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Sonko, MalgrÉ Tout !

Sonko, MalgrÉ Tout !

Macky Sall est un beau gâchis. Il a été notre premier président né après les indépendances. Il vient d’un milieu démuni. Il a été en butte à l’arbitraire de Wade et a réussi à le détrôner. Il est relativement jeune. Il aurait pu – il aurait dû – être le meilleur président que le Sénégal ait jamais connu. Celui qui redresserait notre pays, reconstruirait notre pacte social en assurant l’équité. Celui qui, parce qu’il est un produit de l’école publique, veillerait à ce que nul enfant de ce pays ne se promène en haillons sur nos routes à mendier quand les enfants des plus nantis sont en classe. Malheureusement, il n’en a rien été. Venu à un moment historique où il aurait pu mettre à la retraite tous les vieux politiciens qui, depuis 40 ans ont systématiquement dévoyé notre patrimoine, il a choisi de s’entourer des plus roués d’entre eux. Il a maintenu en vie le système que les sénégalais avaient clairement rejeté en l’élisant. Il a manqué à sa parole sur la réduction de son mandat. Il a bâclé les procès qu’exigeait le peuple et a « dealé » avec Karim Wade pour le laisser quitter le pays. Il a instrumentalisé la justice pour enfermer un autre opposant qui aurait pu lui faire de l’ombre. Il a élevé la corruption en mode de gouvernement, protégeant ostensiblement ceux des siens qui avaient été épinglés par les organes de contrôles étatiques. Il a normalisé les conflits d’intérêts en confiant à des membres de sa famille des postes dans lesquels ils contrôlent des ressources étatiques extrêmement importantes et pour lesquels ils sont loin d’être les plus compétents.

Alors que durant sa campagne électorale il s’était affiché en protecteur de la laïcité, il a gouverné en s’aplatissant devant les religieux leur montrant ostensiblement qu’il était prêt à partager les ressources de l’État avec eux, à condition qu’ils le soutiennent. Il a par ailleurs systématiquement calomnié ses propres fonctionnaires qui servent loyalement le pays pour des salaires souvent très bas. Il a enfin renforcé la tutelle de la France sur le Sénégal, donnant aux entreprises françaises des contrats faramineux et les payant rubis sur ongle là où le privé national est exsangue parce que l’État ne lui paie l’argent qu’il lui doit qu’au compte goutte. D’un point de vue égoïste, Macky Sall m’a été bénéfique, nous les universitaires avons eu une augmentation de salaire sous son règne. Sur le plan de l’intérêt de l’Université sénégalaise, il est catastrophique. Nos étudiants ont vu leurs droits d’inscription multipliés par dix pour un service toujours aussi mauvais. Les créations de postes sont anecdotiques, les universités qui devaient être construites pour faire face à l’augmentation démographique ne l’ont pas été. On a créé une Université Virtuelle du Sénégal pour y parquer des milliers d’étudiants à qui on donne des diplômes sans vraiment les former.

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En toute conscience, je ne puis voter pour Macky Sall. Je ne puis non plus voter, ni pour Idrissa Seck, ni pour Madické Niang. L’un et l’autre sont sortis de la même matrice que Macky Sall. Ce sont des enfants de Maitre Abdoulaye Wade. Ils ont tété le lait de la corruption et de l’affairisme. Je serai bien embêté si l’un d’eux se retrouvait au second tour face à Macky Sall mais pour l’instant, le problème ne se pose pas.

Il nous reste alors deux candidats, Issa Sall et Ousmane Sonko.

J’avoue que ce que j’ai lu du programme de Issa Sall ne me convainc pas mais ce n’est pas là l’essentiel. Le parti de Issa Sall est directement issu d’un mouvement religieux. Je suis pour un État laïc et équidistant des confessions. Ce sera difficile, voire impossible avec lui. Je ne vais donc pas voter pour lui.

