Le Sénégal a connu entre 2021 et 2024, des moments très douloureux qui remémorent des traumatismes de son histoire, de l’esclavagisme du début du 15e siècle par les Français, Portugais et Britanniques (couvrant environ deux (2) siècles de souffrances et de peur), en passant au colonialisme portugais et principalement français du 17E siècle jusqu’en 1890 (environ deux autres siècles de pillages des ressources du pays et de tortures physiques et morales), pour ensuite vivre une lutte multiforme pour l’indépendance qui s’est très vite révélée illusoire, parce que sous le joug de visages travestis de compradores.
Avec des formes de luttes démocratiques multiples et variées, menées par les patriotes Sénégalais sous l’impulsion de divers courants idéologiques dans le contexte des mouvements de lutte contre l’impérialisme et le néocolonialisme inspirés par des penseurs et hommes politiques, le Sénégal avait réussi la prouesse de construire un État, une Nation par la prise en compte de la diversité de son peuplement et l’harmonie trouvée entre toutes les cultures et croyances, une démocratie, un Etat de droit qui garantissait jusqu’en 2012 le pluralisme politique ainsi que le respect de la constitution et des lois.
Ainsi, en marge de coups d’État instrumentalisés par l’extérieur et ayant promu la soldatesque au pouvoir comme des roues de secours pour perpétuer la domination coloniale, ou bien menés par des officiers qui revendiquent par la force armée une légitimité populaire, le Sénégal a connu des transitions démocratiques plus ou moins paisibles avant 2024.
Malheureusement, la machine d’État a commencé à se manifester avec violence et arrogance, lorsqu’elle a considéré qu’un jeune fonctionnaire avait commis un péché en critiquant la mauvaise gouvernance et le mauvais fonctionnement des institutions, dénonçant la rupture de l’égalité des citoyens face aux charges publiques et par conséquent un favoritisme d’Etat qui violait la constitution.
L’actuel premier ministre Ousmane Sonko avait simplement fait comprendre que derrière l’apparence d’un gouvernement responsable qui s’affairait pour l’émergence économique, il s’était mis en place sous le régime politique déchu, tout un système organisé de prédation des deniers publics, de spoliation foncière, de fraude fiscale, de corruption qui impose un changement radical.
La force pantagruélique de la machine d’Etat dont les rouages rivalisaient d’ardeur pour le prolongement du système, le courage, la détermination, la résilience, l’endurance dont a fait preuve le jeune fonctionnaire, ont fini par sublimer un être qui finalement sera adoubé par un peuple dorénavant prêt au sacrifice ultime pour prendre en main son propre et entier devenir.
Ainsi, les actes attentatoires à l’exercice des droits civiques, à la liberté consécutifs entre autres de séquestration et d’arrestations arbitraires, les violences policières, les qualifications abusive du parquet, les emprisonnements massifs et systématiques par certains procureurs et juges, les mauvais traitements et tortures, les meurtres pour ne citer que des exemples de surenchère de la répression d’Etat, ne faisaient que renforcer la détermination du peuple à en finir.
Et le 24 mars 2024, le peuple sénégalais concrétisa cette aspiration légitime à la liberté et à la souveraineté. C’est l’expression d’une rupture et d’un nouvel espoir. Pour cela, tous les Sénégalais sont astreints à une seconde obligation majeure qui est celle d’assurer sa protection et la garantie de sa sécurité contre toute intrusion ou attaque illégitime exécutée ou commanditée de l’intérieur comme de l’extérieur. Sous chapitre, tous les potentiels chevaux de Troie doivent être débusqués au plus vite et neutralisés, dans le respect des règles de procédures et du droit à un procès équitable.
L’espoir enfanté dans la solidarité, les privations, les violences subies, est confié à chaque Sénégalais qui ne le laissera se faire noyer. Il est né, il est devenu ce patrimoine commun qui n’a qu’une seule obligation, celle de la réussite du Projet. Le passage obligé est l’établissement de l’état des lieux, la lutte contre les rétrocommissions, trafiquants d’influence et toute chose constituant un terreau fertile pour la corruption ; la reddition des comptes, la refonte intégrale de toutes les institutions, le bon choix des hommes dans le respect du droit et l’égalité de chaque citoyen à compétir pour l’exercice d’une charge publique ou d’une fonction élective,
L’empressement collectif face aux provocations et à l’arrogance éprouvante de potentiels mis en cause de délits financiers ou fonciers ne devraient pas pousser à une justice expéditive qui ne serait qu’une répétition des erreurs d’un passé récent. Les audits et les enquêtes doivent être profonds et exécutés avec expertise, prendre le temps nécessaire pour apporter les résultats attendus. Ils doivent nous permettre de rendre nos institutions crédibles et intangibles.
