#Enjeux2019 – En 2000 dans un guide consacré aux droits des femmes au Sénégal, je soulignai : « Dans un pays comme le Sénégal où près de 80 % des femmes sont analphabètes, la problématique liée à leur accès à l’éducation et à la formation se pose avec acuité et se traduit entre autres par une méconnaissance des textes juridiques qui régissent les femmes au quotidien. Cette situation est révélatrice d’un ensemble de dysfonctionnements dans un contexte socioculturel, économique et politique qui n’évolue pas au rythme des mutations que vit le monde. S’il est unanimement admis que le développement d’une nation dépend dans une large mesure de la qualité de l’éducation de son peuple, il apparait dès lors que la famille, en tant que cellule première d’éducation et de socialisation, est le creuset à partir duquel se façonnent les modèles de comportement des hommes et des femmes » (ANAFA, guide des droits de la femme, préface, p.5 de l’édition)
Dans ce document de sensibilisation et de vulgarisation, notre association a présenté et illustré par des exemples, des cas précis, les enjeux autour de l’état civil, du mariage, des violences conjugales, du divorce, des cérémonies familiales, du droit de succession.
Dans l’avant propos, Me Nafissatou Diouf avocate à la Cour et alors Secrétaire générale de l’Association des Juristes Sénégalaises avait souligné parmi les facteurs qui expliquent l’ignorance de leurs droits par la majorité des femmes, l’analphabétisme.
Dans le document, dès le chapitre premier consacré à l’état civil, ANAFA n’avait pas manqué de rappeler que « l’Etat n’a pas pour unique mission la gestion des affaires économiques, la gestion des hommes (êtres humains devait on préciser) fait aussi partie de ses attributs. Pour cela, il a besoin d’identifier les personnes, dès la naissance en même temps que leur situation, en cas de mariage ou de décès (op. cit. p.7.)
– Mixité ou parité –
Le 22 Décembre 2010, plus exactement le 22 décembre à Thiès, j’ai participé au forum régional dans le cadre du plaidoyer pour le soutien à la loi sur la parité, votée le 16 Avril 2010 par l’Assemblée Nationale sous le régime du président Abdoulaye Wade.
Mes sœurs m’avaient fait l’honneur de me coopter parmi les rares figures masculines devant participer à cette rencontre. Dans mon intervention j’avais souligné les points suivants :
– Femmes et hommes dans l’histoire –
Aussi loin qu’on remonte dans les temps préhistorique et historique, on peut constater l’intervention complémentaire et solidaire des femmes et des hommes : on peut certes voir sur des documents iconographiques, d’Afrique et d’ailleurs, des hommes et des femmes s’adonner à la chasse, à la pêche, à la cueillette de fruits, à l’élevage, à la poterie, avec un processus de spécialisation plus ou moins prononcée, suivant les contextes géographiques, climatiques, démographiques, économiques et/ou politiques, les problèmes de discrimination, d’exclusion se manifestent avec l’apparition des Etats et surtout des armées pour des guerres de conquête, d’asservissement.
La politique a été inventée pour gérer les crises socio-économiques, voire culturelles et religieuses ; et on constate que le plus souvent, dans les arbitrages, les femmes ont été exclues ou reléguées au second plan. Le cas le plus typique est la démocratie athénienne, citée en exemple dans l’histoire de l’humanité et qui a exclu du jeu démocratique les femmes, comme les jeunes, les esclaves et les métèques.
Beaucoup d’entre vous savent que, même en Europe, il y a de nombreux Etats qui n’ont permis le vote des femmes qu’après la seconde guerre mondiale, après donc 1945. Et pourtant, l’exploitation des sources historiques montre que des femmes sont intervenues de manière vigoureuse et décisive dans certaines phases de l’histoire presque dans tous les pays. Les situations africaines sont à ce titre riches d’enseignements.
– Les femmes dans l’histoire africaine –
L’auteur, l’intellectuel qui a, à mon avis, bien illustré les différences dans l’évolution du destin des femmes, autour des problématiques du matriarcat et du patriarcat, est Cheikh Anta Diop. Il a montré qu’en raison du genre de vie (conditions matérielles d’existence) et des conditions géo-climatiques très différentes en Europe (berceau septentrional steppique, vie nomade) et en Afrique (berceau méridional, vie sédentaire), les sociétés humaines se sont organisées selon des systèmes différents, un système de type patriarcal dans la première et de type matriarcal dans la seconde auxquels sont associés des comportements sociaux différenciés, respectivement individualiste, et communautaire » (Cheikh A. Diop), L’homme et l’œuvre, Paris, Présence Africaine, 2003, p. 142~143).
