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Comprendre La Dialectique Colonisation, « tirailleurs » Et « trahison » !

Comprendre La Dialectique Colonisation, « tirailleurs » Et « trahison » !

Le débat ne cesse d’enfler depuis qu’un ministre du gouvernement souverainiste a fait sa sortie selon laquelle « les tirailleurs sont des traîtres ». Dialectiquement cette vérité contient un mensonge, car tous les « tirailleurs » ne peuvent être traités de « traîtres » tout comme tous les « tirailleurs » ne pas « sénégalais », mais proviennent de toutes les colonies de l’impérialisme français ainsi que les « spahis et les goumiers » d’Afrique du nord. Ayant ignoré de contextualiser, cette demie vérité est aussi un demi mensonge.

 

Peuvent être considérés « traîtres les tirailleurs » qui ont été recrutés par le colonisateur français pour conquérir les territoires de l’AOF et de l’AEF, pour participer aux guerres coloniales françaises d’Indochine, d’Algérie, aux massacres génocidaires contre l’UPC au Cameroun, à Madagascar, et à la première guerre impérialiste mondiale pour se partager les colonies entre puissances coloniales, etc.

 

La légitimité de leurs revendications pour le respect des engagements du colonisateur recruteur et de l’égalité de traitement entre eux et leurs « frères d’armes les poilus » n’enlève en rien, peu importe en la matière, à leur collaboration forcée ou par cupidité avec le maître collaborateur. Ils sont comparables aux « esclaves de maison » et seuls ceux, comme Lamine Arfan Senghor, sont à comparer aux révoltes des « esclaves des champs » ou aux résistants anti-esclavagistes « nègres marrons ».

 

Rappelons que :

 

* les « tirailleurs », « spahis », « goumiers » qui servaient dans l’armée coloniale française prisonniers des combattants libérateurs communistes du Vietnam bénéficiaient d’une éducation politique pour les désintoxiquer afin d’en faire des futurs lutteurs indépendantistes de leurs pays colonisés.

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* Quasiment tous les officiers putschistes qui ont fait des coups d’État françafricains, eurafricain ou usafricains contre les Lumumba, Modibo, Olympio, etc étaient des « ex-tirailleurs ».

 

Les « tirailleurs » de la seconde guerre, notamment massacrés à Thiaroye, ont eux participé à l’écrasement de la marche guerrière des nazis vers l’hégémonie mondiale et contribué ainsi à l‘éveil indépendantiste des peuples d’Afrique.

 

Cette polémique est révélatrice d’un refoulement enfoui dans l’imaginaire d’une « élite » africaine, notamment sénégalaise, qui peine à se débarrasser du syndrome culturel de « peau noire, masque blanc » selon la belle expression de Franz Fanon. Il y a manifestement des non-dits culturalistes parmi les protagonistes de ce débat sur « la trahison » ou non des « tirailleurs ». 

 

S’enfermer dans la tenaille culturaliste entre Francophilie culturelle ou Arabophilie religieuse et de subjugation, consciente ou inconsciente, à « l’american way of life » n’est pas le bon chemin pour découvrir scientifiquement une africanité culturellement décolonisée. Pas étonnant qu’un président sénégalais ait utilisé le prétexte de « protéger le lieu saint de la Mecque » pour envoyer plus d’une centaine de nos soldats Djambars à la mort dans l’agression guerrière mensongère des États-Unis contre l’Irak ou que certains de « nos enfants deviennent des djihado-terroristes » comme le disent les mamans du Niger !

 

Les fondateurs de nos confréries musulmanes et du christianisme à la Kibangu ont fait un effort pour africaniser culturellement leurs croyances religieuses. Les travaux qui nous font renouer avec notre passé Kémite ont aussi une incidence culturelle multiforme et protéiforme sur notre « africanité » à décoloniser. Le combat ici n’est pas autre chose que contre le fanatisme. 

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Le piège d’une opposition entre religion et culture ancestrale kémite et religion et culture importée chrétienne et islamique est aussi à éviter tout comme est à éviter l’opposition entre la berbéro-arabité et l’africanité du Maghreb.

 

C’est une des tâches majeures que de lutter pour déconstruire ces aliénations culturalistes tout en érigeant comme principes cardinaux de la république la séparation de l’État et des religions et des nationalités que l’anthropologie néocoloniale continue d’appeler « ethnies » et le respect du droit de chacun d’avoir et de pratiquer au plan privé et personnelle sa religion, sa confrérie, sa croyance kémite ou de n’avoir aucune croyance.

 

Alors menons ce débat sans tabou jusqu’au bout avec des arguments scientifiques.

 

29/12/24

Diagne Fodé Roland

 


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