Le 24 février 2019, nous souhaitons que les sénégalais votent pour le candidat qui a démontré par sa vision souverainiste et le programme qui en découle, qu’il porte les instruments de la rupture que nous souhaitons pour développer notre pays par nous-mêmes en toute responsabilité : «un Sénégal qui prend son destin en main».
Cette rupture, nous la souhaitions libérale et patriotique du fait d’un développement inclusif sous le leadership du capital privé national, des collectivités locales, donc des citoyens et non d’un Etat central développementaliste dans un ensemble sous-régional sans l’exutoire du taux de change de surcroit, qui a été le SYSTÈME. Ce système, auquel les sénégalais sont habitués, a nécessité que notre pays soit géré comme une seule entreprise devant présenter ses projets à des bailleurs ou compter sur le financement/refinancement de la BCEAO puisque n’ayant pas tous les moyens de sa politique. Cet Etat socialisant a fait l’objet de convoitises corruptrices de tous bords puisque ne pouvant pas satisfaire tout le monde dans sa façon de faire y compris ses propres agents. Nous avons défendu l’alternative à ce système dans notre contribution intitulée «SENEXIT: Libéralisme Patriotique ou Socialisme».
Le programme du candidat Ousmane Sonko a évolué de ce point de vue depuis notre critique de son livre Solutions : «Ousmane Sonko et le Socialisme Congénital Sénégalais». Il a dilué le rôle de l’Etat central socialisant dans son programme en optant pour une décentralisation autonomisante assumée. Pour pouvoir faire des choix souverains, il a également fait d’une union économique et monétaire à l’échelle de la CEDEAO, la dernière étape vers une union politique avec les états qui le souhaiteraient.
De ce fait, il est le seul qui nous ait présenté, ensemble, les deux points d’ancrage nécessaires à la matérialisation d’une vision libérale et patriotique qui est l’alternative à ce que nous faisons depuis 60 ans : il s’agit (i) d’une monnaie nationale permettant des politiques commerciale, financière, et économique maitrisées vers le libre-échange continental et international et (ii) d’une décentralisation en pôles régionaux autonomisés et responsabilisés pour leur développement et en concurrence dans un environnement national maitrisé.
De ces instruments de rupture découleront une nécessaire réforme du rôle de l’Etat central et un mandat de discuter de nos relations avec les pays de la sous-région, notamment avec l’autre locomotive de l’UEMOA qu’est la Côte d’Ivoire. Nous aurons ainsi soit une convergence de vues avec la Côte d’Ivoire dont le président vient de réaffirmer sa volonté de laisser le FCFA (effectivement notre monnaie) en l’état, ou prendre notre autonomie monétaire et de change dans le cadre d’une banque centrale moderne, indépendante, et responsabilisée. Nous aurions, de ce fait, la maitrise des voies et moyens de nous intégrer dans une Afrique en construction et ouverte sur le monde. Cette intégration se ferait avec un Etat sénégalais décentralisé qui fournit des services publics de proximité de qualité, et prototype d’une future Afrique fédérale dont nous pourrons faire l’expérimentation avec nos voisins les plus immédiats. Nous pouvons dire d’ores et déjà à l’endroit des spécialistes et des sceptiques, que le cadre macroéconomique actuel du Sénégal lui permet de gérer une transition maitrisée vers un régime de change plus flexible sans difficultés. Ce cadre, qui a également une dette soutenable mais avec une composante devises à surveiller, continuera à accéder aux marchés financiers internationaux et à attirer les non-résidents dans son marché intérieur en monnaie locale en complément à nos capacités budgétaires et financières.