Certes, l’analyse est à approfondir, les choses étant plus complexes (par exemple la coexistence, en Afrique même, entre nomades et sédentaires dès les phases préhistorique et antique) ; mais l’essentiel est de retenir que cette vision a conduit Cheikh Anta Diop à préconiser le bicaméralisme dans la réforme des institutions politiques en Afrique (cf. Les fondements culturels, techniques et industriels d’un futur Etat fédéral d’Afrique Noire, Présence Africaine, 1960 (1974).
Cela me permet de revenir sur les questions de gouvernance.
– La parité dans la mixité ou la bicaméralité ? –
Le président de la République du Sénégal qui a inspiré la loi 2010-11 du 28 mai 2010 a opté pour la parité dite absolue dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives (article 1). Le mécanisme prévoit que les listes de candidatures aux élections sont alternativement composées de personnes des deux sexes (article 2). Les listes non conformes sont frappées d’irrecevabilité. Les décrets d’application sont annoncés (article 3). La loi et les décrets seront dans le code électoral (article 4).
Il faut regretter qu’il n’y ait pas eu un large débat au niveau national sur les voies et moyens pour une option efficace, juste, consensuelle de l’application des principes de l’égalité homme/femme, pour et par la participation effective de tous ; l’enjeu posé est la défense des intérêts généraux et spécifiques du genre dans un système démocratique et solidaire.
A mon avis, le débat est encore pertinent de combiner mixité et bicaméralisme ; il n’est pas tard pour rouvrir les débats et d’interroger les populations sur leurs options en vue d’une rectification des déséquilibres dans la représentation des femmes dans toutes les instances démocratiques de notre pays.
– Approche par les droits de l’homme –
Depuis, beaucoup d’eau a coulé. Les ONG actives en éducation demeurent convaincues que « l’alphabétisation des femmes et la mise en place des centres de formation permettent de sensibiliser les communautés au rôle de l’éducation ; des mères alphabétisées sont ainsi davantage prédisposées à scolariser leurs filles (Aide Action, Education aux droits humains : Apprendre, proposer et innover). Mieux, l’éducation des jeunes, des filles au Sénégal en particulier, permet aussi d’élever, le niveau des adultes comme l’a souligné la Ve Conférence Internationale sur l’Education des Adultes (CONFINTEA) à Hambourg 1997.
Les professionnels de l’information et de la communication ont vu clairement que « la construction des sociétés plus ouvertes, respectueuses de la personne et de ses droits, vigilantes face aux abus, aux remises en cause et aux négations des droits fondamentaux de l’homme, est un défi dont les médias portent une partie de la charge. Renforcer le rôle de veille, d’alerte et d’interpellation des médias sur les questions de droits de l’homme est essentiel » (Tidiane Kassé in Magazine Journalistes des droits de l’homme, publié, article 19, HCDH, UNESCO, 2014)
Ce travail passe par des mises à niveau régulières ciblées et pratiques. Il y a toujours de nouveaux défis et intérêts dominants face « auxquels ces droits deviennent des valeurs secondaires. Les abus sont plus fréquents, divers et multiformes ».
L’information aide à mieux connaître les instruments juridiques, les traités signés et ratifiés et à signaler les discriminations liées au physique, à la santé, à l’ethnie, à la classe sociale, à l’âge, etc. Mieux elle doit porter, véhiculer le combat des femmes pour leur dignité, leur libération sur tous les fronts : socio-économique, politique, scientifique, culturel, spirituel. Elle peut aider à saisir les trajectoires spécifiques, les tonalités particulières liées à l’histoire, à la géographie.
