Au 30 avril 2019, après 828 jours passés à la Maison Blanche, Donald Trump, président des Etats-Unis d’Amérique, 72 ans, milliardaire, sain de corps (pour l’esprit certains émettent des doutes), a proféré très exactement 10.111 mensonges. Il n’a cessé d’améliorer ses performances, passant d’une moyenne de 6 mensonges quotidiens au début de son mandat, à 22 par jour dans les premiers mois de 2019, dimanche et jours fériés compris. Son pays qui pouvait se vanter d’être la première puissance industrielle, commerciale, scientifique, culturelle et militaire du monde peut désormais ajouter un autre titre à son palmarès : celui d’avoir le président le plus menteur de la planète et sans doute de l’histoire. Le Washington Post a décerné à Donald Trump le brevet de Menteur en Chef !
C’est peut-être une obsession chez moi mais j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi ce qu’on appelle « Communauté internationale », et qui se réduit en réalité à une dizaine de nations, est si peu prompt à réprimer les erreurs et bavures commises dans les pays du Nord alors qu’elle sanctionne très sévèrement celles dont les auteurs sont au Sud. Aucun chef d’Etat d’Europe ou d’Amérique du Nord n’accepterait de signer un traité, d’entretenir une amitié sincère avec un président africain qui renie tous les engagements souscrits par son pays, au mépris du droit international, sur la base d’arguments cousus de fil blanc et que la science, la logique, le bon sens réfutent. Pourtant, malgré ses mensonges et ses palinodies, Donald Trump échappe aux critiques de ses pairs et ne fait l’objet d’aucun ostracisme !
Des mensonges calibrés et itératifs !
Ses mensonges ont été propagés par tweets, discours et annonces officielles, dans des meetings et des réceptions et le recensement cité plus haut ne prend pas en compte ceux qui ont été tenus dans l’intimité de sa chambre à coucher ou au téléphone avec ses enfants ou ses collaborateurs privés tenus au secret. Ils ne résultent pas d’une estimation grossière, approximative, comme celle que l’on fait à vue de nez pour évaluer la richesse d’un gisement de pétrole. Ils ne sont pas le fruit des élucubrations d’amuseurs publics, de chansonniers ou d’humoristes, de journaux spécialisés dans la caricature ou l’outrance. Ils ont été répertoriés, enregistrés, classés par des experts en fake- news de médias sérieux et fiables disposant de moyens d’investigation conséquents. L’une de leurs sources est le New-York Time, sans doute le quotidien le plus influent et le plus prestigieux du monde, qui a investi plusieurs millions de dollars pour se doter d’une antenne créée ex nihilo à Washington et consacrée exclusivement à l’écoute des propos du président. Son rival, le Washington Post, qui est pour ainsi dire dans la fosse au lion, tient une véritable base de données des mensonges et affirmations inexactes du locataire de la Maison Blanche, classés selon leur gravité et selon les sujets abordés. Les examens cliniques établis par ces journaux et par d’autres observateurs nous enseignent qu’ils sont « calibrés », avec un pic en période électorale et une moindre fréquence en période de mer calme. Ils sont souvent itératifs et comportent de nombreux « doublons ».Ainsi et à titre d’exemples, Trump a répété 160 fois que la construction d’un mûr entre les Etats-Unis et le Mexique avait déjà commencé, ce qui reste faux, et 143 fois qu’il était à l’origine de la plus grande réduction d’impôts de l’histoire de son pays, ce qui est également inexact ! Il lui est même arrivé de remplacer un mensonge par un autre mensonge et c’est ainsi qu’après avoir prétendu, il y a quelques années, que son père était d’origine suédoise-(bon sang ne saurait mentir, il reprenait tout simplement une contrevérité que celui-ci avait lui-même propagée à une époque où l’Allemagne était montrée du doigt)- il a affirmé récemment, avec la même assurance et la même mauvaise foi, que son père était Allemand, né en Allemagne dans « un endroit( !) formidable ».
Le champ lexical de Donald Trump est d’une affreuse pauvreté !
On aurait pu traiter tous ces mensonges à la légère, malgré le statut de leur auteur, s’ils n’étaient que le résultat de son ignorance. Après tout, « L’Amérique d’abord ! » c’est surtout « L’Amérique seulement ! » et dans le parti de M. Trump beaucoup se vantent de n’être jamais sortis des Etats-Unis, de ne rien connaitre du reste du monde ni de tout ce qui n’est pas leur spécialité. Ronald Reagan ne savait pas très bien où se trouvait la Jamaïque et il n’est donc pas étonnant que Donald Trump ne sache rien de l’Afrique. Lorsqu’il affirme que les sons des éoliennes provoquent le cancer, il ment, mais il est sans doute de bonne foi.
On peut aussi se contenter de sourire des mensonges qu’il commet par fatuité, car il reste fondamentalement un fanfaron. Comme lorsqu’il prétend qu’il est le premier président américain à avoir relevé la solde des GI qui servent en Irak, alors que celle-ci est systématiquement augmentée chaque année, ou lorsqu’il surévalue sa fortune de plusieurs milliards de dollars, alors que l’habitude des hommes d’affaires est plutôt de sous évaluer leur patrimoine, pour limiter les frais d’impôts par exemple.
Toutes ces affabulations sont rémissibles car, comme le dit un proverbe de chez nous, « si le mensonge fait le déjeuner il ne fera pas le dîner », et ceux que commet M. Trump par vantardise ou par bêtise ne feront jamais long feu.
Une parole démonétisée !
D’autres mensonges pourraient, hélas, avoir des conséquences tragiques. Les guerres naissent souvent de malentendus ou de travestissements de la vérité et les blagues de Donald Trump, qui ne se fie qu’à son intuition et ne fait pas confiance à ses services de renseignements qui sont pourtant les meilleurs du monde, pourraient devenir des erreurs tragiques. Il s’était déjà fait remarquer, il n’y a pas longtemps, en prétendant, à tort, que DAESH était anéanti et qu’on pouvait rappeler toutes les forces qui étaient à sa poursuite, demain son alignement sur les positions les plus extrémistes d’Israël, qui rêve d’un embrasement du monde arabe, pourrait l’amener à propager des mensonges qui mettraient tout simplement en cause la paix dans le monde…
En espérant qu’une telle catastrophe ne se réaliserait pas, on peut dire que le mal est déjà fait dans son pays et que le regard que les Américains portent sur le premier d’entre eux en est tout bouleversé. Il n’y a guère longtemps ils avaient contraint à la démission l’ancien président Richard Nixon et le fondement de leur reproche était qu’il leur avait menti. C‘était encore un mensonge qui, quelques années plus tard, avait conduit du Capitole à la Roche Tarpéienne un autre de leurs présidents, Bill Clinton. Que Trump, dont les mensonges ont fait perdre des centaines de milliers de dollars à une entreprise qui avait parié sur son intégrité, soit ou ne soit pas passible de parjure pour complicité avec la Russie, il a d’ores et déjà perdu toute crédibilité aux yeux de ses concitoyens. Désormais moins de trois américains sur dix croient à ses déclarations, mais le plus grave c’est que la parole même de la première personnalité du pays est affaiblie, c’est que le message présidentiel s’est banalisé. En vérité, dit un observateur, le chef de la plus grande puissance mondiale est devenu un personnage de série de télévision : avec lui désormais la légende l’emporte sur la vérité !