Ce vendredi 18 janvier 2019, le jardin des délices démocratiques s’est transformé en jardin de Satan. A Guédiawaye, on vient d’inventer brutalement le concept de « sabar hallal » sous le haut parrainage et la présence effective du chef de l’Etat qui a inauguré une mosquée sous des décibels inappropriés, sur fond de discours propagandistes et d’actes folkloriques. Il n’est pas nécessaire d’inaugurer une mosquée avec autant de bruit et de tintamarre. Des prières désintéressées et dépolitisées auraient suffi, en ce vendredi saint, à rendre grâce à Dieu et non à un mortel. Depuis longtemps, le scandale est banalisé dans ce pays et les banalités scandalisées. Pour un rien, l’on s’insurge. Et pour le pire, l’on se terre dans un mutisme déconcertant. Une mosquée n’est pas le lieu le mieux indiqué pour organiser un sabar.
Les funérailles sont même devenues des tribunes politiciennes au cour desquelles l’on ne se gêne pas d’organiser, séance tenante, la transhumance partisane. Ne soyez pas étonnés, chers compatriotes, de voir demain un imam danser entre deux prières pour rendre grâce à la générosité du président de la République ou de la première dame. « Quand l’argent parle, la vérité se tait », dit le proverbe togolais. Dieu ne semble plus suffire aux croyants déclarés et obnubilés par la conservation du pouvoir politique. Ils vont consulter les charlatans pour espérer redoubler au pouvoir en doublant leur mandat. La médiocrité de leur foi républicaine et de leur action politique devrait nous inciter à les exclure définitivement du pouvoir. La légèreté de leur foi en Dieu les conduit à remettre leur espoir entre les « prières » des charlatans de toutes obédiences qui leur promettent, à la place de Dieu, enrichissement, mandat, célébrité et même immortalité, moyennant les futilités et les biens éphémères de ce bas monde.
Je leur rappelle ces paroles d’une sagesse incommensurable de Cheikh Ahmadou Bamba, qu’eux tous devraient méditer : « Penche vers les portes des rois, m’ont-ils dit, afin d’obtenir des biens qui te suffiraient pour toujours. Dieu me suffit, ai-je répondu, et je me contente de Lui et rien ne me satisfait si ce n’est la religion et la science. Je ne crains que mon roi et n’espère qu’en Lui, car c’est lui le majestueux, qui m’enrichit et me sauve. Comment disposerais-je mes affaires entre les mains de ceux-là qui ne sont même pas capables de gérer leurs propres affaires à l’instar des plus démunis ? Et comment la convoitise des richesses m’inciterait-elle à fréquenter ceux dont les palais sont les jardins de Satan ? Au contraire, si je suis attristé ou éprouve un quelconque besoin, je n’invoque que le Propriétaire du Trône (Qu’est Dieu). Car il demeure l’Assistant, le Détenteur de la Puissance Infinie qui crée comme Il veut tout ce qu’Il veut. S’il veut hâter une affaire, celle-ci arrivera prestement, mais s’Il veut l’ajourner, elle s’attardera un moment. Ô toi qui blâmes ! N’exagère pas dans ton dénigrement et cesse de me blâmer ! Car mon abandon des futilités de cette vie ne m’attriste point… Si mon seul défaut est ma renonciation aux biens des rois, c’est là un précieux défaut dont je ne rougis point ! ». N’est pas saint qui veut, certes. Mais en attendant respectez le sacré non institutionnalisé qu’est une mosquée – ou tout autre lieu saint – qui n’a pas moins de dignité que votre institution constitutionnellement sacralisée mais non éternelle.
Ibrahima Silla est président du Mouvement Lénène Ak Niénèe, membre du Directoire de FIPPU