L’interview accordée par le quotidien Le Soleil à l’écrivain Mariétou Mbaye plus connue sous le nom de Ken Bugul est éclairante à ce sujet :
– Débat sur le sexisme –
« Il faut replacer le mouvement dans son contexte. C’est venu des Etats-Unis avant de gagner l’Europe. Il a libéré la parole des femmes certes, mais à quel niveau ? C’est dans le star système, du show biz et un peu de politique. Je n’ai pas senti le peuple, celui des quartiers populaires dans ce mouvement. Brigitte Bardot l’a dit, dans ce milieu du show biz, beaucoup d’actrices ont aguiché des producteurs ou des metteurs en scène pour trouver un rôle, ouvrant la porte au harcèlement sexuel dont elles se disent victimes. C’est pourquoi il faut être prudent avec ce mouvement. Nous en Afrique, nous avons d’autres soucis. Ici nous avons des cas de violence conjugale – comme partout ailleurs, mais que les hommes se sentent en minorité (allusion à la déclaration Christiane Taubira, voir notre entretien dans « le soleil 1-2 décembre, moi je ne vois pas d’intérêt. Moi, je me rappelle quand je travaillais à l’Asbef (Association sénégalaise pour le bien-être familial) dans les années 1980, pour les messages pour les femmes, on nous avait envoyé une publicité de l’Occident avec des hommes enceintes. Nous avons vu peut-être que dans un autre contexte, ça pouvait passer mais pas chez nous. Notre combat était l’espacement des naissances pas sa limitation. Christiane Taubira l’a dit comme ça, par ce qu’elle a le sens de l’humour mais elle est plus pour l’égalité que pour la domination d’un sexe. Moi je ne veux pas que les femmes se retrouvent dans une position de domination par rapport aux hommes. Je trouve qu’elles sont trop jolies pour jouer ce rôle. Ce n’est pas bon pour l’équilibre de la société. L’idéal, c’est d’être dans une situation harmonieuse où l’égalité est respectée dans un respect mutuel »
L’excellent travail de recherche mené par l’association Femmes, Culture, Santé et Développement en Afrique (FECSDA) sous la direction de Rama Niang avec la collaboration de Daouda Diop et Mme Haoua Garba Ido Thiaw permet de retenir que :
« La loi sur la parité votée en mai 2010, est considérée malgré ses limites et insuffisances, comme une avancée significative. Elle doit être irréversible. Aussi la question centrale à poser aujourd’hui est celle de la parité de qualité, seule à même de consacrer l’effectivité des besoins et intérêts stratégiques des femmes mais également de toute la communauté. Nombre de femmes députées, élues et/ou leaders locales et nationales et également certains hommes expriment régulièrement leurs préoccupations quant à la prise en compte de ces questions. Certaines personnes s’interrogent sur le fonctionnement de ces conseils qui ne tiennent même pas compte des besoins spécifiques des femmes, des enfants et de manière générale, de toutes les couches et catégories, socioéconomiques et socioculturelles de leurs terroirs.
Si les femmes élues à l’Assemblée et dans les communes sont dans leur majorité peu éduquées, non formées et non instruites ou analphabètes, leur contribution pourrait souffrir de ce handicap. Leurs capacités d’analyse de propositions vont rester faibles et par conséquences, leur prise en considération en tant que citoyennes, peu pesante et valorisante. Certes la représentation paritaire 50%/50% qui, grâce à la loi est un acquis, constitue encore un double défi. Le défi d’une application sans réserve mais également le défi d’une parité de qualité. Or, au Sénégal avec un taux d’alphabétisation des femmes qui est encore de 66%, beaucoup de femmes risquent de se retrouver dans cette situation surtout après les élections locales de 2014. En effet il est fort à craindre que ces dernières élections qui ont enregistré les listes les plus nombreuses en candidatures y compris féminines, ne profitent pas, comme on l’aurait souhaité, aux femmes. Beaucoup de femmes ont encore un réel besoin de formation et d’éducation pour être capables de défendre des positions pertinentes.
– Pour une parité de qualité au Sénégal –
Le combat pour une pleine mesure de l’application de la loi sur la parité ne doit certainement pas être hypothéqué. Aussi, il convient de continuer la sensibilisation et le plaidoyer nécessaire pour que la parité soit effective et que la force reste à la loi. C’est seulement à ce prix que la parité pourrait avoir droit de cité dans notre pays. Dès lors pour l’acceptation et la concrétisation de la parité de qualité, celle-ci se fera nécessairement en synergie avec des hommes et des femmes mais surtout avec les femmes des partis politiques et les femmes de la société civile citoyenne et/ou de développement. Quoiqu’il en soit toutes les personnes qui ont la volonté de participer à la gestion de la Cité, là où les décisions qui rythment leur vie au quotidien s’élaborent et se prennent devront être intéressées par la parité de qualité.