Le président Macky Sall quant à lui, nous propose la continuité dans le schéma de la dépendance monétaire préférée par la Côte d’Ivoire et le capital étranger privé et sous leadership d’états, et la continuité de programmes dont les gaps sont financés par des bailleurs officiels. Ces dépendances seront d’une part, le rôle prépondérant de notre Etat central dans le développement, et d’autre part, le FCFA en l’état et/ou une monnaie CEDEAO à taux de change nécessairement fixe conjuguée à des accords de libre-échange avec l’Union Européenne et au niveau continental. Cette combinaison dans le contexte d’une faible inclusion financière de nos entreprises favorisera le capital étranger pour confiner le capital national à la périphérie de la sous-traitance et notre jeunesse, à former, au salariat. Elle ne responsabilisera pas non plus les collectivités locales dont le destin sera dépendant d’un Etat central déconcentré au plus. Cette option de la continuité ne sera pas celle «d’un Sénégal qui prend son destin en main» jusque dans ses communautés de base. D’une part, nous n’aurons pas l’exutoire d’un taux de change qui nous soit propre pour corriger nos erreurs de choix de soutien à nos entreprises nationales, et d’autre part, elle conférera ce rôle au budget de l’état central, ce qui maintiendrait les collectivités locales et donc les citoyens dépendants. Cette option ne sera pas non plus celle qui nous permettra de bâtir une économie résiliente faite d’un tissu diversifié d’entreprises nationales ne dépendant pas de choix d’entreprises étrangères délocalisées qui sous-traitent. Cette option, enfin, ne nous permettra également pas de nous assurer que la rente provenant de nos ressources naturelles n’alimentera pas des importations de produits que nous aurions pu produire, du fait d’une monnaie potentiellement surévaluée ne reflétant pas en tout temps nos fondamentaux nationaux. Nous avons fait la critique de cette politique de la continuité dans une tribune intitulée «Macky Sall a choisi : Socialisme et Capital Etranger».
A ce sujet, il n’y a en réalité aucun candidat véritablement libéral en course, ni au pouvoir, ni dans l’opposition, et nous ne parlons pas de néolibéraux ou de libéraux sauvages pour reprendre notre Premier ministre. Ceux qui se réclament du libéralisme se disent libéraux sociaux ou d’un libéralisme à visage humain, des socio-démocrates quant-au fond. Le social rattaché à leur libéralisme ne se rapporte pas essentiellement à une volonté de socialiser, par la planification locale, la marche vers une économie de marché performante, mais pour le volet social (éducation, santé, redistribution, etc..) qu’ils jugent devoir ajouter au capitalisme inhérent au libéralisme qui prévoit déjà l’inclusion sociale. Le président de l’internationale libérale le leur a dit. Par ailleurs, leur libéralisme social, lorsqu’ils le justifient comme keynésien par le financement des infrastructures ou la planification de l’appui au secteur privé par un déficit budgétaire, a également été inopérant. Inopérant, car inadapté à notre régime de change fixe qui fait que ce financement nous a systématiquement mené à l’endettement extérieur et à des fuites de devises par les importations. De ce fait, notre classe politique n’est faite, au résultat, que de socio-démocrates ou socio-libéraux dépendant de l’extérieur quelle que soit l’étiquette qu’ils veulent se donner. Leur libéralisme social ou socialisme tout court ne peut être efficace qu’avec l’exutoire du taux de change qui leur a fait défaut pendant 60 ans pour corriger leurs erreurs de choix économiques et pour amortir les chocs extérieurs sans devoir s’endetter en devises. Leur libéralisme proclamé, s’ils l’appliquent, ne peut être opérant qu’avec le capital étranger (privé ou d’Etats) à moins que nous ne changions notre régime monétaire pour nous assurer qu’il soit également patriotique par l’inclusion financière de notre secteur privé et par l’exutoire du taux de change. La BCEAO (sous l’emprise de nos états socialisants) s’apprête à refinancer nos PMEs sans l’exutoire du taux de change. Les tournées de directeurs nationaux de la BCEAO avec des ministres du commerce pour en faire la promotion est la parfaite illustration de ce mariage socialisant qui ne produira pas de résultat pour les nationaux.
