Le mari cocu, l’épouse naïve, le commerçant envieux, l’enseignant carriériste dans sa classe, le journaliste chasseur de scoops, l’escroc invétéré, la jeune fille éblouie par le matériel, le garçon insouciant, le téléspectateur s’accrochant à sa série, le consommateur de publicités à la recherche de nouveaux produits pour être toujours au diapason…tous sont manipulés.
Ce discours (manipulation) qui pratique volontairement l’amalgame, est aussi à l’œuvre dans le champ politique. Surtout en cette période électorale, avec son cortège de fausses informations (fake news), de manipulation de données personnelles. Et au-delà des fake news, les politiques utilisent d’autres techniques de manipulation pour rallier l’opinion.
Fausse fouille de Malick Gakou à l’aéroport Blaise Diagne, fausse carte d’identité française attribuée à Macky Sall ; faux documents affirmant que deux opposants sénégalais sont parrainés par des loges maçonniques, faux article sur Tullow Oils incriminant Ousmane Sonko etc.
Ces faits, rapportés par Africa Check, dans un article portant la signature de Samba Dialimpa Badji et intitulé « Présidentielle 2019 au Sénégal : fausses informations, manipulation et données personnelles », sont à prendre au sérieux. Ils méritent que l’on s’y penche pour en comprendre les ressorts, en entrant, par effraction, certes, dans la tête de leurs géniteurs. Mais ces fausses informations ne signifient rien en soi, si le décryptage fait fi des éléments de contexte d’une élection dont l’issue est des plus improbables.
Un bilan reluisant ou un projet de société cernant les contours d’une réalité sociale ne suffit pas pour occuper le fauteuil le plus convoité. Il en faut plus ! Un petit quelque chose qui va créer le déclic. Pour dire que les ondes de la manipulation ont toujours traversé le champ politique, dans ses habits propagandistes d’hier, et de marketing politique d’aujourd’hui.
Ces vraies-fausses « affaires » peuvent influencer le choix des électeurs, lequel n’est pas toujours rationnel. C’est arrivé ailleurs (USA, en France) et nos écrans de télévision ont déjà archivé ces savoir-faire qui ont inspiré nombre de nos spin doctors. Et ces instruments de manipulation des consciences se modernisent de plus en plus et agissent négativement sur le libre arbitre des citoyens appelés à confier leurs présent et futur à un homme ou une femme ayant, en principe, le profil de l’emploi.
Imposer un sens…
Conscients qu’il en faut plus, les acteurs politiques sont amenés, parfois, à utiliser des armes non conventionnelles. Ils vont ainsi s’appuyer sur les médias et les réseaux sociaux, sous la dictée de conseillers qui ont rayé de leur lexique les mots « morale » et « éthique », pour polir l’image de leur produit et cacher son jeu au peuple dont le choix est très souvent parasité par des stratégies bien huilées.
L’objectif étant de le persuader ou de lui imposer un sens, en s’adressant aux émotions plutôt qu’à la raison ou encore en faisant usage du mensonge ou de la désinformation. Tout cela est favorisé par le caractère libéral des régimes démocratiques, encourageant la concurrence et rendant nécessaire, selon Philippe Breton, la mise au point de « méthodes spécifiques de conquête du consensus » (La parole manipulée, 1997, p.72).
Nos hommes et femmes politiques utilisent plusieurs procédés ou techniques de manipulation pour toujours avoir le peuple de leur côté. La « violence séductrice » agit comme une lame de fond, emportant sur son passage la faculté de discernement des électeurs, essentielle pour faire le bon choix. Elle cherche à neutraliser tous les foyers de résistances chez l’individu. Tout donne l’impression que les électeurs seraient incapables de résister aux influences à la fois massives et subtiles que les techniques de manipulation exercent sur eux, en recourant à des méthodes de plus en plus élaborées de la psychologie. Nous allons parcourir quelques-unes de ces techniques en dévoilant leur modus operandi.
La diversion
L’une des techniques les plus usitées par les acteurs politiques est la diversion. Elle consiste à détourner le regard du public d’une question essentielle, en ouvrant des fenêtres de distractions et d’informations insignifiantes. Lorsque l’homme politique est empêtré dans une affaire compromettante, ses conseillers en communication peuvent recourir à cette stratégie de diversion, en mettant sur la place publique des informations moins importantes certes, mais dont le but est d’éloigner du vrai sujet. Aux vraies accusations, on peut opposer des fake news, à travers des attaques ad hominem ou ad personam, aux fins de le décrédibiliser et de vouer aux gémonies l’empêcheur de tourner en rond. En clair, la stratégie de diversion consiste à déplacer le problème, en allumant des contre-feux. Certains programmes de télévision participent de la même logique, puisque les distractions de la petite lucarne empêchent le public de s’intéresser aux véritables problèmes sociaux et connaissances essentielles pour dompter son environnement.