Pourtant, d’aucuns pourraient penser qu’au moment où l’on mène le combat pour l’application sans réserve de la parité, il serait illusoire de penser à la parité de qualité. Loin s’en faut, la parité de qualité doit être un argument pour conforter l’effectivité de la loi sur la parité. En effet, il faut d’abord augmenter le pourcentage de représentation des femmes pour espérer une représentation qualitative.
Quand la bataille pour l’effectivité de la parité sera gagnée, la nouvelle étape sera justement celle de la construction de la parité de qualité. C’est le défi dont l’enjeu en vaut la chandelle, en ce sens que s’il est relevé, il va créer les conditions de nouveaux équilibres quant à l’accès des femmes au pouvoir et leur participation pertinente à la gestion du pouvoir. En vérité si la politique politicienne s’est emparée de cette nouvelle disposition qui favorise les femmes, c’est par ce qu’elle n’occulte pas l’enjeu de pouvoir qui en est le cœur. Laisser battre ce cœur quelque rythme que ce soit, équivaut aussi longtemps qu’il faille préserver la vie, à une nécessaire respiration. C’est pourquoi, telle une énième lutte des femmes, il importe de s’armer de patience et de densifier les voies et moyens légaux et légitimes pour remporter la victoire. Aussi, l’appel à cette synergie des énergies n’est rien d’autre qu’une mobilisation pour une parité de qualité, c’est-à-dire un engagement collectif politique, socioéconomique et culturel pour la parité ».
Reste à savoir vers quel (le) candidat(e) la majorité des femmes vont se mobiliser et/ou porter leurs suffrages. Il serait également intéressant de voir le nombre de parrainages annulés au niveau des femmes pour cause d’analphabétisme. Les journalistes, les sociologues et les candidats à des élections politiques auront du mil, à piler pour mieux affiner leurs analyses ou programmes sur la question du genre.
Babacar Diop Buuba est universitaire, professeur titulaire de classe exceptionnelle en Histoire ancienne à l’Ucad. Il a été exclu dès les premières réunions du Mouvement pour la Libération des Femme (MLF) en France dans les années 80, comme d’autres militants curieux. Babacar Diop Buuba a participé dans la même période à un séminaire des femmes à Thiès comme unique participant masculin. Il a récidivé dans les années 90 à Capetown dans le cadre du GEO (Gender Education Office de l’ICAE, le Conseil International d’Education des Adultes.
RÉSUMÉ DE L’ARTICLE EN WOLOF
#Enjeux2019 – Tenk ci walaf
Am na leegi li jage 20 at, sunu mbootaay bi tudd ANAFA, te di yengatu ci siiwal liifant ngir jàngum mag ñi, gennewoon téeré, ngir dimmale jigeen ñi, nu xam sèen àq ak yeleef. Nu bare ñiy gëstu mbaa di ittewo caytum réew, xam nañ njariñal njàng, ngir yokk xam xam, mën mën ak kàttan. Ci sunum réew, Persidaa Abdulaay Wàdd def na ci lu rëy, bi mi fexee ba Pencum Réew mi dogal : ni fèpp fu ñuy takkale ndomboy tànk, tànn bi war na sàmm raxoo ak tollale, ci lu sax, goor ak jigéen. Mu des nak, nu xam ndax loolu topp nanko, walla deet.Xam ngeen am na ay jafe jafe.
Waaye terewul am na ay jéegoo yuu bare yu am ci àaq ak yeleefu jiéeen ñi ci Senegaal. Li ko, waral, am àq ci joge sunuy mbaaxi maam : ndax jigeen maam la, ndey la, jigeen la ci wetu càmmiñam, jabar la, doom la, sët la, jigeen ñaa ngiy raw góor ci fànn yu bare, ci bërëb yu bare. Lu goor mën, jigéen mën nako, lu góor yootu, jigéen war na ko mën yóóotu. Dëgg la, ku ne am nga ci loo gëna xereñ. Li am solo moodi, yokk, xam xam ak mën mën, ak sañ sañ jigéen ñi . Bu dul loolu njuumte yi di nañ bare, ci sunuy tànn ci lawax yi, juum ci tingóom (maanaam parenaas bi ñu dugal). Na ñu jàppale jigeéen ñi ci seen mbootay yi nu taxawalal seen bopp.
Nan leen nangul ne, war na mën toog ci kureel yi ñu bokk ak góor ñi.
Ci loolu, lawax yi bëgg nu dénk leen réew mi, war nañ ci tontu.
Babakar Jóob Buuba. Góoru mbootay ci Senegal.Juddóo Ndar Geej, fa wegante fekk baax.