Les cinq candidats à la présidentielle du 24 février 2019, Ousmane Sonko, Idrissa Seck, El Issa Sall, Madické Niang et Macky Sall, se sont adressés aux Sénégalais, à travers leur temps d’antenne de sept minutes. Chacun y est allé de son style pour séduire les électeurs. A travers l’alternance codique (usage français et wolof), ils ont su parler à leurs publics.
– Madické, le dandy
Tiré à quatre épingles, le ton solennel, le miraculé du naufrage libéral, s’est livré à une entreprise de déconstruction de la gestion du président sortant. L’instrumentalisation de la justice, la mal gouvernance, la précarité des femmes, la tragédie des jeunes sans emplois et qui ont transformé le désert du Sahara en cimetière. Sans compter les 500 milles pauvres créés, en sept ans, par le tenant du fauteuil… Tout y passe.
L’alternative qu’il propose comme projet de société est le « Jam ak Khéweul ».
Non verbal : un homme crispé
Nous avons vu un homme crispé, avare en chaleur humaine. Absence de gestuelle. Les mains sous la table, il est loin d’être transparent. Les yeux rivés sur le téléprompteur, le candidat n’est pas dans l’échange. Il lit un texte et le récepteur ne semble pas être pris en compte. Même s’il faut saluer le ciblage dans son discours en parlant expressément des jeunes et des femmes. Le candidat doit rassurer en se montrant bienveillant, décontracté, pour faire corps avec son slogan : Le choix qui rassure.
– Macky Sall, la carapace du « sage »
Le candidat de Benno Bokk Yakaar s’est présenté en tenue traditionnelle, assortie d’un bonnet de la même couleur. Le candidat a adressé ses premiers mots aux guides religieux et a beaucoup insisté sur la paix qui n’est pas, dit-il, un luxe mais une condition pour une vie meilleure. Son éthos fait référence à l’expérience, la maturité et à la lucidité. Un ciblage clair sur les grands électeurs que constituent les guides religieux et les jeunes.
Non verbal : un homme détendu
Nous avons constaté une certaine assurance face au téléprompteur (habitué à cet exercice), une gestuelle plus détendue. Il s’est mis dans la peau du « gagneur » qui appelle au calme, à la sérénité. Mais le fait d’insister sur l’appel à la paix (il l’a fait aussi dans sa version wolof) peut signifier deux choses : soit, il jette la pierre dans le jardin de ses adversaires, pour les diaboliser, tout en se dédouanant d’éventuelles troubles ; soit, cet appel cache une peur (fonctionne comme une fausse sérénité) de perdre le contrôle de la situation.
– El Hadj Issa Sall : l’ethos en bandoulière
En tenue traditionnelle de couleur blanche – comme pour coller à la pureté du PUR, son parti – El Issa Sall a choisi de s’adresser aux Sénégalais par un discours écrit sur du papier. Il s’est efforcé d’être dans l’échange avec les électeurs, en levant la tête et en fixant la camera qui représente le récepteur du discours. Le candidat a parlé de son parcours d’universitaire qui est allé « prendre » le savoir chez les américains. L’informaticien qui a fait incursion dans le champ politique, dit répondre aujourd’hui à l’appel de la patrie. Et sa candidature, fait-il remarquer, est le constat d’échec du système politique. El Issa Sall n’a pas manqué de parler de la restauration des valeurs, avant de s’engager dans la voie de la suppression des fonds spéciaux.
Non verbal : dans la peau du professeur
Le professeur a submergé le candidat qui se croyait, à un moment donné, dans une classe. Au-delà du lexique qui le rappelle : rectangle, axe, El Issa Sall a, dans la version wolof de son discours, apostrophé les électeurs, comme s’il s’adressait à ses étudiants, quant à leurs responsabilités dans la trajectoire que prendra le pays au lendemain du 24 février. Le ton est forcément « dirigiste » et la communication est verticale.
– Idy : L’Ecoute active
Le candidat de la coalition Idy 2019, s’est mis dans la peau de celui qui a parcouru le Sénégal, en tendant une oreille attentive aux préoccupations des populations. Elles ont exprimé, selon lui, le besoin profond de bonne gouvernance. L’écoute lui a aussi permis de mesurer la détresse des femmes et des jeunes. Il a promis, une fois élu, de restaurer la justice que le président sortant, dit-il, instrumentalise à des fins politiques. Tout en œuvrant pour une administration juste et équitable.
Non verbal : les mains inductrices
Idy, qui a enfilé son grand boubou, a été très avare en gestuelle. Dans sa position assise, il n’a pas échappé au piège du téléprompteur qui requiert beaucoup d’attention pour ne pas perdre la trame du discours. Il a utilisé le geste des inducteurs (l’une des mains est scotchée sur la table et se sert de l’autre). Nous avons constaté l’excès de contrôle de soi (matérialisé par la quasi absence de la gestuelle) qui fait que le corps est soumis à une certaine raideur. Il gagnerait à être plus décontracté.
– Sonko : Le rassembleur
Le candidat de la coalition Sonko Président a prôné le rassemblement et l’unité de toutes les filles et tous les fils du Sénégal pour reconstruire un pays mis à genoux, dit-il, par les sept ans de gouvernance de Macky Sall. Il a appelé à une campagne de débat d’idées et non d’invectives. Sonko a ciblé dans son discours les jeunes, les femmes et les personnes du troisième âge. En promettant de revenir très amplement sur son projet de société au cours des vingt jours de campagne. A la fin du discours prononcé essentiellement en wolof, il dira dans la version française de son speech « qu’ils n’attendent pas le changement, mais : « nous sommes le changement ».
Non verbal : le leader de charme
Dans son costume cravate, Sonko présente bien. Sa posture debout, a facilité l’épanouissement d’un corps décontracté. La variation des gestes (doigts en faisceau, le cadre, le pince) est le secret de son charisme.