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Pour Une Action éducative Artistique Contemporaine

Pour Une Action éducative Artistique Contemporaine

Il nous semble que la situation de l’éducation artistique dans l’enseignement général la rend méconnue, ignorée, voire critiquée. Elle souffre d’un préjugé défavorable dans l’esprit de certains élèves, parents d’élèves et enseignants. A la maternelle, cette discipline occupe une place de premier choix. Les enseignants sont d’ailleurs unanimes à conférer aux arts plastiques la faculté d’éveiller les sensibilités en permettant à l’enfant de s’épanouir et de s’exprimer. Cela est si vrai que les élèves manifestent un intérêt soutenu pour les activités plastiques. Le bât blesse lorsque, soudain, s’opère la rupture à l’école primaire ou l’on ne retrouve presque plus les crayons de couleurs, les aquarelles et autre matériaux de graphisme.

En effet, les maîtres d’écoles, mal outillés pour affronter le cours de dessin, en font souvent une partie récréative. Ainsi, ils font tout simplement appel à la capacité de l’élève à dessiner une forme librement choisie. On peut, dès lors, se demander où est la part de la pédagogie quand bien même l’enfant parviendrait à rendre le sujet bien ou mal… Parlant du moyen-secondaire, si l’on considère, d’une part, le coefficient et, d’autre part, le caractère facultatif à l’examen du Bfem, il y a comme une dévalorisation de la discipline artistique. Bien suivie dans certaines écoles privées et délaissée dans d’autres singulièrement dans le public, l’éducation artistique subit ainsi diverses fortunes.

L’autre facteur bloquant est constitué par les préjugés qui pèsent sur les bons dessinateurs considérés souvent à tort comme des « nullards ». Quelle tristesse ! Nous ne sommes pas de cet avis. D’abord, il n’est pas donné à tout le monde d’être bon dessinateur, ensuite ceux qui sont bien en éducation artistique peuvent exceller aussi dans les autres disciplines. Aujourd’hui, n’oublions pas que Léonard De Vinci (ingénieur, savant, metteur en scène, sculpteur, peintre), Pierre Atépa Goudiaby (architecte), pour ne citez que ceux-là, sont tous de bons dessinateurs. Rappelons également que plus de 650 experts en éducation artistique, réunis à Séoul, du 25 au 28 mai 2010, pour la seconde Conférence mondiale sur l’éducation artistique, ont prouvé que les arts et l’artisanat favorisent la créativité chez les scientifiques. Ils ont démontré que les artistes pouvaient être des scientifiques, des inventeurs et vice-versa.

Il est devenu impératif d’adopter un jugement objectif basé sur une connaissance parfaite des rôles et des objectifs de l’éducation artistique. Cette discipline vise à développer la personnalité à travers les domaines d’études relatifs à l’art qui, en tant que mode d’expression, est souvent utilisé pour jeter un regard critique sur la vie sociale, c’est-à-dire notre environnement. D’une manière générale, l’art est toute activité de production de la beauté à l’aide de formes, de sons, de rythmes, de couleurs, de signes, etc.

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L’homme, par la disposition, la sensibilité, le génie, le talent et le style agit sur la nature en la remodelant pour parvenir à des structures ou à une finalité qu’est le beau. Cette beauté n’est rien d’autre que la qualité des choses perçues par notre sensibilité. L’art est une transposition et non un reflet du réel, c’est en ce sens qu’il développe l’intelligence conceptuelle, laquelle, par l’expression artistique, est traduite en intelligence manuelle.

Le champ sémantique de l’art est vaste et comprend les arts visuels (l’architecturel, la sculpture, la peinture, le dessin), la musique, la littérature, les arts scénique, le cinéma, les arts médiatique (radio, télévision, photographie le jeu vidéo et le multimédia). Au vu de toutes ces considérations, nous pouvons affirmer que l’éducation s’étend effectivement à l’ensemble des arts et devient un héritage commun et contemporain, facteur d’intégration culturelle et sociale. En effet, dans cette discipline, il ne s’agit plus d’apprendre par cœur des données qui seront vite périmées. Il n’est plus seulement question de « savoir-faire » mais de « savoir-être ».

A l’heure de l’Internet et de la révolution numérique, l’éducation artistique prend en compte, dans son programme, la publicité. En rappelant bien évidemment le côté avantageux mais aussi et surtout la silencieuse propagande visant à domestiquer les esprits, à violer les cerveaux et à orchestrer le désir de la consommation. Du reste, toutes ces images (spots publicitaires, films catastrophes, scènes de guerre) laissent des traces subliminales dont l’influence, à la longue, finit par fortement déterminer nos comportements et réduire notre liberté. Voilà pourquoi, au lieu de subir l’action publicitaire, les élèves, à travers l’expression artistique, la prennent en charge. Ainsi, ils apprennent à lire des images et à produire des œuvres de contre publicité. Les apprenants peuvent, à cet égard, utiliser l’éducation artistique pour faire preuve de pensée critique et créative.

Lorsque les élèves travaillent, par exemple, avec le papier journal récupéré, ils « créent » non seulement leur propre couleur, mais l’action de déchirer est aussi un appel, une permission tacite à l’« interdit ». Il correspond à des pulsions profondes, représente et satisfait un besoin d’agir naturel et instinctif (dominer, s’affronter, exercer sa force, vérifier ses curiosités, projeter certains sentiments…). Le papier introduit ainsi l’idée que tout matériau peut être utilisable et servir à une expression authentique.

