La Place de l’Indépendance de Dakar représente un symbole majeur de notre accession à la souveraineté internationale. Ce symbole est équivalent à l’Arc de Triomphe à Paris, au Washington Monument, à la Place Rouge À Moscou ou à la place de l’indépendance à Minsk
Sa consécration remonte au milieu du 19ème siècle. Elle se dénommait préalablement Place Protêt. Nom que lui avait donné le gouverneur Pinet Laprade le 23 mai 1863.
C’est en 1929, que sera inauguré le monument aux morts de l’AOF durant la guerre 1914-1918. Monument dont l’initiative de l’érection revient, selon la DIRPA, à Blaise Diagne.
Ce lieu a été baptisé Place de l’Indépendance le 3 avril 1960, lors des manifestations précédant la célébration de l’Indépendance du Sénégal, le lendemain 4 avril 1960.
La solennité de cet évènement imposait, aux côtés des membres du gouvernement, la présence d’importantes délégations étrangères
L’appellation Place de l’Indépendance rend certainement hommage aux jeunes porteurs de pancartes qui avaient provoqué l’ire du Général De Gaulle, lequel avait apostrophé les manifestants en ces termes : « si vous voulez l’Indépendance, prenez-la ».
Feu Mbaye Jacques Diop, Paix à son âme, en 2012 exhortait ses concitoyens à préserver notre mémoire historique, en ces termes : « Notre jeune histoire, en tant que Nation souveraine, exige que nous ayons le sens de l’Histoire ».
Le sens de l’Histoire passe, certes, par des symboles, mais également par des commémorations, des célébrations de nos heures de gloire sur tous les plans.
Le 11 novembre dernier, le monde libre a célébré le centenaire de la signature de l’armistice en 1918. Cette signature avait provoqué une liesse décrite comme démente dans toutes les villes qui avaient souffert de cette guerre effroyable, notamment, en France, en Angleterre, en Italie.
Elle avait entraîné la mort de plusieurs dizaines de milliers de jeunes Africains dont la plupart ont encore des familles gardant les séquelles de la perte d’un ou de plusieurs enfants. C’est pour cette raison principalement qu’un monument historique leur est consacré, matérialisé aujourd’hui par la seule plaque commémorative qui leur est décernée sur l’ensemble des pays de l’Afrique Occidentale et qui se trouve, ici, à Dakar, sur cette place. Quel privilège ! Mais également quelle responsabilité à l’endroit de tous les compatriotes de l’Afrique Occidentale
Il y est mentionné ce qui suit :
1914-1918 À NOS MORTS LA PATRIE EST RECONNAISSANTE 1939-1945
Jadis, jeunes Dakarois, nous gardons le souvenir des parades magnifiques, exaltations suprêmes de notre esprit patriotique, des dépôts de gerbes de fleurs incontournables dans l’agencement protocolaire de tout séjour d’une haute dignité royale, républicaine ou religieuse à la mémoire de parents morts pour la liberté sur les champs de bataille de ces deux grandes guerres.
Le tout au cœur de jardins verdoyants, fleuris, bien entretenus forçant l’admiration, avec des fontaines illuminées, espaces merveilleux vers lesquels convergeaient, allègrement, tous les citoyens et visiteurs étrangers qui en repartaient avec fierté et respect à l’endroit de l’homo senegalensis.
Le symbole était puissant. Il rappelait à la face du monde que, nous aussi, avons sacrifié librement des forces vives, en quantités non négligeables pour un monde libre.
Cette plaque commémorative est presque devenue inutile. Personne ne la remarque. Nous souvenons nous de nos morts ? Leur sommes-nous encore reconnaissants des sacrifices pour notre liberté actuelle ?
L’illustration en a été donnée lorsque ce 11 novembre, pour célébrer nos morts, l’évènement se serait déroulé, incognito dans l’enceinte d’une caserne militaire des forces françaises au Sénégal.
Cette plaque commémorative se noie dans le décor actuel de la célèbre place qui donne l’image d’une décharge publique avec les herbes sauvages qui la peuplent, « l’Encombrement humain », selon le président Senghor, causé par tous les badauds, mendiants, hommes et femmes, sans domicile fixe, jeunes talibés qui jouent au football la nuit sur l’herbe sèche, ou s’amusent dans le bassin vide du jet d’eau à l’arrêt depuis des lustres.
Jadis, vitrine de la capitale Sénégalaise, elle est devenue infréquentable et projette une image désastreuse, peut être réaliste, de notre rapport à nos valeurs, aux fondements de notre commune volonté de vie commune.
L’accoutumance à l’insalubrité, à la déperdition de nos valeurs morales, à la perte de notre identité devient si frappante que plus personne ne s’offusque de voir nos symboles identificateurs tomber sous nos yeux en toute indifférence.