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Un Hymne Pour Un Nouveau Type De Citoyen SÉnÉgalais

Incarner un nouveau type de Sénégalais, c’est bâtir une attitude comportementale juste qui soit en rupture avec un système obsolète qui ne produit que de l’immobilisme et un enfermement dénué de créativité.

Cette démarche de rupture doit s’accompagner d’une véritable prise de conscience de notre dimension sociale, culturelle et humaine. La civilisation africaine porte des valeurs de justice, de démocratie et d’unité qu’il convient aujourd’hui d’exploiter pour mener le développement continental. Il s’agit de remettre au centre l’ensemble des valeurs que nous portons dans notre patrimoine culturel, social et d’en faire un atout pour la croissance et la renaissance africaine. Ces richesses culturelles doivent nous aider à construire un nouveau type d’individus, des êtres conscients de leur potentiel, des hommes qui ne regardent plus seulement vers le passé, des hommes qui s’emparent de la science et des nouvelles technologies, des hommes qui croient aux valeurs panafricaines sans se replier, des hommes et des femmes responsables de leur destin. Il s’agit de mettre à terre certains comportements misérabilistes qui sont nos propres ennemis et nous empêchent de nous développer. Les Etats africains sont de jeunes États et nous avons beaucoup à construire pour enfin réaliser ce en quoi nous croyons depuis fort longtemps : l’indépendance économique, l’unité politique et culturelle, le développement par l’exploitation de nos richesses naturelles, la valorisation de notre patrimoine historique qui doivent nous servir à l’émergence de la dynamique de la renaissance africaine. Ces exigences doivent être au cœur de nos actions et cela passe aussi par un changement radical du fonctionnement de notre société et des individus qui la constituent.

Les leviers pour conduire la renaissance africaine sont nombreux et il en est un qui est essentiel pour la réussite de cette dynamique. Je veux parler de l’exercice de la citoyenneté qui concerne l’ensemble des citoyens d’une nation, d’une sous-région et au-delà de tout un continent.

Si l’on regarde la définition de la citoyenneté, c’est « la qualité de citoyen » d’un Etat ou d’un ensemble d’États, « qui s’ajoute à celle des citoyens de chaque pays membre ». La citoyenneté se définit aussi par l’appartenance à une communauté politique et par l’allégeance à un État. En 1236, dans la Charte du Mandé, la Charte de Kouroukan Fouga, par exemple, elle est liée à l’idée de respect de la vie humaine, de droit à la vie, de sécurité alimentaire, de paix sociale dans la diversité, les principes d’égalité, de justice cognitive, d’équité, de solidarité et de démocratie, et elle s’inscrit dans l’histoire de la construction de la nation. Dans une démocratie, chaque citoyen est détenteur d’une part de la souveraineté politique ; directement ou par ses représentants, il participe aux choix et aux décisions qui concernent l’intérêt général. Le citoyen est titulaire de droits et d’obligations, qui obéissent au principe d’égalité, indépendamment de ses appartenances particulières ou de ses convictions. Dans chaque État, la loi détermine les conditions qui définissent le statut de citoyen.

Ainsi, c’est bien un ensemble de valeurs qui unit une population, et plus largement ce qui rassemble les peuples au-delà des frontières géographiques. Chaque nation doit s’inspirer de son processus historique pour inscrire ses principes de citoyenneté et bâtir ses propres symboles qui permettent une unité et un comportement commun.

Être un bon citoyen, c’est faire respecter ses droits mais également observer ses devoirs de manière absolue. Autrement dit, c’est adopter une attitude comportementale qui est en adéquation avec les règles républicaines.

Le citoyen a le droit d’exprimer ses idées, de manifester contre une politique mise en œuvre, par exemple, mais il doit également faire preuve de civisme et de loyauté à l’égard de l’appareil public et ce dans les moindres détails de son existence.

Être un bon citoyen, c’est être capable de s’approprier la notion de citoyenneté au sens plein en s’alliant à une volonté politique républicaine et exemplaire.

L’esprit citoyen, c’est le respect de la chose publique, c’est le civisme à l’égard du bien commun, c’est partager l’espace construit d’une nation qui respecte un ensemble de valeurs défendues par tous.

Ainsi, nous sommes tous concernés par l’exercice de la citoyenneté dans chacun des actes de notre vie. Il ne suffit pas de montrer du doigt l’élite politique qui n’honorerait pas les règles républicaines. C’est en chacun de nous que le cœur citoyen doit battre sans faiblir.

Le Sénégalais d’aujourd’hui doit combattre autour de lui, et à l’intérieur de lui-même, la corruption, le népotisme, les attitudes miséreuses qui consistent à ne penser qu’à remplir son assiette personnelle alors que l’enjeu est celui d’un pays tout entier.

Il faut absolument sortir des fonctionnements misérabilistes qui déséquilibrent le développement. Sans la conduite de ces valeurs, le continent tout entier continuera sur le chemin de la famine, sur la terre des guerres et de la destruction.

L’exemple de la citoyenneté républicaine doit d’abord, bien entendu, s’inscrire dans la sphère des dirigeants politiques et économiques, c’est la condition sine qua non d’une nation saine.

Celui qui est en charge des affaires publiques doit aussi avoir à l’esprit qu’il est fondamental d’adopter une conduite irréprochable à l’égard du bien commun, l’espace rassemblé de la nation. Il doit combattre la corruption, le népotisme et garantir les droits et les devoirs de chacun. Celui qui est aux responsabilités et qui s’octroie une fortune considérable pour sa réussite personnelle, et qui s’étale dans un luxe injustement acquis, n’est pas un citoyen.

