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Le Bon Grain Et L’ivraie

Le Bon Grain Et L’ivraie

Il y a une différence fondamentale entre :

Boubacar Boris Diop qui a lu les livres de Cheikh Anta Diop et se réfère aux textes et arguments de l’auteur, publiés et universellement connus.

Souleymane Bachir Diagne qui manifestement n’a effectué qu’une lecture diagonale et bâclée de quelques-uns de ces textes, à la recherche de « défauts de la cuirasse », faisant de lui le plus récent des béliers pour attaquer le savant Cheikh Anta Diop.

C’est une nouvelle occasion de constater une différence irréductible entre :

– des africains, comme Boubacar Boris Diop, qui ont une vision saine et optimiste de l’histoire de l’Afrique et de son devenir, éclairés par l’oeuvre scientifique de Cheikh Anta Diop et par ses propositions pour un futur État Fédéral d’Afrique Noire,

– d’autres africains qui se délectent de leurs diplômes acquis dans les grandes écoles et universités de l’Occident, assortis parfois d’une mention « très honorable avec félicitations du Jury ». Nous attendons encore que ces derniers proposent quelque chose de consistant à l’Afrique.

Car c’est au pied du mur que l’on voit le maçon. Souleymane Bachir Diagne pense que c’est facile de traduire des textes scientifiques en Wolof. Eh bien, qu’il s’y essaye, comme l’a fait Cheikh Anta Diop !

Rien n’empêche le philosophe médiatique, professeur à l’Université Columbia, de traduire en Wolof « La République » de Platon. Il peut aussi – pourquoi pas ? – écrire dans notre langue ses propres textes consacrés à la logique formelle ou à la philosophie musulmane. S’il ne le fait pas, on lui rétorquera : la critique est aisée mais l’art est difficile !

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Rappelons que Pathé Diagne, éminent linguiste sénégalais, et par ailleurs parent proche de Souleymane Bachir Diagne, a écrit un ouvrage sur la grammaire du Wolof moderne et un autre qui est une traduction intégrale du Coran en Wolof.

La question du choix des langues est primordiale. Allons-nous continuer, pour l’éternité, à utiliser les langues européennes pour nous exprimer et nous administrer, sans jamais pouvoir élever notre propre génie créateur ?

L’Afrique serait alors le seul continent à croire que ses peuples n’ont pas inventé des langues capables de porter la pensée humaine ! Cheikh Anta Diop a démontré le contraire. Boubacar Boris Diop, après avoir obtenu de grands prix littéraires pour ses livres écrits en Français, qui ne peuvent pas être lus par la majorité de ses concitoyens, s’est résolu à écrire en Wolof. De même, Ousmane Sembène avait vite compris que ses films devaient parler en Wolof et non en Français, s’il voulait être compris de son peuple.

C’est ici le moment de rappeler que Léopold Senghor a combattu, avec acharnement, Cheikh Anta Diop et Ousmane Sembène. Il est même allé jusqu’à interdire le journal « Siggi » du premier et le film « Ceddo » du second, sous le prétexte fallacieux et ridicule que ces deux titres étaient mal orthographiés.

Senghor prétendait qu’il fallait écrire « Sigi » et « Cedo ». Tous les linguistes lui ont fait remarquer que Cheikh Anta Diop et Ousmane Sembène avaient parfaitement raison d’utiliser les bonnes consonnes géminées « gg » et « dd ». Senghor a prouvé une première chose dans sa mésaventure orthographique : on peut être agrégé en grammaire française et nul en Wolof.

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La seconde chose qu’il a exhibée, c’est le motif réel de son acharnement contre nos deux grands hommes : Senghor est un partisan indéracinable de la francophonie et n’a jamais cru que les langues africaines pouvaient exprimer le génie créateur de nos peuples. Voilà la vérité toute nue.

Souleymane Bachir Diagne ne peut pas nier qu’il est un senghorien pur sucre. Il lui a, du reste, consacré deux livres :

– Léopold Sédar Senghor : l’art africain comme philosophie,

– Bergson post-colonial : l’élan vital dans la pensée de Léopold Sédar Senghor et de Mohamed Iqbal.

Mais Souleymane Bachir Diagne se grandirait en évitant les basses attaques contre Cheikh Anta Diop. On attend des arguments sérieux, répondant aux écrits réels de Cheikh Anta Diop. Il ne fait aucun doute que ce dernier est déjà entré dans l’Histoire, par la hauteur de sa pensée.

La thèse sur l’origine monocentrique et africaine de l’humanité, qu’il a défendue, de concert avec un tout petit nombre d’autres scientifiques, s’est imposée désormais, étant validée par de nouvelles découvertes archéologiques et par les études génétiques sur les peuples du monde entier. Ses propositions pour l’Afrique s’imposeront aussi, de toute évidence, après les échecs enregistrés par les États du continent depuis 60 ans. Alors, pour attaquer Cheikh Anta Diop, il faut être bien pourvu.

Grégoire Biyogo est écrivain, égyptologue et écrivain gabonais







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