L’éditorialiste de SenePlus Serigne Saliou Guèye a pris prétexte de ma publication sur ma page Facebook, en prolongation de débats antérieures, longs et instructifs avec Adama Gaye sur le même réseau pour inviter à un débat sur ce qu’il appelle «l’identitarisme ». Je me vois donc obligé de publier, en y apportant de légers aménagements, le post en question puisque le débat est ouvert désormais au grand public. Ce qui était mon vœu au départ car je disais :
« Le journaliste Adama Gaye anime sur les réseaux sociaux un débat dont le thème central est « l’ethnicisation », supposée ou réelle du régime du président Macky Sall. Ce sujet est grave. Sérieux. Il mérite d’être exploré, très rapidement, afin de déterminer la véracité des thèses avancées et de prendre la pleine mesure du danger, s’il en est, pour le juguler définitivement.
J’ai débattu avec Adama Gaye sur sa page Facebook. Je viens de recevoir via Whatsapp un texte non signé mais dont il est vraisemblablement l’auteur. Sur sa page Facebook, je l’ai invité à un débat, au besoin public, sur cette question d’une sensibilité telle qu’il ne faut pas laisser l’abcès sans le crever, le drainer et cicatriser au plus vite la plaie. J’y reste disposé, à sa convenance.
Parce que je suis Hal pulaar. Je suis pourtant dans une opposition totale à la politique menée par le président Macky Sall. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. La ligne ethnique, dans ce pays, n’a jamais été la frontière déterminante pour les adhésions politiques. Je qualifierai plutôt d’adhésion affective l’engagement des populations derrière un leader du terroir. Les cas sont nombreux où l’on pourrait faire la démonstration d’engagements affectifs multiethniques… En raison du métissage très avancé du peuple sénégalais, soudé dans sa large majorité par l’islam, consolidé par des confréries soufies trans-ethniques. Il s’y ajoute, le mécanisme de la parenté à plaisanterie qui est une sorte de lubrifiant interethnique qui bâtit des passerelles et établit des fraternités inaltérables. Cette parenté établit des ponts même entre religions différentes. Quelques unes de mes meilleures relations sociales sont fondées, avec des sérères catholiques, sur ce socle.
Dans ce contexte, j’ai estimé, et je m’en suis fais l’écho sur la page Facebook d’Adama Gaye que cette question, posée par un intellectuel de sa trempe, ne devrait plus faire l’objet d’une omerta. La voix d’Adama Gaye porte. Elle mérite un écho. Tant que les questions ethniques faisaient l’objet de railleries populaires, somme toute inoffensives, on pouvait considérer que rien de méchant ne pouvait en découler. Mais, et à l’allure où vont les choses, et depuis l’accession du président Macky Sall au pouvoir, certains semblent décompter les patronymes à consonance Hal pulaar qui accèdent à des postes de responsabilités pour s’en émouvoir. Pourtant, du Président Senghor au Président Wade, tous les chefs d’État sénégalais ont eu dans leur entourage le plus proche, ainsi qu’ au Gouvernement, plusieurs Hal pulaar, mais pas seulement. Mais je ne crois pas que l’élément déterminant de leur choix fut l’appartenance ethnique. D’autant plus qu’au fil du temps, les mariages interethniques aidant, il sera bien difficile dans le Sénégal de 2019 de déterminer la « poularitude » par un simple patronyme. Tenez Adama Gaye, il y a des Halpulaar Gaye. Je ne citerai que feu Amadou Malick Gaye fondateur du Centre de Bopp. Des Hal pulaar Ngom, le plus célèbre par les temps qui courent étant le député griot du président. Des Halpulaar Ndiaye, Diop, Mbaye, Wade et que sais-je encore. Inversement, des noms à consonance pulaar sont portés par des personnes qui ne parlent plus pulaar depuis des générations en raison de métissages multiples. La Nation sénégalaise n’est pas une vue de l’esprit même si elle reste fragile.
Le Sénégal est différent et j’assume de le dire.
Par contre, j’ai invité Adama Gaye et ceux qui pensent, comme lui, que le président Macky Sall aurait un projet politique ethno-centré, de mener des enquêtes sérieuses et documentées, si ce n’est déjà fait, afin de l’établir. Si ce projet existe, il devra être combattu au plan politique. De manière vigoureuse et sans aucune compromission car, il serait porteur d’un grand danger pour le pays. Et je connais plusieurs Halpulaar bon teint qui s’engageraient sur ce front. A défaut, il va falloir mobiliser toutes les énergies positives de notre pays pour contenir le venin qui se distille, insidieusement, dans le corps de notre Nation et qui pourrait être fatal à nos enfants et à leurs descendances.
Aucune adversité interpersonnelle ne vaut que l’on regarde, sans réagir, la flamme se rapprocher de la mèche… »
Tel était le texte de mon post sur ma page Facebook. Sur ces entrefaites, Serigne Saliou Guèye saisit la balle au rebond pour confirmer l’existence d’un malaise diffus qu’il appartient à tous les citoyens responsables de dissiper dans les délais les plus brefs. Que des termes de référence d’un débat scientifique et rationnel sur ce qui semble poser problème, c’est-à-dire les nominations ethno-partisanes soient établis et que des instruments de mesure contradictoires permettent de faire la part des choses entre ce qui relève de la réalité ou simplement de perceptions déformantes.
Nous devons anticiper sur tout ce qui peut remettre en cause des équilibres construits à travers des millénaires et mettre hors d’état de nuire tous les pécheurs en eaux troubles. C’est le seul sens de mon incursion dans ce débat.