Le cynisme du PRS ou l’art de créer un problème
Quid de la stratégie du PRS (problème-réaction-solution) qui constitue le degré élevé du cynisme de nos hommes politiques ? Le politicien (c’est le cas, par exemple, d’un chef d’Etat) va créer les conditions d’un chaos dans son pays, pour ensuite jouer au sapeur-pompier. Le problème ou le chaos va susciter naturellement les réactions de la population qui va demander des mesures ardues pour sa sécurité. Donc, la manipulation consiste à transformer les populations en demandeuses des mesures impopulaires que l’on souhaite leur faire accepter. En clair, il voulait par exemple, instaurer un couvre-feu, pour freiner cette vague grandissante de contestation qui menace son pouvoir, le cynique politicien va lui-même envoyer des casseurs pour susciter la peur chez les populations. Acculées, ces dernières vont demander des lois sécuritaires au détriment de leur liberté.
La technique du dégradé
Pour pousser les populations à accepter l’inacceptable, il s’agira d’appliquer progressivement la mesure impopulaire. A la manière de la couleur qui perd petit à petit son éclat, la stratégie du dégradé consiste à administrer, par petites doses, et sur une longue durée, des mesures qui auraient pu faire éclater une révolution, si elles étaient appliquées de manière brutale.
La technique du « reporté » ou « différé »
Cette stratégie consiste à présenter aux populations une décision « difficile mais nécessaire » et dont l’application est envisagée dans un futur proche ou lointain. Le différé garantit alors l’accord des populations dans le présent, en acceptant facilement un sacrifice futur plutôt qu’immédiat. Un candidat qui vient de gagner la présidentielle, fera croire aux populations que les caisses de l’Etat sont vides du fait de la mauvaise gestion de son prédécesseur. Il sollicitera ainsi des sacrifices auprès de ses compatriotes et leur demandera de se préparer dans six mois ou un an à des mesures d’austérité.
Transformer l’adulte en enfant de bas-âge
La stratégie est de parler à quelqu’un dans un raisonnement terre à terre, à coup d’évidences ou de tautologies, de manière à le pousser à ne plus avoir le sens critique des choses. Vous avez « tué » en lui l’adulte pour faire renaître l’enfant de 10 ans. Les hommes politiques, en plein dans la propagande, transforment pendant la campagne, le public d’électeurs, en des personnes naïves qui croient aux promesses mirobolantes. La publicité agit de la même manière sur nos consciences et nous entraîne dans une voie où l’on perd pied, en prenant l’artifice pour la réalité.
La stratégie de l’instrumentalisation du pathos
Elle consiste à jouer sur les émotions du public, de manière à « éliminer » chez l’individu le doute cartésien et la faculté à questionner les faits. Le but du choix du registre émotionnel est de manipuler l’inconscient de la personne exposée à cette stratégie, en y déposant des idées, des pulsions, des désirs, tout en jouant sur les effets d’anxiété et d’empathie. Nos hommes politiques savent manipuler nos émotions, certains allant jusqu’à verser des larmes…de crocodile.
La technique de la poignée de main
Les politiques adorent serrer la main des militants et sympathisants, surtout dans les bains de foule. Avec la poignée de main, le politique feint de transmettre sa chaleur, sa sympathie, son énergie positive aux électeurs. Ni trop ferme ni trop molle, elle (poignée de main) permet d’instaurer une bonne relation avec l’autre. Elle a un pouvoir positif sur les interactions, en renforçant l’empathie. La poignée de main rapproche aussi le leader des militants ; il n’est plus un mirage (quelqu’un que l’on voit de loin) mais une réalité tangible (on le touche).
La technique du sourire
Ceux qui pensent que le sourire que nous offrent nos politiques est « gratuit », se trompent. Dans leur volonté de séduire l’électorat, ils ont compris que le sourire permet de paraître ouvert et sympathique. Les humains sont extrêmement sensibles au sourire d’autrui. Plus le sourire est grand, plus l’effet positif est ressenti. Le sourire instinctif exprime notre humanité et nous distingue des animaux. Les politiques, eux, utilisent le plus souvent le sourire « social » ou de « politesse » qui n’est pas forcément sincère. La finalité est de plaire, de rendre plus détendus nos interlocuteurs. En exprimant votre bienveillance, vous donnez envie aux autres d’être bienveillants avec vous. C’est un cercle vertueux.