Celui qui détourne un centime des deniers publics condamne un citoyen à mourir devant l’hôpital. Il condamne un citoyen qui n’ira pas à l’école et qui demeurera analphabète toute sa vie. Celui qui détourne l’argent public condamne tout un peuple à la misère et à la mort.

Ainsi, nous devons combattre toutes les postures criminelles qui n’ont pas la priorité citoyenne dans la conduite politique et économique.

Mais il en va de même pour chaque Sénégalais. Le policier doit exercer son métier sans chercher à arrondir ses fins de mois en taxant injustement le contrevenant, pour encaisser de l’argent qui ne lui revient pas de droit. L’enseignant doit seulement se soucier de la réussite des jeunes qu’il a en charge sans tenter de faire des compromissions qui lui permettraient d’améliorer son train de vie. Le juge ne doit pas accepter des pots de vin pour construire sa villa s’il veut faire respecter la loi et seulement la loi. Le promoteur immobilier doit tenir ses engagements contractuels jusqu’au bout sans calculer comment il pourrait voler le contribuable ou encore alourdir malhonnêtement des charges inventées de toute pièce. L’agent public doit respecter son temps de service et observer le règlement lié à ses fonctions sans chercher, par de multiples combines, à augmenter son salaire illégalement.

Oui, les droits et les devoirs sont l’affaire de tous et sont les mêmes pour chaque citoyen. Il n’y a pas d’exception pour construire une belle nation, une république modèle.

Le Sénégalais d’aujourd’hui doit bien comprendre cela s’il veut que son pays soit un exemple de démocratie citoyenne.

L’apprentissage de la citoyenneté doit être au cœur de l’éducation. Tout comme les sciences, les langues ou l’histoire, la citoyenneté est une discipline à apprendre. L’éducation à la citoyenneté doit s’appuyer sur les programmes d’éducation civique qui doivent s’inscrire tout au long du cursus scolaire. L’appropriation de l’exercice de la citoyenneté pour les jeunes générations passe par une éducation forte et modèle. C’est le rôle des dirigeants politiques en charge de l’éducation nationale, c’est le rôle des recteurs, c’est le rôle des inspecteurs, c’est le rôle des parents et celui des enseignants. Transmettre les bases fondamentales de l’éducation à la citoyenneté, voilà le défi qu’il faut engager. Il s’agit ici de former de véritables citoyens et non pas des consommateurs dans un système défaillant et usurpé.

Ne craignons pas de nous élever dans des comportements qui nous honorent, avec force et courage. Il ne faudrait pas céder à la puissance de l’immédiateté et du plaisir personnel. Car comme dit le proverbe, à vaincre sans honneur, on triomphe sans gloire. Et c’est à nous de repenser notre système de valeurs. 

Le nouveau Sénégalais est celui qui croit en lui-même et qui n’a pas besoin d’ourdir pour réussir. Il œuvre de manière collective en exploitant ses compétences et ce pas seulement pour des raisons personnelles et matérielles. Les possibilités aujourd’hui sont nombreuses. Beaucoup de Sénégalais sont honnêtes, compétents mais ils sont rongés par des méthodes corrompues qui ne les protègent pas, qui ne les défendent pas.

Aujourd’hui, tout réside dans le travail, dans la solidarité entre les uns les autres, dans la loyauté, dans la considération des valeurs communes, dans le civisme au quotidien, dans le ménagement à l’égard de l’espace public qui appartient à tous mais qui est construit par chacun d’entre nous.

Il faut en finir avec les démarches égocentriques, illégales et véreuses qui ne mènent qu’au chaos, à la luxure et à l’effondrement des valeurs et de l’éthique.

Le nouveau type de Sénégalais doit assumer son humanité. Il ne doit plus ressentir de complexe d’infériorité, les valeurs qu’il porte sont universelles, celles de construire un monde juste. La science, les éléments positifs de l’humanité, les nouvelles technologies appartiennent au monde, ils sont le résultat des êtres humains rassemblés. Il n’existe pas de frontières pour s’approprier ce qu’il y a de beau, ce qu’il y a d’équitable, ce qu’il y a de moral.

Le Sénégalais d’aujourd’hui doit œuvrer dans l’intérêt de son peuple, dans l’intérêt de la jeunesse et des générations à venir, dans l’intérêt de la nation, dans l’intérêt du schéma collectif et du vivre ensemble sous une bannière unitaire et légitime.

Notre pays est une grande nation qui porte des valeurs de justice, de fraternité et de solidarité, alors soyons fiers de ce que nous sommes et portons ensemble le bel espoir d’une république citoyenne.

Ainsi, on voit bien que l’exercice de la citoyenneté est l’affaire de tous. Elle est un élément fondateur de la construction de la dynamique de la renaissance africaine.

C’est une démarche qui doit s’engager au Sénégal mais aussi un peu partout sur le continent si l’on veut réussir le développement.

La renaissance Africaine qui exige l’exercice d’une citoyenneté intègre et debout, c’est l’assurance de la croissance continentale qui constituera un poids international et permettra un rayonnement africain sur le monde, rassuré par l’équité et la justice défendues par nos peuples.

Amadou Elimane Kane est enseignant et chercheur en sciences cognitives, poète écrivain.







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