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L’etat, Les Syndicats De La Santé Et Nous

L’etat, Les Syndicats De La Santé Et Nous

A mon ami Feu Dr Mandiaye LOUM

Les visions, préoccupations et agendas syndicaux obéissent à une logique immanente qu’il serait illusoire de vouloir contrecarrer ou combattre. Dans un contexte de crise syndicale, le maître mot reste la négociation, il faut discuter, toujours discuter et encore discuter afin de ne pas rompre le lien et préserver les résultats obtenus au bout de plusieurs années d’efforts et de sacrifices de générations entières.

Une coalition de syndicats de la santé a engagé depuis plusieurs semaines un bras de fer contre le gouvernement du Sénégal. La plateforme revendicative de ces travailleurs de la santé et de l’action sociale ne nous intéresse guère ici, l’attitude des autorités sanitaires et du gouvernement non plus.

On s’interroge plutôt sur les conséquences sanitaires, économiques et sociales qu’engendre une telle situation dans un contexte où les autorités veulent, disent-elles, placer notre pays sur les rampes de l’émergence.

A ce propos, il faut rappeler qu’un des piliers fondamentaux du Plan Sénégal émergent est la promotion du capital humain. Conceptualisé pour la première fois en 1961 par Theodore Schultz, le capital humain constitue la totalité des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulées par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres.

La santé est dans ce contexte un adjuvant, au sens médical du terme, au capital humain. Sans elle, il n’y a pas de capital humain encore moins d’émergence. Beaucoup de nos autorités ignorent totalement l’articulation archétypale qui existe entre la santé et le développement, énormément de prestataires de santé ne maîtrisent pas encore les interactions essentielles entre leur activité professionnelle et les implications fondamentales qu’elle engendre en termes de bienfaits pour la société.

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Les conséquences de la grève sont multiformes, une simple analyse d’elles laisse apparaître des situations quasi dramatiques au plan individuel, et catastrophiques au plan sanitaire. Qu’il s’agisse de la lutte contre la tuberculose, la lutte contre le paludisme, la vaccination ou encore la lutte contre le Vih, les méfaits sont incommensurables.

Les interruptions de traitement des malades atteints de tuberculose peuvent être d’une conséquence incalculable pour la santé des populations. Tenus à une stricte observance d’un traitement intensif de 2 mois, les malades tuberculeux ne peuvent souffrir d’aucune interruption prolongée de leur cure. Le cas échéant, c’est une menace qui pèse aussi bien sur leur santé que sur celle de leurs proches. La suspension de leur traitement est une menace pour la collectivité. Que dire des malades souffrant d’une tuberculose multi résistante !

Notre pays a enregistré depuis une dizaine d’années une baisse constante de la morbidité et de la mortalité liées au paludisme. Ces résultats ont été obtenus grâce à la mise en œuvre de plusieurs stratégies, parmi lesquelles le traitement préventif intermittent chez les femmes enceintes. Il s’agit, pour les profanes, de l’administration de doses de sulfadoxine pyriméthamine à des intervalles réguliers au cours de la grossesse, l’objectif est pour l’Organisation mondiale de la santé de réduire les épisodes de paludisme chez la mère, l’anémie maternelle et fœtale, la parasitémie placentaire, le faible poids de naissance et la mortalité néonatale. De plus, le Sénégal organise chaque année une campagne de Chimioprévention du paludisme saisonnier (Cps) qui consiste en «l’administration intermittente de protocoles thérapeutiques complets d’antipaludiques aux enfants pendant la saison du paludisme dans des zones où la transmission a un caractère fortement saisonnier». Ces deux interventions majeures sont aujourd’hui fortement menacées par l’atmosphère qui prévaut dans le secteur santé.

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Le Programme élargi de vaccination, longtemps considéré comme la locomotive du système de santé, subit de plein fouet les soubresauts syndicaux. Il va s’en dire que les taux de couverture vont sombrer, entraînant logiquement des répercussions sur la morbidité et la mortalité des enfants exposés à toutes ces maladies évitables par la vaccination.

Par ailleurs, la grève a engendré une décélération de l’activité professionnelle des prestataires dans la quasi-totalité des centres de responsabilités du pays et davantage dans les unités de première intention des populations que sont les postes et centres de santé.

Enfin, même si un lien direct n’a pas encore été établi, la grève, surtout celle de longue durée, aurait des impacts certains sur la croissance et freinerait les ambitions d’émergence. Les journées de grève entament fortement nos maigres ressour­ces et fragilisent nos populations.

La société civile devrait s’impliquer de façon audacieuse dans les problématiques sanitaires, car la santé est un droit citoyen qu’aucun individu, qu’aucune organisation, qu’aucun Etat n’a le droit de mettre en péril, quelles que soient par ailleurs les motivations. L’Etat et les syndicats doivent rapidement trouver des solutions à cette longue et périlleuse crise qui secoue le secteur de la santé et qui à terme risque de réduire à néant les sacrifices d’hommes et de femmes qui se sont investis totalement et absolument pour l’amélioration de la santé des populations…

Latsouk Gnilane DIOUF

Economiste de la Santé

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