Ces exemples, entre autres, justifient que l’éducation artistique doit, si elle est bien conduite, aider les enfants à connaître et à aimer le monde dans lequel ils vivent. Un tel enjeu est capital pour l’Afrique tiraillée entre deux modèles culturels : traditionnel et occidental. Attirée par des valeurs nouvelles et des objets de factures faciles, elle est tentée de rejeter, dans un premier temps, et d’oublier, à terme, les valeurs, les structures et les produits de sa propre culture.

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Cependant, rappelons que l’éducation artistique n’est pas un moyen superficiel d’évasion. Loin s’en faut ! Elle est l’expression de ce que l’être humain a de plus profond. Pour preuve, l’enfant qui n’arrive pas à s’exprimer avec des mots peut le faire à travers un dessin. Il révèle l’inconscience du sujet et partant, lui permet de parler.

En thérapie, le dessin permet au psychologue d’accéder à l’inconscient du sujet enfant. Sous ce rapport, la pratique artistique donne à celui-ci la capacité d’engagement personnel avec l’autre tout en l’habituant à l’ouverture, au changement et à l’expérience. Elle vise à éveiller les potentialités de l’enfant en lui donnant les moyens plastiques de s’exprimer tout en l’intégrant parfaitement dans son milieu socioculturel. Ainsi, E. Kant disait : « Le rôle de l’enseignant n’est pas de porter l’élève, mais de le porter à la réflexion ».

L’éducation artistique a cette vocation, car l’enjeu dans cette discipline n’est pas de créer, mais de développer la créativité, de former le citoyen plutôt que le spécialiste, l’homme plutôt que l’artiste. Ce qui est théoriquement très bien compris par le système, car le décret numéro 79-1165 du 20 décembre 1979 portant organisation de l’enseignement élémentaire stipule : « L’éducation esthétique (dessin, musique, chant) a été réhabilitée comme facteur de développement de l’intelligence chez l’enfant et comme base d’une future insertion de ce dernier dans le milieu économique et socioculturel ». Il faut, en effet, se rendre à l’évidence que le développement d’activités liées à la promotion des arts plastiques à l’école n’exprime pas forcément une ambition de devenir un artiste qui, du reste, est un métier noble.

La pratique du dessin, de la peinture, de la musique, du théâtre… peut faire découvrir à l’enfant le sens de l’esthétique, l’expression oral, la formation du caractère et le développement de l’imagination. En somme, toute chose essentielle à la formation de l’homme qui sera demain prêt à assurer son rôle dans la société. C’est d’ailleurs en cela que l’éducation artistique reste une discipline transversale, car il faut le dire, sans ambages, dès que l’on parle de créativité, d’esthétique, d’imagination, de notion d’habileté, tous les corps de métier sont concernés.

En résumé, l’éducation artistique, considérée comme discipline d’éveil, échappe au joug d’un programme lourd et ne s’introduit pas, sauf exception, dans le système des examens. Par voie de conséquence, elle ne se trouve pas au rang des inquiétudes premières qui reste occupé par les matières dites de « base ». Pourtant les qualités propres à l’éducation artistique, sa diversité, ses caractères spécifiques qui répondent directement au besoin profond des enfants (besoin de communiquer, d’agir et de s’extérioriser) lui donnent toute chance de réussir. Le système, à cet égard, devrait opérer à des mutations visant à favoriser d’abord une meilleure perception de la discipline et ensuite sa promotion dans les lycées et les collèges.

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C’est pour cette raison que l’enseignement de l’éducation artistique devrait aboutir à la mise sur pied d’un atelier d’expression (théâtre, peinture, dessin…) dans chaque établissement pour offrir aux élèves un cadre de réinvestissement des techniques acquises, en leur donnant le gout du travail au moyen de matériaux usuels tirés de notre environnement, lequel doit être entretenu, préservé, sauvegardé et embelli pour le bien-être de tout un chacun.

Dans le même ordre d’idées, il faudra encourager les visites dans les galeries d’art, la saine fréquentation des salles de spectacles, la participation à des concours de dessin, de peinture, de théâtre, de chant, de poésie, de musique, etc. Il serait également salutaire que les élèves soient évalués correctement en éducation artistique par le biais des compositions et des différents examens scolaires tels le Bfem et le Bac. Il faudrait favoriser une culture de la créativité chez les enseignants et dans l’administration scolaire.

Nous estimons que cette discipline ne devrait plus accompagner, mais s’accompagner avec les autres dans l’interdisciplinarité. Il est, dès lors, temps de « repenser » l’action éducative de l’éducation artistique et de faire en sorte que ses objectifs propres s’ajoutent à ce que nous reconnaissons désormais comme primordiaux. En somme, une réhabilitation de cette discipline fondamentale à tous les niveaux d’enseignement de notre système éducatif est devenue une nécessité.

Une bonne conduite de cette rénovation pourrait en favoriser la pratique tout au long de la scolarité, depuis l’école maternelle jusqu’à la fin des études, et lui permettre de se prolonger tout au long de la vie, en s’y insérant comme un élément de constitution. Tout en conjuguant les efforts, en coordonnent les entreprises, chacun de nous devrait s’efforcer à rendre à l’éducation artistique ce qui appartient à l’éducation artistique. Cette réaction serait une participation active à un changement salutaire au bénéfice de notre système éducatif.

Et nous pensons que l’engagement des collègues professeurs d’éducation artistique et la détermination des spécialistes de l’art constituent un motif supplémentaire qui nous conforte dans notre expérience quant à l’avenir de l’école sénégalaise.

Boubacar DIALLO

Professeur d’éducation artistique

au Cem Ousmane Ngom de Thiès

bouba102009@hotmail.fr

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