Les révélations jusque là factuellement non démenties de la BBC par le principal concerné encore moins par les autorités sénégalaises seraient-elles en passe de s’incruster dans le marbre du système isolé de mal gouvernance ? Les sorties médiatiques intempestives qui s’enchaînent après le tremblement de terre provoqué par le plus célèbre et le plus puissant des média publics de Sa Gracieuse Majesté ressemblent plus à un mouvement de panique généralisé qu’à une volonté saine de découvrir ce qu’il s’est vraiment passé dans l’underground de cet «Etat profond » dont les agissements nous échappent à une période charnière de transition politique et démocratique au Sénégal.
Piqué par on ne sait quelle mouche prise au piège d’une marée d’hydrocarbures, le ministre de la Justice, Me Malick Sall, convoque pêle-mêle des éléments émotifs et des attaches religieuses pour disculper M. Aliou Sall, tout juste « revenu des Lieux saints de l’islam ». Puis, il voit dans les éléments exposés par la BBC une affaire d’ordre privé, sans doute entre un homme d’affaires et des « compagnies » de secteur pétro-gazier.
Après avoir pris part à la prière de la Korité, le président Macky Sall mélange les genres, entre l’aspect privé de l’affaire, les mesures de l’Etat pour une gouvernance transparente de ressources pas encore exploitées, des projets de « forces déstabilisatrices basées » au Sénégal et à l’étranger, sans écarter de saisir la justice s’il y a lieu.
Le même jour, c’est la porte-parole du gouvernement, Ndèye Tické Ndiaye, qui est envoyée à la fournaise pour lire des lignes de texte qui n’ont pas semblé lui dire grand-chose. Il ne serait pas étonnant qu’elle se soit interrogée en sourdine : « Qu’ai-je à foutre dans cette galère qui me dépasse et dans laquelle je ne pige rien ? » Dans la foulée, le gouvernement fait distribuer un « Mémorandum » au contenu réchauffé mais qui a le don de confirmer, en la rappelant, la faute originelle du président de la République signant avec date et cachet le décret qui fait entrer le loup Timis dans la bergerie du offshore national.
Cette hystérie collective portée par des éléments de langage incompréhensibles et déconnectés du cœur des révélations de la BBC aura permis néanmoins de recentrer les éléments essentiels devant constituer le vrai débat que requiert cette affaire.
Pourquoi Macky Sall, le 19 juin 2012, décide-t-il d’ignorer les recommandations pertinentes de l’Inspection générale d’Etat (IGE) par rapport à des risques potentiels en signant des documents pour des aventuriers économiques ?
Pourquoi Aliou Sall est-il le seul homme d’affaires sénégalais à avoir l’opportunité de profiter de blocs d’hydrocarbures appartenant à la collectivité nationale ? Sur quelles bases Aly Ngouille, alors ministre de l’Energie et des Mines a-t-il établi le rapport de présentation qui a précédé la signature du décret présidentiel livrant le bloc Cayar Offshore Profond à Petrotim Limited ?
Au nom de quels intérêts le président de la République refuse-t-il catégoriquement de rendre public le rapport de l’IGE concernant ce dossier ? A quoi rime cette obstination dans le refus de favoriser la transparence ?
Si cette affaire est vraiment d’ordre privé, comme l’ont affirmé le chef de l’Etat et son ministre de la Justice, pourquoi ne lâche-t-on pas la bride aux services judiciaires compétents pour en connaître afin que le Sénégal passe à autre chose ?