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Mon Adieu à Tanor

Mon Adieu  à Tanor

J’ai toujours été subjugué, je l’avoue, par la singulière densité des propos de l’ancien Président français, François Mitterrand, après avoir visité à l’époque, le service des soins palliatifs d’un hôpital parisien : «La mort peut faire qu’un être devienne ce qu’il était appelé à devenir, elle peut être au plein sens du mot, un accomplissement, Et n’y a-t-il pas en l’homme une part d’éternité, quelque chose que la mort met au monde, fait naitre ailleurs.» Telle m’apparait en raccourci l’image que le destin de Ousmane Tanor Dieng pourrait suggérer à la postérité. N’y a-t-il pas d’ailleurs quelques frustrations à ne parvenir à être pleinement soi-même, transfiguré qu’en étant soumis à l’épreuve de la mort ?

Comme beaucoup d’autres, j’ai connu Tanor.

Chacun de ceux qui ont eu à faire un bout de chemin avec lui dans les différentes séquences de  sa carrière professionnelle ou personnelle, est dépositaire d’une part de vérité, de souvenirs et de témoignages divers. C’est dans les années 1991 qu’il m’a accueilli au sein du Cabinet du Président Diouf, en qualité de Conseiller spécial chargé de la communication. J’y étais en équipe avec les ambassadeurs Babacar Carlos Mbaye, Conseiller diplomatique, et M. Bruno Diatta, Chef du Protocole, le Chef du Cabinet présidentiel Talla Cissé, les ambassadeurs Conseillers diplomatiques Amadou Diop et Cheikh Niang, sans oublier Marie-Louise Faye du service du Protocole et Amadou Gaye, Conseiller en communication, qui fut mon adjoint. J’ai le souvenir d’un homme qui se flattait à juste raison de sa double appartenance à ce socle de valeurs rurales clairement assumées et l’exigence d’une rationalité constante dans le traitement des affaires de l’Etat, à partir des notions-clés que sont la méthode et l’organisation théorisées par celui qui demeure son inspirateur et son référent idéologique et politique, Léopold Sédar Senghor.

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Nul n’ignore les liens spéciaux qui l’unissaient au Président Diouf, son mentor, auprès de qui il apprit beaucoup.

Les charges écrasantes qui furent les siennes ont pu laisser subsister des malentendus sur la perception qu’on pouvait avoir du personnage.

Son austérité apparente et le port parfois rectiligne de l’homme semblaient lui être dictés par sa volonté de faire barrière symboliquement à tout ce qui pouvait porter atteinte à la sacralité de l’Etat. Je l’ai vu faire montre de calme et de maitrise à des moments de tourmente et de crises sociales d’ampleur, sans jamais céder à des facilités primesautières. Je l’ai vu faire preuve du même courage face aux infortunes de la vie politique, des blessures et des souffrances qu’elle inflige. Dans ce champ clos traversé de passions folles au rituel si étrange, siège de tant de vanités, toutes les possibilités sont ouvertes, y compris celles, tour à tour, d’avoir raison, ou d’être faillible et de se tromper. Lui qui, à l’origine, rêvait d’une carrière à l’international, qui sans doute aurait été prestigieuse, a découvert que la politique était un engagement exigeant avec sa part de noblesse et ses ambiguïtés, ses réussites et ses échecs. Je l’imagine garder ce même courage tranquille face à la maladie, jusque dans ses derniers instants de vie. D’où lui venait cette faculté d’être à la fois un et multiple, ce don d’entretenir une histoire personnelle, avec des individualités aussi diverses, qu’elles soient riches ou pauvres, connues ou anonymes, partageant avec chacune une part de jardin intime.

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Cet homme qui était à la fois secret et chaleureux, peu enclin à se confier, avait plusieurs religions : fidélité à soi-même et aux autres, fidélité au passé sans être passéiste, culte de la discrétion et de l’humilité, défense de ses convictions dans le respect de celles des autres. Témoigner de ce qu’on sait et le dire en ces mots, nous met à l’abri de toute volonté de panthéonisation.

Manifestement, la seule explication de cette force intérieure chez cet homme, part du lien entre la foi et la sérénité qu’elle induit. Tout est là. Cette vie qui s’est éteinte nous administre la preuve que malgré tout, le bien reste l’ultime horizon désirable.

«Ce que demandent nos morts, ce n’est pas  de les plaindre, mais de les continuer. Ce qu’ils attendent de nous, ce n’est pas un sanglot, mais un élan.» Cet enseignement de Pierre Brossolette vaut pour nous tous.

Cheikh Tidiane DIEYE

Ancien Conseiller spécial

chargé de la communication du Président Diouf

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