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Scandale Du Prodac : Le Temps Des Pilleurs De Deniers Publics

« Dans le scandale du PRODAC, les conclusions du rapport officiel de l’Inspection Générale des Finances sont définitives : l’Inspection Générale d’Etat n’est pas une Cour d’appel.»

L’affaire PRODAC révèle au grand jour l’incroyable laxisme des autorités face aux agissements d’une bande de malfrats, et prouve que la gouvernance sobre et vertueuse, sous le magistère de Macky est synonyme de pillage des deniers publics. Le rapport fouillé et circonstancié de l’Inspection Générale des Finances a fait l’objet d’une large publication et ne laisse place à aucun doute sur la réalité du carnage financier opéré, en violation totale du code des marchés publics et des règles qui régissent la comptabilité publique. Il ne s’agit pas d’insister sur la responsabilité des coordonnateurs du PRODAC (seconds couteaux) ou de LOCAFRIQUE qui est réelle, mais de situer clairement le rôle des principaux acteurs, dont la responsabilité est première dans cette affaire. Partons des faits.

La Direction Centrale des Marchés Publics, garante du bon usage des deniers publics

Saisi par les services de Mame Mbaye Niang, Ministre de la jeunesse, à l’époque, pour la conclusion d’un marché de gré à gré sous le fondement du Droit d’exclusivité, avec la société GREEN 2000, la Direction Centrale des Marchés Publics (DCMP) a rendu le 02 avril 2015, un avis défavorable parfaitement fondé en Droit, en arguant qu’aucun élément ne permettait de justifier d’établir l’existence d’un monopole de fait détenu par le prestataire GREEN pour ce type de prestations.  Les marchés de gré à gré (ou marchés par entente directe) sont régis par l’article 76 du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics.

Cette catégorie de marchés constitue une dérogation au principe de passation de l’appel d’offre ouvert, qui est la règle en matière d’achats publics. Pour les besoins tenant à la détention d’un droit d’exclusivité, aucun marché par entente directe ne peut être passé sans l’Autorisation préalable de la Direction Centrale des Marchés Publics. Tout en écartant fermement la possibilité de passation d’un marché de gré à gré, la DCMP a proposé au Ministère de la Jeunesse une solution appropriée, en l’occurrence une procédure d’urgence, sur la base des articles 63 et 73 du code des marchés publics, qui ramènerait le délai de dépôt des offres à 15 jours, dans le cadre d’un appel d’offre ouvert international. Un délai qui aurait permis, en l’absence de toute offre concurrente, de prouver le monopole de fait détenu par le prestataire GREEN 2000.

Dans l’affaire PRODAC, la Direction Centrale des Marchés Publics a parfaitement rempli son rôle de garante du bon usage des deniers publics et de respect des principes qui fondent la commande publique : liberté d’accès, égalité de traitement et transparence des procédures. Passant outre les prescriptions de la DCMP (organe de contrôle à priori des procédures de passation des marchés), l’autorité contractante a saisi, par lettre en date du 10 juillet 2015 (soit plus 3 mois après l’avis de la DCMP), le Comité de Règlement des Différends (CRD) de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), pour contourner l’avis de la Direction Centrale des Marchés Publics. Alors qu’elle disposait de 15 jours pour lancer une procédure d’urgence suggérée par la DCMP, l’autorité contractante a préféré perdre plus de 3 mois, dans l’unique but d’atteindre l’objectif visé : la passation d’un marché par entente directe. En réalité, il y a eu dès le début, une volonté manifeste du Ministre de la jeunesse de l’époque, de passer vaille que vaille un marché de gré à gré, avec la société GREEN 2000.

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L’ARMP, caution du Ministère de la Jeunesse, dans le détournement de la procédure

L’ARMP est une autorité administrative rattachée à la Primature, dont une des missions est de réguler le système de passation des marchés publics. Lorsqu’une autorité contractante souhaite invalider un avis défavorable rendu par la DCMP, elle peut introduire une requête auprès de l’ARMP. Saisi le 10 juillet 2015 par le Ministère de la Jeunesse, le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP, statuant en Commission des litiges, a rendu le 15 juillet 2015, contre toute attente, une décision exécutoire annulant l’avis de la DCMP. Tout en estimant que l’autorité contractante n’a pas apporté la preuve que la société GREEN est la seule à développer le concept des Domaines agricoles communautaires, l’ARMP a « autorisé à titre exceptionnel, l’autorité contractante à signer le marché pour les DAC  communautaires de SEFA (Sédhiou), Keur Samba Kane (Diourbel), Keur Momar Sarr (Louga) et Kédougou (Itato). Par cette décision (à contrecourant de l’avis de la DCMP), l’ARMP a cautionné le détournement de la procédure par le Ministère de la Jeunesse. Ce n’est pas la première fois que l’ARMP assure la couverture juridique de certaines autorités contractantes, qui en profitent pour détourner les règles, piller les deniers publics, et s’enrichir illégalement sur le dos du contribuable sénégalais.

On se souvient qu’en 2016, la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) avait sollicité l’autorisation de la Direction Centrale des Marchés publics, pour conclure par entente directe, 10 marchés dans le cadre d’opérations liées à la confection de la nouvelle carte d’identité biométrique, invoquant l’urgence liée à l’imminence de la clôture des engagements budgétaires, la pression due aux longues files d’attente pour l’obtention des cartes d’identité biométriques, et le respect du calendrier électoral. Malgré l’avis négatif de la DCMP, l’ARMP avait validé la passation des 10 marchés de gré à gré. On connait la suite : à ce jour, des millions de citoyens n’ont toujours pas reçu leur pièce d’identité.