Nulle immunité, nul privilège, nul ordre hiérarchique ne devrait faire obstacle au châtiment. L’amnistie ne couvre ni les actes de tortures encore moins les crimes allégués que ne peuvent justifier le seul maintien de l’ordre. Les enquêtes doivent être menées à terme, toutes les responsabilités situées sur la chaine de commandement, pour que chaque mis en cause soit jugé selon les règles de procédures adéquates. Toute personne convaincue de crime de sang ou de Haute trahison soit traduite devant la juridiction (d’enquête et de jugement) compétente et habitée à cet effet. Chaque centime détourné ou escroqué doit être restitué spontanément ou recouvré. Les condamnations prononcées devront être assorties de la peine complémentaire de la dégradation civique qui sera pédagogique et dissuasive pour la postérité.
La justice est la moelle épinière de toute société dont l’affaissement entraine la perte de tous les droits, empêche tout progrès socio-économique facteur épanouisse.
La prochaine Assemblée nationale pour laquelle les Sénégalais sont appelés à voter le 17 novembre pour confirmer leurs encrages sur la rupture et leurs déterminations au triomphe du projet, doit garantir aux autorités une majorité qualifiée très confortable sans laquelle Diomaye et Ousmane ne pourront pas impulser les lois qui remettront en cause les accords et traités qui ont plongé le Sénégal dans l’abîme. La poursuite de la réédition des comptes ainsi que l’aspiration à la justice pour tous les morts, tous ce qui ont subis des injustices et brimades, risquent d’être entravées par une assemblée sans la majorité qualifiée favorable à la rupture et au changement radical.
Pour finir, quelques suggestions qui paraissent être appropriées et peuvent être mises en œuvre sans attendre les réformes, pour améliorer la justice pénale et le sort des détenus :
1.Pour les peines définitivement prononcées :
a) Accorder la grâce pour toutes les personnes condamnées à des peines définitives inférieures ou égales à deux années de prison ;
b) La commutation de peine pour tous ceux qui ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ;
c) Permettre la capitalisation pour chaque condamné définitif de la durée légale totale, pour la réduction de la peine ;
d) Accorder la libération conditionnelle de tous ceux qui ont déjà purgés la moitié de leur peine, la réduction légale de la peine capitalisée dont ils bénéficieraient devant être prise en compte ;
e) Accélérer de la construction de nouvelles prisons modernes sur de très grandes surfaces pour permettre la formation et / ou le perfectionnement à des métiers, en vue d’une réinsertion des détenus libérés,
2. Pour les lieux de privations de liberté :
a) L’aménagement de surfaces agricoles, de vergers, d’ateliers, de centres d’élevages pour la constitution de pécules pour les détenus, mais aussi pour l’apport et la participation du milieu carcérale au développement de l’économie nationale ;
b) La désinfection, régulière de toutes les prisons et des lieux de garde à vue pour permettre une prise en charge qui respect la dignité humaine ;
c) Le respect du ratio de prisonniers par cellules comme par exemple deux lits superposés au maximum avec un détenu par lit, un coin de toilette et de douche, une aération suffisante et plus généralement, toutes les conditions respectant « l’ensemble des réglés minima des Nations unies pour le traitement des détenues (règles Nelson Mandela) » adopté par l’assemblée générale de L’ONU le 17 décembre 2015 ;
d) La mise en pratique de la déclaration de Kampala des 19-21 septembre 1996 sur les conditions de détention en Afrique en ayant à l’esprit les recommandations des peines de substitution de l’emprisonnement, par la mise en œuvre effectives de toutes les dispositions du titre 4 du code de procédure pénal et notamment de la loi 2000-29 du 29 décembre 2000 ;
3. l’encouragement d’une politique pénale du parquet par :
a) l’utilisation maximale de la citation directe ou convocation à l’audience, pour tout ce qui est enquête préliminaire et n’épouse pas les contours du flagrant délit tel que défini par l’article 45 du code de procédure pénale ;
b) Favoriser un décret d’application de l’article 45 du code de procédure pénal pour le crime flagrant ;
c) Mettre fin aux abus de qualification et qualifications abusives pour ne poursuivre les personnes mises en cause que pour les crimes ou délits présumés avoir été commis par ces derniers ;
d) Pour la morale publique, poursuivre systématiquement lorsque la loi le permet, les dérives et provocations de personnes agissant sous le couvert d’entités ou de personnes politiques ou de la société civile ou encore d’organisations de droits de l’homme, portent le discrédit et atteinte aux institutions, incitent à la provocation de crimes ou de délits et de trouble à l’ordre public, ou portent atteinte à la vie privée et à l’intimité des personnes, le droit international des droits de l’homme toujours invoqué comme bouclier de protection étant soumis au respect des droits ou à la réputation d’autrui, à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique ;
4- l’impulsion d’une politique pénale des juridictions d’instructions et de jugements en attendant la réforme judiciaire par :
a) la limitation des mandats de dépôt à deux (2) mois renouvelables une seule fois pour les délits et pour les crimes, à six (6) mois renouvelable deux (2) fois seulement pour des durées de trois (3) mois chacune.
