L’envie de parler et de spéculer s’empare de l’opposition. Elle fait feu de tout bois pour exister par le verbe. Sans la verve toutefois. Du moins pour le moment. Et pour cause ! Les sujets liés au pétrole, au gaz et maintenant au fer sont étalés à l’envi dans un déchaînement de passions. Les médias, frappés d’inhibition, se font l’écho de ces vociférations à travers un discours culpabilisant. A longueur de semaines, ils s’époumonent. Mais pas de mouvement d’opinion en vue dans ce magma de dénonciations. Une certaine naïveté politique persiste dans les rangs de l’opposition abonnée aux proclamations définitives.
Les ressources susmentionnées font l’objet d’une troublante attention sur fond de suspicions, de soupçons, d’écran de fumée, les uns et les autres brandissant comme des trophées de guerre, contrats, mémorandum d’entente, convention bilatérale ou accord entre des parties. Le deal est rageusement dénoncé lorsque, « preuve à l’appui », il est exhibé sous le crépitement des flashes avec une intention inavouée de s’attribuer un mérite à travers l’acte de révélation.
A force d’user et d’abuser de ce procédé, la démarche perd en acuité. Le propos s’édulcore. La portée du message faiblit en amplitude. Et l’opinion, lassée de cet inlassable exercice, se détourne. Elle s’ennuie même. Admirez en revanche le silence observé sur le monde rural, l’agriculture et les paysans ! Ceux-ci retrouvent le sourire avec les pluies diluviennes qui tombent à une vaste échelle du pays. Si les averses leur ôtent du souci, une préoccupation demeure cependant : la période de soudure se prolonge à mesure que recule le cycle de l’hivernage qui devient de plus en plus court.
Cette renversante situation a un nom : changement climatique. Par conséquent, elle nécessite une adaptation compte tenu du caractère inéluctable du dérèglement et des périls qu’il induit, notamment les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère. Or, le réchauffement modifie les équilibres naturels (vents, pluies, acidité des océans, températures, biodiversité). Les océans grimpent et le cycle de l’eau se modifie à son tour provoquant des évènements climatiques encore plus sévères.
Dans son rôle de veille et de prévision, l’ANACIM annonce que le mois de septembre sera très pluvieux. Elle n’exclut pas de ses anticipations, des records de pluviométrie qui pour l’heure, rassurent ou inquiètent. Il y a plus d’une décennie voire deux, la saison des pluies s’installait dès le mois de juin coïncidant avec les vacances scolaires et même, universitaires. Les campagnes s’animaient avec le retour des « bras valides » venus redonner de la vitalité au secteur agricole le temps d’une joyeuse période de travaux champêtres.
Le charme inépuisable de l’agriculture sénégalaise réside dans le relief des paysages assez peu connus parce que mal répertoriés pour donner de la profondeur aux potentialités qu’ils recèlent. La richesse virtuelle des hydrocarbures décoiffe l’intérêt pour l’agriculture malgré son réel poids dans l’économie réelle, à savoir la formation du Produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 17 %. L’univers agricole touche 70 % de la population totale. Electoralement parlant, il s’agit d’un avantage indéniable que Macky Sall a su travailler durablement pour cerner les intentions de vote. A l’arrivée, une victoire nette qui s’est très tôt dessinée dans les campagnes.
Le débat politique entretenu aujourd’hui par des acteurs très peu sensibles au sort du monde rural, occulte la dimension du secteur primaire qui est un levier de croissance et de puissance alimentaire. Plus personne n’ignore le facteur attractif de l’agro-industrie dans les régions productrices des deltas et des vallées attenant aux lits des principaux fleuves Sénégal et Gambie ainsi que le fleuve Casamance.
Pourquoi alors ce silence ou ce détournement d’intérêt ? Est-il possible de prôner la justice, de défendre une vision égalitaire de la société et d’ignorer superbement la question paysanne ? Les positions politiques sont une chose tandis que les problématiques sociétales en sont une autre. En indexant leur curiosité sur l’importance du Pétrole et du gaz (et aujourd’hui le fer) au détriment du monde agricole, certains opposants déclinent implicitement leur propre conception de la société que trahissent des fluctuations de leurs positions politiques. Ils se détachent de la société, donc du peuple dès lors qu’ils ne revendiquent pas de racines rurales. Le simple discours accusateur ne suffit plus pour inverser en leur faveur la courbe des opinions.
Les contempteurs en question observent-ils les transformations en cours dans le secteur agricole ? Voient-ils la vertigineuse extension des superficies emblavées comme une panacée ou une menace ? La conquête des terres neuves s’accentue au point de ressembler à un Far Est avec pour conséquence majeure une réduction drastique du patrimoine forestier.
Rien pour le moment ne vient détrôner l’arachide qui colonise progressivement les terres du Boundou, du Niani Ouli, de Malem Hodar et bientôt du pourtour du Kédougou. Cette lente progression des cultures spéculatives entraîne une oligarchisation de vastes domaines fonciers. Dans le Balantacounda par exemple, le danger est perceptible car les populations, dans leur écrasante majorité, ont renoncé à cultiver l’arachide pour privilégier désormais la patate douce. Arguments avancés par les concernés : intrants de plus en plus chers pour la légumineuse alors que le tubercule s’écoule plus facilement sur les marchés et procure de substantiels revenus aux cultivateurs. Autrement dit l’arachide n’y est plus désirée.
Et si cette fronde faisait tâche d’huile ? La souffrance collective est le lot des paysans. De plus en plus, des plages de concertations s’offrent à eux pour évaluer leurs forces et jauger les rapports de force fondés sur un bon jugement des hommes et des situations. « Ils voient l’arbre et la forêt », dit d’eux un bon connaisseur de l’agriculture qui apprécie par ailleurs la justesse de leurs vues et la richesse de leurs contacts humains. En toute simplicité, ils ont un vrai attachement à la terre.
Le bon sens a de l’avenir. Les politiques l’ont-ils ?