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Dans l’affaire PRODAC, comme dans d’autres, l’ARMP est instrumentalisée par les pouvoirs publics (caution juridique pour les marchés de gré à gré). Récemment, l’ARMP a failli être embarquée dans une sale affaire par le Ministère de l’Energie et des pétroles, qui a fait preuve d’une incroyable audace, en introduisant une requête, le 05 avril 2018, auprès du Comité de Règlement des Différends, pour soustraire la SENELEC aux obligations du code des marchés publics. Au moment où le président Macky Sall clame sous tous les cieux la transparence sur l’exploitation du pétrole et appelle à une concertation sur un sujet majeur qui concerne l’avenir des Sénégalais, il entreprend une démarche totalement inverse pour soustraire des centaines de milliards de F CFA aux règles de la commande publique.

Tous ceux qui, de bonne foi, ont cru à l’appel du Chef de L’Etat doivent être stupéfaits. La tromperie est une seconde nature chez Macky Sall, qui dit une chose le matin, et fait le contraire, le soir. Sentant le piège tendu par le pouvoir, et dans un ultime élan de sursaut, l’ARMP (pour une fois), par sa décision N°058/18/ARMP/DEF du 25 avril 2018 a rejeté la requête du Ministère du pétrole et de l’Energie, précisant que les activités liées à l’exploitation de la SENELEC ne pouvaient déroger au code des marchés publics. Si le scandale du PRODAC porte sur environ 29 milliards de F CFA, celui de la SENELEC a failli exploser tous les compteurs en matière de pillage des deniers publics (des centaines de milliards). Les citoyens sénégalais sont en droit d’exiger de Macky Sall, des réponses sur cette demande inédite visant à soustraire la SENELEC des obligations liées au code des marchés publics, pour permettre à cette structure de conclure des marchés de gré à gré, en toute impunité, et ce, pour des montants faramineux.

La responsabilité des 2 Ministres Mame Mbaye Niang et Amadou Bâ est établie

L’article 27 du code des marchés publics dispose que la procédure de passation du marché est conduite par la Personne responsable du marché, seule habilitée à signer le marché. L’article 28 (alinéa a) dudit code définit clairement l’identité de la personne responsable du marché en ces termes : « Les Personnes responsables des marchés sont pour les marchés de l’État et dans chaque Département ministériel, le ministre chargé du département concerné…» Mame Mbaye Niang étant Ministre de la Jeunesse à l’époque, et Ministre de tutelle de la structure assurant la gestion du PRODAC, sa responsabilité est directement et pleinement engagée. L’ordre de service N°000151MJECC/SG/CAB/SP (injonction faite à GREEN 2000 de débuter les prestations alors que le marché n’a pas été notifié) constitue une circonstance aggravante puisqu’il a permis le décaissement des fonds, avant le service fait.

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S’agissant du Ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, sa responsabilité est établie en sa qualité d’autorité chargée de l’approbation. En effet, l’article 29, alinéa 1 du code des marchés publics précise que « Les marchés de l’État sont approuvés par le ministre chargé des Finances lorsque le montant est égal ou supérieur à 300.000.000 FCFA ». Ledit article précise que les fonctions d’autorité signataire et d’autorité approbatrice ne peuvent être cumulées, et souligne que l’acte d’approbation est une formalité obligatoire pour donner effet au marché public.

Au vu de tout ce qui précède, la responsabilité des 2 Ministres Mame Mbaye Niang et Amadou Bâ est engagée dans l’affaire « PRODAC ». Dans le scandale du PRODAC, la Direction Centrale des Marchés Publics est la seule entité exempte de reproche, car ayant parfaitement rempli sa mission de contrôle du bon usage des deniers publics. L’ARMP a servi de « caution juridique » au Ministre de la jeunesse qui a détourné la procédure, pour la passation d’un marché de gré à gré, en lieu et place d’un appel d’offre. In fine, Amadou Bâ, en sa qualité d’autorité approbatrice a validé la démarche.

La demande loufoque de Mame Mbaye Niang relative à un 2ème audit est d’une absurdité confondante : d’une part, les attributions de l’Inspection Générale d’Etat ne sont pas celles d’une Cour d’Appel, et d’autre part, l’IGE se décrédibiliserait totalement en participant à une telle mascarade. Rappelons que c’est sur la base d’un seul rapport de l’IGE N°12/2016 que le Maire de Dakar, Khalifa Sall, a été emprisonné et condamné à 5 ans de prison ferme pour, entre autres, « détournement présumé de deniers publics ». A l’époque, Mame Mbaye Niang se félicitait du rapport de l’IGE qui n’incriminait nullement Khalifa Sall, mais recommandait une réforme du fonctionnement de la caisse d’avance. Alors qu’elle fait preuve de célérité pour traquer les opposants, la Justice brille par son inertie dans l’affaire Fallou SENE. Dans l’affaire PRODAC où les responsabilités sont situées, la justice doit engager une action contre les 2 Ministres précités. Sa crédibilité est en jeu.

 

Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

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