b) La limitation des mandats de dépôt à un (1) an renouvelable deux (2) fois pour les crimes contre l’humanité commis sur le territoire national et les crimes transnationaux ;
5- Sur les poursuites :
a) La loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 ne couvre pas les crimes de sang, les actes de tortures, les souffrances et atteintes graves à la santé physique ou mentale de personnes, la disparition de personnes entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024.
b) Toutes les prétendues victimes devraient d’ores et déjà bénéficier d’une assistance judiciaire et d’une protection spéciale gratuite ;
c)Tous les prétendus témoins devraient d’ores et déjà bénéficier d’un programme de protection pris en charge par l’état ;
d)Tous les éléments de preuves doivent être renforcés, vérifiés et authentifiés ;
e) Il est souhaitable de procéder à la saisie conservatoire des biens appartenant sans aucun doute à des personnes mises en cause dans le cadre d’une enquêtes et visées par des procédures judiciaires, pour espérer une indemnisation des présumées victimes , ou pour avoir les moyens en fin de procédure, de mettre en œuvre un programme de réinsertion financé avec les avoirs recouvrés sur les personnes dont la responsabilité pénale aura été définitivement établie, à la suite d’un procès équitable au cours duquel tous les droits auraient été respectés,
6- Sur les gardes à vue :
a) En relation avec le barreau, promouvoir la mise en place d’équipes d’avocats commis d’office pour assister les personnes mises en cause dès leurs interpellations ;
b) Filmer et enregistrer, toutes les auditions et confrontations des personnes gardées à vue ainsi que tous les actes de police judiciaire dès l’entame des actes tendant à une interpellation ;
c) Instaurer une permanence tournante et journalière du parquet dans tous les commissariats de polices, les brigades de gendarmeries, postes de polices et set tous lieux utiliser pour une garde à vue, pour le contrôle et la vérification des lieux et des conditions de privation de liberté de personnes interpellées.
7- Sur la protection de la présomption d’innocence et l’efficacité de la poursuite des enquêtes :
a) Poursuivre systématiquement et sanctionner la violation du secret de l’enquête de police ou de l’enquête judiciaire publication, des documents administratifs internes non destinés au public ou non encore officiellement rendus public, en attendant la réforme judiciaire et une réécriture de l’article 363 du code pénal qui doit être rendu plus compréhensive ;
b) Favoriser une politique du parquet pour que soit poursuivi toute violation du secret de l’enquête de police ou judiciaire qui porte atteinte à la présomption d’innocence et prématurément à l’honorabilité et la dignité humaine, est de nature à détruire moralement et économiquement la personne, et à être facteur de dislocation de familles et de pertes d’emploi.
8- Sur la récidive correctionnelle et criminelle :
Mettre à jour, moderniser, informatiser et interconnecter les casiers judiciaires tenus dans tous les tribunaux des règles avec, le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur et le ministère des forces armées, pour assurer une application sans faille par les tribunaux les règles relatives à la récidive correctionnelle et à la récidive criminelle. La mise en œuvre nécessite des moyens financiers et il existe des personnes physiques et morales prêtes à subventionner les ministères pour la réussite de ce type de programme.
Pour finir, la justice au Sénégal doit être une justice de développement et l’un des moyens d’y parvenir pourrait être une réflexion sur des réformes portant « sur la transaction sur l’action publique et la peine », la possibilité d’ « une transaction sur la réparation »,le renforcement de maison de justice pénal pour les infractions mineurs ou de faibles intérêts financiers.