Chaque année entre les 8 et 13 du mois du lunaire de Dhou al-hija,
douzième mois de l’année musulmane a lieu le grand pèlerinage à La
Mecque. Celui-ci constitue le cinquième pilier de l’islam et il est
recommandé à tout musulman de l’accomplir au moins une fois dans sa
vie, du moins si ses moyens financiers et sa santé lui permettent.
Les pèlerins convergent alors en grand nombre vers ce lieu saint, autour
de cinq millions, dont un peu plus de dix mille Sénégalais pour expier et
obtenir la rémission de leurs péchés. Pour de nombreux pèlerins, la
route vers La Mecque reste le voyage spirituel d'une vie. Il est d’ailleurs
choquant de voir certains « pèlerins » postés des selfies sur les réseaux
sociaux. La religion n’est pas affaire de publicité.
La Mecque, n’a pas non plus, échappé à la politique. Des élus
politiques, des ministres et des chefs d’entreprise achètent des
centaines, des milliers de billets d’avion pour que leurs relations, leurs
amis, leurs électeurs puissent accomplir le Hadjj. Ce n’est pas
acceptable certaines autorités détournent des fonds publics pour des
motifs religieux.
L’islam recommande que « l’emploi de l’argent consacré aux frais de
voyage et d’hébergement à La Mecque soit licite » autrement dit il
appartient à chaque musulman de prélever sur ses propres économies
les fonds nécessaires pour payer son déplacement et son séjour à La
Mecque. Ce n’est qu’au prix de cet effort que l’accomplissement du
pèlerinage est encouragé et admis par le coran.
Il va de soi que lorsque ces responsables politiques quittent leur
fonction, les bénéficiaires de leurs largesses voient soudainement se
tarir la source financière qui les alimentait jusque-là. Il n’est pas question
en effet pour ces éminentes personnalités de puiser dans leur cagnotte
personnelle. Qui n’a pas remarqué un ancien ministre ou directeur de
société limogé, continuer d’offrir des billets d’avion pour le pèlerinage.
A leurs yeux l’aide qu’elles apportent n’a de sens qu’en ponctionnant les
caisses du Trésor public, autrement dit l’argent du contribuable
sénégalais. Au-delà de son aspect illégal ce « don » a surtout un objectif
électoraliste pour les intéressés qui espèrent obtenir le jour du scrutin
« un juste retour » sur leur investissement. Illégale, cette pratique est
donc aussi immorale car c’est bien de fausse générosité dont il s’agit.
Un tel travestissement du sens de la piété est d’autant plus remarquable
que le dogme islamique ne fait de ce 5 e et dernier pilier de la foi qu’une
obligation relative, nullement absolue, puisque le pèlerinage n’est
exigible du musulman qu’en fonction de ses possibilités.
Je demande donc que cesse ce genre de pratique scandaleuse qui
souille les valeurs de l’Islam dans un moment si important dans la vie
religieuse et spirituelle des croyants.
Ibrahima Thiam
Président du mouvement « Un Autre Avenir »
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