En 1962, juste après la conspiration pour écarter et neutraliser le Président du Conseil et Chef du gouvernement, Mamadou Dia, la France contrôlait presque 80% de l’économie du Sénégal, alors agraire et primaire… Etablissements de commerce, banques, assurances, port, aéroport, produits pétroliers, industries et services, la métropole contrôlait et dominait, l’arrimage et la garantie du Fcfa permettait un flux unidirectionnel des ex-colonies à la France.
Après 60 ans d’indépendance, le capitalisme néo-colonial qui fait main basse sur notre pays s’est consolidé, voire même étendu, il est soutenu et entretenu par une élite politique et économique installée aux affaires, formée à l’école et aux universités françaises qui pérennisent la tutelle de Paris dans tous les pays de l’Aof, avec Dakar et Abidjan en têtes de pont.
Entretemps, pour mieux brouiller les esprits, le Conseil des investisseurs français au Sénégal -le fameux Cifas- de loin le lobby d’affaires le plus puissant du Sénégal, contrôle 60% du Pib avec la plus grande entreprise du pays Total Sénégal comme membre, s’est mué en Conseil des investisseurs européens au Sénégal ou Cies. Désormais, il faut travailler en rangs serrés en y allant avec les alliés au sein de l’Ue. Le Cies pèse 5 fois le Cnp et la Cnes tous réunis… Même la Css et Eiffage Sénégal en sont membres. Que pèse la Chambre de commerce et d’industrie de Dakar devant le Cies ?
Total Sénégal, avec un chiffre d’affaires de 500 milliards de F Cfa, la Compagnie sucrière sénégalaise avec 110 milliards de chiffre et Eiffage Sénégal, dopé par les méga-chantiers du pétrole, du gaz et de l’électricité, frôle 400 milliards de F Cfa. Tous membres éminents du Cies. Où est le capitalisme endogène ou le patronat local ?
Pour les besoins de mise en œuvre du Ter et du Brt, Paris est mieux et plus servi que tout le monde, les rames, locomotives, et wagons du Ter et le circuit électrique, guidage et l’exploitation sont facturés à 1 milliard d’euros avec la majorité dans les sociétés d’exploitation du train de 35 km qui revient par endettement à presque 800 milliards.
Meridiam lui, avec le Brt, a fourni avec notre garantie et lettre de crédit -le candidat Bby et ex-ministre des Finances fut trop généreux à leur endroit- les bus et technologies d’exploitation, soit 70% des recettes du Brt.
Mais aujourd’hui, c’est un nouveau visage de ce capitalisme envahissant qui prend forme avec de nouveaux relais. Trois sociétés de négoce et montage financier, en effet Ellipse project, Matière S.A et Teranga Sureté ne sont des entreprises classiques. Ce sont d’abord des courtiers et négociants de haut vol qui s’appuient sur la signature de nos pays, lèvent des fonds et lignes de crédit dans les banques françaises en Afrique où nos Etats gardent leur peu d’épargne, avec la lettre de garantie de nos ministres, financent les équipements et infrastructures avec souvent les entreprises chinoises, turques ou marocaines. Pour contourner nos législations sur les marchés publics, ils s’arrangent dans un pays comme le Sénégal à affaiblir les institutions en y installant des Dg au mandat illimix -donc illégal- qui trouvent les pirouettes juridiques pour leur permettre d’opérer. L’essentiel est de nous narguer tout en gardant leur maroquin en sacrifiant l’intérêt du Sénégal.
Ainsi, ce trio au Sénégal, construit autoponts, hôpitaux et fournit technologie aéroportuaire pour au moins de 2000 milliards par année à travers des contrats et autour de clauses que personne ne peut pénétrer, même notre administration des impôts. Hormis les expatriés, ces trois entreprises n’emploient pas plus de 100 personnes et n’ont pas pignon sur rue, à Dakar en tout cas.
C’est ce schéma illégal et opaque qu’Envol Immobilier, avec d’ex-cadres de la Banque mondiale et de l’Apix, a dupliqué pour les sphères de Diamnadio. Pour leurs projets, c’est une banque burkinabè qui lève les fonds et assure le financement.
C’est donc un endettement à très haute fréquence pour nos Etats où un hôpital, un autopont, un stade, un building pour l’administration ou les Nations unies est surfacturé à hauteur de 600% car supportant le prêt et les services de ces prêts et bien sûr les marges et profits pour eux et leurs affidés à Paris et Dakar. Un vrai schéma de blanchiment et de transfert illicite, avec bien sûr la complicité de notre Banque centrale.
Avec ce modus operandi, notre secteur du Btp a perdu 18 000 milliards de chiffre d’affaires et presque 750 000 postes de travail sur la période 2012 à 2024 tant Français, Chinois, Turcs, Indiens, Marocains, Tunisiens et même Ivoiriens sont venus s’arroger des parts de marché de travaux et fournitures qui revenaient de droit aux entreprises authentiquement sénégalaises avec surtout une main d’œuvre locale. C’est toujours le prétexte de l’endettement adossé à un pays tiers avec bien sûr la garantie de notre trésor public peu adamant pour les étrangers.
Ces chevaux de Troie du capitalisme rampant parisien : Ellipse, Matière et Teranga sûreté dérouleront à coup sûr le tapis à notre Président à Paris. Espérons seulement que, comme à son habitude, Son Excellence BDF puisse leur rétorquer que désormais les paradigmes ont changé : Senegal comes first…
Ceux qui nous font croire que Paris s’intéresse plus à l’Angola, l’Egypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud, etc. L’Elysée lui piaffe d’impatience de recevoir BDF. Nos politiciens dont cet ex-parlementaire chômeur, n’ont pas le niveau pour comprendre la mutation en cours dans les relations complexes franco-africaines, surtout dans ses aspects financiers et commerciaux. Si nos pays n’ont plus d’intérêt pour Paris, que le Trésor français lâche la bride monétaire et nos avoirs en or.
Moustapha DIAKHATE
Expert en Infrastructure et Energie