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L’amour Au Temps De La Politique (par Khady Gadiaga)

L’amour Au Temps De La Politique (par Khady Gadiaga)

Amour et Politique, tout les oppose en apparence… D’un côté, la douceur, le rapport intime à autrui, la spontanéité…. De l’autre, la soif de pouvoir, la vie publique, les calculs plus ou moins sordides. 

 

Amour et politique, deux termes galvaudés… On leur demande à tous deux, force, intensité, solidité et on déplore leur faiblesses, leur labilité et leur érosion.  Leur levier commun, étant la séduction, ils sont trop ressemblants pour être dissociés. 

 

L’amour,  une valeur foncièrement politique 

 

C’est peut-être d’amour -valeur centrale, autour de quoi représentations et signes s’agencent que cette campagne législative devrait tourner; et à quoi d’autre de plus essentiel que l’amour, pourrait-on le mieux s’attacher à notre siècle ?

 

Amour courtois, amour chevaleresque, et même amour sacré: aujourd’hui, plus que jamais depuis sa conception, ce savoir alimente la parole intellectuelle. Or, de ce discours amoureux, un fragment est perdu. 

 

La plus courte expérience de la geste, de l’historiographie, du droit populaire dit pourtant que l’amour fut aussi et sans doute d’abord une valeur politique.

 

D’ailleurs, c’est quoi la politique sinon l’amour de la patrie ? Pour faire un clin d’œil à Déthié Fall, je dirais que c’est cela l’amour, une translation, mieux une élection, lorsque l’on choisit de cheminer avec l’autre, sans autre raison que l’amour.

 

Amour et politique : opposition entre fusion et domination…

 

L’amour, au sens le plus noble du terme, implique un intérêt sincère pour une autre personne – un intérêt, pour ainsi dire, désintéressé. Aimer quelqu’un, c’est s’intéresser à son bonheur, se réjouir lorsqu’il est joyeux, s’attrister de sa tristesse. C’est aussi respecter sa liberté et ne pas chercher à le réduire à un instrument. C’est désirer ne faire qu’un avec l’autre sans pour autant vouloir le consommer comme de la nourriture ni le posséder comme une chose. En ce sens, il semble bien qu’il y ait une différence fondamentale, voire une opposition, entre l’amour et la politique.

 

La politique est, pour parodier le célèbre mot de Clausewitz, la continuation de la guerre par d’autres moyens. C’est une activité qui consiste à lutter pour maintenir ou obtenir un pouvoir au sein d’un groupe humain.Or, le pouvoir s’oppose à l’amour. 

 

Avoir du pouvoir sur quelqu’un, c’est être en mesure de le contraindre à faire quelque chose qu’il n’a pas envie de faire. Si l’amour régnait dans la société, il n’y aurait pas besoin de politique : chaque personne travaillerait à l’épanouissement de toutes les autres. 

 

Il pourrait y avoir des discussions, des désaccords momentanés, mais le plaisir de travailler ensemble à un projet commun finirait par l’emporter sur les dissensions, et personne n’aurait besoin d’avoir du pouvoir sur autrui.

 

Mais la politique implique des intérêts durablement opposés, et des conflits où chaque groupe cherche à imposer sa volonté aux autres. Au mieux, il peut y avoir des compromis, un intérêt commun, des alliances. Mais s’allier avec quelqu’un, ce n’est pas encore l’aimer. C’est conclure une trêve, former une unité superficielle fondée sur le calcul et l’utilité réciproque et non sur le désir de contribuer au bonheur des autres. Chaque personne n’est pour les autres qu’un moyen, et non une fin en soi.

 

Retrouver l’art du discernement 

 

Que faudrait-il donc pour  qu’amour et politique regagnent en puissance et en substance ?

 

On voudrait une politique moins intrigante, moins démagogique, moins subordonnée aux intérêts et plus soucieuse du bien commun. 

 

On désirerait un amour moins asservi au seul principe de plaisir, à l’objectivation des corps, moins prisonnier aussi des habitudes et des conventions. 

 

Peut-être devrions-nous d’abord retrouver un art du discernement et distinguer un vrai et faux amour, comme on pourrait distinguer une bonne et une mauvaise politique?

 

C’est la question anthropologique par excellence, parce que, d’une certaine façon, la question écologique situe le cadre dans lequel nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de la démesure et de la mal gouvernance. 

 

Un autre récit est possible, celui de l’entraide à la place de la gabegie, de la compassion en lieu et place de l’exclusion, du soin de l’autre à la place de la sauvegarde des intérêts particuliers.  Car l’humanité n’est pas un ensemble d’éléments qui subissent des interactions douloureuses, mais un corps vivant.

 

Un corps dont tous les membres sont au bénéfice de leurs liens dans une dépendance créatrice.

 

L’histoire récente de notre pays, d’ailleurs nous l’enseigne: les grands moments de crise ont occasionné des comportements de cruauté, de repli sur soi égoïste, mais aussi et surtout d’abnégation, de courage altruiste, et de don de soi sans limite.

 

Et tout cela n’a été possible qu’en restituant à l’amour de la patrie toute sa dimension politique et à la politique, ses valeurs du vivre-ensemble.

 

K.G. 30 octobre 2024

#senegal 

 


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