Ne reste plus qu’Ousmane Sonko. Contrairement à beaucoup, je ne suis pas aveuglément séduit par Sonko. J’avais déjà trouvé ses premières attaques contre Macky Sall, président de la République, déplacées venant d’un fonctionnaire soumis à un devoir de réserve. Il a été viré de l’Administration d’une manière que je juge illégale. Sonko aurait pu être notre Obama : un président jeune, intelligent et maitrisant les nouveaux médias. Je pense qu’il a le défaut des énarques sénégalais : de gens devenus aisés trop tôt dans un pays pauvres et qui ne valorise pas le débat contradictoire. Du coup, ils ont tendance à ne pas avoir une très grande ouverture d’esprit. Malgré tout, Sonko Président secouerait le système sclérosé qui tue ce pays. Avec lui, une nouvelle génération, qui n’a pas été formaté dans les partis politiques arriverait aux affaires. Ce seront majoritairement des fonctionnaires ayant le sens de l’État. C’est exactement ce qu’il nous faut. Depuis 2000, Wade et sa descendance ont détruit la seule chose qui tenait ce pays debout : la méritocratie républicaine construite par Senghor et qui faisait que les postes étaient occupés par des personnes ayant des qualifications fussent-elles minimales. Depuis Wade, il est devenu concevable de nommer n’importe qui à n’importe quel poste de responsabilité. Avec Sonko, ce ne sera probablement plus possible parce qu’il est porté par une génération qui aspire à la normalisation sur ce plan là. La classe politique sénégalaise ne s’y est pas trompée. Elle a généralement évité de soutenir Sonko, se rabattant sur Idrissa Seck quand elle ne pouvait composer avec Macky Sall. Sonko est donc l’alternative. Il fera ce que Macky Sall aurait du faire : éliminer cette vieille garde parasite qui a mis le pays à genoux et qui continue de le sucer. Nous sommes un pays où 42% de la population a moins de 15 ans mais où un président de plus de 50 ans s’entoure de vieillards de plus de 65ans et se dispute avec son prédécesseur de plus de 80 ans. Il est temps que ça cesse. Ces reliques du passé doivent partir pour qu’une alternance générationnelle survienne. L’on peut critiquer Sonko sur beaucoup de points. Il est cependant clair qu’il a appartenu à l’une des administrations les plus corrompues de ce pays et qu’il n’a apparemment jamais franchi la ligne jaune. Macky Sall n’aurait pas, une seule seconde, hésité à le mettre en prison s’il avait eu vent de la moindre transaction douteuse. Il a un programme qui met les intérêts du Sénégal en premier. C’est malheureusement proprement révolutionnaire. Il aura contre lui beaucoup de lobbys ; des marabouts aux industriels en passant par la France et les fonctionnaires corrompus qui veulent que tout continue comme avant. Ce sera difficile. Il fera des erreurs. Il n’en demeure pas moins que le pays ne peut faire l’économie de cette phase difficile si nous voulons construire notre propre voie vers le développement. Tout est à reconstruire. Il nous faut une rupture nette et un leadership nouveau pour ce faire.

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L’une des choses qui me rassure paradoxalement, c’est que je suis loin d’être d’accord avec tout ce que propose Sonko. Il est probable que le lendemain de son élection, je commencerai à le critiquer. C’est sain et important dans une démocratie. Je crois d’ailleurs que s’il était élu, beaucoup de gens de sa génération le critiqueraient sur un point ou un autre. Cela assurerait l’émergence d’une nouvelle classe politique focalisée sur les programmes plutôt que sur les personnes et ce serait bon pour le pays. A contrario, j’ai bien peur que si nous réélisons Macky Sall, nous glissions doucement vers une dictature extrêmement corrompue. Tous ceux qui l’ont rejoint durant cette campagne recevront leur part de la manne pétrolière. Les autres seront impitoyablement réprimés par un président qui, dès son premier mandat, nous a montré qu’il n’a aucun respect pour la justice et les formes de l’État de droit. Nous sommes déjà la risée de l’Afrique avec nos opposants emprisonnés. Dimanche, nous avons le choix entre essayer de construire un avenir vivable pour notre pays ou continuer notre dégringolade vers la dictature. Je vais essayer de construire notre avenir en votant Sonko plutôt que de maintenir un statu quo délétère.

PS: Mon soutien n’a jamais été déterminant pour aucune élection mais j’aime bien ne pas me donner la possibilité de modifier rétrospectivement mes souvenirs sur ce que je pensais à un moment donné.







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