Le débarquement de Normandie du 5 au 6 juin 1944 est célébré annuellement la main dans la main par le président français en compagnie de la chancelière allemande qui n’a aucune honte d’y assister car le distinguo est clairement établi entre « allemand » et « nazi ». Trouvons donc un terme équivalent au nazisme pour le colonialisme. Dans le parallélisme des formes trouvons aussi un terme équivalent au « collabo » que fut une partie de nos grands-parents aussi bien pour la colonisation que pour l’esclavage. Alors nous pourrions fièrement organiser chaque année l’anniversaire du massacre de Thiaroye 44 en invitant les dirigeants fils de ceux qui y ont activement participé.
Utilisons un terme valorisant à nous, équivalent de la « résistance » qui s’organisa contre l’occupation française. N’ayons pas honte de ne pas avoir pu apporter la réponse adéquate pour résister à l’occupant de l’époque. Ceux qui ont subi l’occupation française par les nazis n’y sont pas parvenus sans les américains non plus, sans nos braves ancêtres tirailleurs, sans les russes…
L’histoire de la chute de la statue de Faidherbe à Ndar le 4 septembre 2017 et sa réinstallation dès les jours qui suivirent sont récentes, occasion ne put pas mieux être saisie pour en finir une bonne fois avec cet affront pluricentenaire. Des disciples mourides ont cru un instant tenir leur revanche ce jour qui coïncidait miraculeusement avec la célébration des deux rakkas de Cheikh Ahmadou Bamba. Bénédiction divine ou pas je m’en suis hautement réjoui ce jour. Malheureusement les « collabos » de notre ère ne se sont pas empêchés tels des esclaves qui refusent de s’affranchir, d’organiser une ceinture de sécurité pour forcer la ré-érection de cette statue. Il ne faut pas s’en choquer au vu du silence complice de la communauté pseudo-intellectuelle du Sénégal. Dans un pays qui se respecte au moins des débats publics seraient organisés pour que tout le monde puisse s’approprier le sujet quel que soit l’opinion populaire qui en découlerait.
Nous ne connaissons pas notre histoire, nous avons donc crié de joie quand nous avons appris la mise en place de la commission chargée de réécrire l’histoire générale du Sénégal il y a quelques années. Une europhorie très vite ravalée quand son dirigeant a soufflé à l’oreille du Président de la République ce qui lui a valu une horde d’indignation, je veux parler des desserts servis exclusivement aux sénégalais parmi les tirailleurs sénégalais. Une telle divagation intellectuelle ne nous inspire aucune hauteur quant au travail attendu de cette commission, bien entendu un document que nous n’attendons plus avec le même enthousiasme du début.
Au prochain Président de la République, à l’image d’un candidat recalé par le filtre du parrainage, qui a exigé à tout prétendant à son soutien l’engagement de creuser le canal du Cayor, je demande sans grande prétention au prochain locataire du palais de nous parler de ce qu’il fera pour nous restaurer dans notre dignité à travers une bonne réécriture de notre histoire. L’histoire est tellement importante, pour preuve pensons-nous un seul instant que Dieu dans son sublime Coran aurait perdu son temps à nous raconter tant de faits qui se sont produits dans le passé?
Nos parents ont fustigé nos ancêtres « collabo » qui ont vendu leurs frères esclaves, nous avons condamné nos parents que nous traitons de « collabo » car ayant accepté et avoir nourri la colonisation, que dis-je, l’occupation. Maintenant n’acceptons pas que nos enfants nous traitent demain de « collabo » pour avoir courbé l’échine devant cette nouvelle forme d’occupation qui a le seul avantage d’être plus diplomatique, plus subtile.
Mon père apprenait dans ses leçons d’histoire à l’école que Lat Dior était un bandit des grands chemins qui voulait empêcher l’érection du rail dans son terroir. Autant il a été possible de rayer cette hérésie des manuscrits scolaires, autant il est possible d’y inscrire, maintenant, que Faidherbe était un bandit qui voulait empêcher la vulgarisation de l’enseignement des grands intellectuels sénégalais dont l’œuvre restera tout de même à jamais gravé sur nos « alouweus ». Nous avons besoin de décomplexer nos enfants qui sont déjà trop francisés. A ceux qui se disent que nous devons enterrer le passé et arrêter de nous lamenter sur nous-mêmes, qu’ils sachent que c’est en connaissant son histoire qu’on enfonce plus profondément ses racines sous terre pour mieux se déployer vers le ciel sans risquer de subir les tempêtes qui sont très fréquentes dans l’imbroglio dans lequel nous vivons.
Nous devons apprendre à regarder l’histoire en face et l’assumer. S’il doit y avoir une amitié sénégalo-française ce qui est de mon point de vue important pour ne pas insulter l’histoire et ignorer ce que nous sommes réellement devenus par la orce des choses, assumons la et travaillons-y. Nous devrons en même temps ouvrir la voie de l’ambition, de la souveraineté, de la protection des peuples.
Cette auto considération est importante pour le respect de nos vis à vis envers nous-même afin que notre coopération soit réorientée lucidement et beaucoup de sujets sont sur la table notamment le francs CFA, le rapatriement de nos objets de musée, des documents historiques à déclassifier et nous renvoyer, l’émigration clandestine, la fuite des cerveaux… On a besoin de cela pour aboutir à une convergence des économies, ce qui est inévitable dans un contexte de mondialisation.
Les autorités doivent savoir répondre à la colère qui monte. Ne faisons donc pas dans la réaction et anticipons sur ces chantiers, pour préparer nos peuples à une douce transition.
Un esprit politique bien inspiré disait ceci : « Toubab nit leu so ko wané ni niit ngueu, mais soko wanéni ngaaka nga rek mou nakh la ». Ceci est un esprit intéressant dans lequel nous pourrions être dans la définition du cahier des charges de cette nouvelle collaboration avec les fils des anciens occupants.
Ousmane CISSE
Ingénieur automaticien électromécanicien
ousmane.cisse@gmail.com
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