’emploi des jeunes », et ils auront certainement ̀a cœur d’apprécier les opportunités qu’offre l’espace francophone, notamment au bénéfice de la jeunesse. Cette jeunesse dont le réservoir se trouve en Afrique fait face à des défis colossaux en termes d’emploi, d’inclusion sociale, de mobilité et d’accès aux opportunités du numérique et de l’intelligence artificielle.
Il est indéniable que l’avenir de la jeunesse francophone se situe en Afrique. La croissance démographique est un indicateur important pour mesurer le poids du continent dans les prochaines décennies et dans le cycle des échanges économiques et sociaux. La population francophone africaine va passer de 321 millions d’habitants aujourd’huì a 715 millions d’habitants d’ici 2050. Cette population qui sera en majorité jeune inspire aux décideurs qui se retrouveront en France de vrais défis générationnels, liés notamment au climat, au numérique, à l’IA et à la paix et la sécurité.
L’OIF est un cadre important pour la diplomatie multilatérale. Elle a un rôle majeur à jouer pour relever les défis de la paix, la sécurité, les migrations et l’urgence climatique. Le continent africain, qui accueille la plus forte densité de populations francophones, fait face à des défis démocratiques et sécuritaires importants. Au Sahel, les juntes qui ont pris le pouvoir virent vers un autoritarisme sans précédent et ferment tous les espaces de respiration démocratique. Elles se maintiennent au pouvoir, refusent d’organiser des élections et emprisonnent et harcèlent journalistes et membres de la société civile.
Ces juntes n’arrivent pas non plus à annihiler les groupes armés qui sévissent dans la région et provoquent des milliers de morts civils et militaires. En RDC, grand pays francophone, la guerre civile est persistante, et aucune solution proche n’est envisagée. C’est dans ce cadre qu’un huis clos des chefs d’État et de gouvernement est prévu sur le thème : « Pour un multilatéralisme renouvelé ». Depuis la Déclaration de Bamako de 2003, l’OIF s’est dotée d’un cadre normatif sur la démocratie, les droits et les libertés dans l’espace francophone.
Sur la base des valeurs de notre langue en partage, les chefs de délégation échangeront aussi sur le climat et le numérique. Deux leviers essentiels de croissance et de survie d’une jeunesse dynamique mais en proie au doute. Ce sommet devrait être l’occasion de minimiser le doute et de fouetterle potentiel créatif d’une jeunesse ingénieuse et porteuse de projets allant dans le sens de transformer le présent et l’avenir. Seront présents à Paris, au Grand Palais, et à Villers-Cotterêts, des jeunes issus d’Hanoï, de Dakar, de Kinshasa et de Québec pour se mobiliser et penser une francophonie moderne, ambitieuse et au cœur des enjeux actuels. Car selon les organisateurs du Sommet de 2024, « les chefs d’État et de gouvernement pourront pour la première fois ́echanger avec de jeunes cŕeateurs, innovateurs et entrepreneurs qui ́evoqueront leurs ŕeussites mais également les défis qu’ils rencontrent ».
Il faut espérer du Sommet de Villers-Cotterêts qu’il soit un moment pour tordre le bras aux idées reçues sur une francophonie vieillotte et poussiéreuse. A l’heure où le multilatéralisme est largement éprouvé à Gaza, en RDC, au Soudan, en Ukraine et au Liban, des engagements forts sont attendus pour remettre l’OIF au cœur de la géopolitique des crises. Ce sera aussi l’occasion de montrer que la francophonie est attractive car en plus de porter les belles valeurs de la langue française, elle charrie des solutions aux crises du monde.
A Villers-Cotter̂ets, la francophonie retourne aux sources de sa mère-patrie. Mais elle revient enrichie des ajouts, des inventions, des innovations issues des maquis d’Abidjan, des cafés dakarois, des salons libanais et des jardins genevois.
Au moment où le Président sénégalais s’apprête à participer à son premier Sommet de la Francophonie en France, il faut avoir une pensée pour le père-fondateur de cette organisation, Léopold Sédar Senghor, sénégalais et français. Homme-lien, trait d’union, dont l’esprit de synthèse devrait habiter la relation saine et fertile entre les deux pays. Ce retour aux sources devrait fertiliser l’espérance.