De ce point de vue, le président Abdoulaye Wade, père du libéralisme africain, aurait pu avoir boycotté le congrès de l’internationale libérale qui s’était tenu à Dakar en 2018 pour cette raison économique et pour son patriotisme. Il l’avait cependant boycotté pour les libertés politiques de son fils qu’il jugeait bafouées. Le candidat Karim Wade étant définitivement recalé, il se doit de soutenir la jeunesse et la rupture qui correspond à l’appel qu’il avait fait pour un Sénégal qui prendrait son destin en main. Le programme du candidat Ousmane Sonko porte les germes d’une marche responsable vers une Afrique unie et libre avec des fondements solides puisque construits à partir des collectivités locales et non de bailleurs étrangers. Néanmoins, la symbolique de l’appréciation faite par le président Wade sur le candidat Ousmane Sonko est synonyme, à nos yeux, de caution de soutien suffisant par une partie de son électorat pour le libéralisme patriotique que nous souhaitons. Le reste de cet électorat peut se disperser pour être contenu par la participation massive de la jeunesse pour la rupture. A défaut Macky Sall passera au premier tour.
Le contraste que nous venons de faire entre les visions des candidats Macky Sall et Ousmane Sonko nous semble suffisant pour faire un choix le 24 février. Les débats de dépenses budgétaires (éducation, santé, infrastructures de base, et autres réformes etc…) sont des sujets très peu importants du genre de ceux qui sont discutés lors de groupes consultatifs pour quémander des gaps à financer. Ces discussions d’arbitrages budgétaires dans un cadre macroéconomique qui peut être un équilibre sous-optimal ne sont pas si importantes car nous pouvons y avoir un consensus (lu nieup bokk nieup jot thi). De la même manière, l’exhibition de réalisations faites à partir de budgets successifs, mais de toutes les façons insuffisants au vu des besoins, ne mérite pas un débat. Il est plus judicieux de les reconnaitre au gouvernement puisque c’est tout à fait normal et passer aux débats de fond.
Par ailleurs, il n’est également pas très important de se disputer sur des mesures devant permettre au Sénégal d’avoir une offre de production (route, ponts, électricité, formation, capital de start-ups y compris avec la dette et des ressources pétrolières etc…) si la demande (extérieure ou intérieure) pour soutenir cette production est insuffisante ou inadaptée pour une économie résiliente et diversifiée. Il faut aussi maitriser les conditions de la demande pour une production diversifiée et résiliente par des politique monétaire, commerciale, et de change maitrisées. A défaut, nous allons gaspiller nos ressources pétrolières à venir en les donnant à un Etat central développementaliste qui va les investir dans des secteurs qui vont satisfaire une demande rentière et détruire notre économie. Notre manne pétrolière ne doit pas être utilisée pour financer un capitalisme d’état. La clé d’une économie performante est essentiellement dans l’éducation, la santé, et les infrastructures certes, mais surtout un environnement favorable à l’investissement privé national et étranger libre auquel l’état peut participer.
Chers compatriotes. Notre pays est parmi les 25 pays les plus pauvres du monde et nous avons un indice de développement humain des plus faibles. La continuité n’est pas une option pour nous. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de perdre le temps que nous avons déjà perdu ces 60 dernières années quand nos concurrents se développaient et vont continuer à s’améliorer. L’avenir c’est effectivement maintenant et nous devons accélérer notre rythme de rattrapage par la RUPTURE et non par des ressources naturelles seulement. L’élection du 24 Février 2019 devrait donc être un REFERENDUM pour la jeunesse, le secteur privé national, les collectivités locales, bref le Sénégal. Il faut donc donner au candidat Ousmane Sonko un mandat de porter les instruments de la rupture au premier et/ou au deuxième tour pour «un Sénégal qui prend son destin en main» pour découvrir ce qu’est ce destin avec courage et foi.