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Dakar, D’émile à Macky

Dakar, D’émile à Macky

Combien de Sénégalais se souviennent-ils d’Émile Pinet-Laprade ? Combien savent-ils que ce colonel français du génie est officiellement le fondateur de leur capitale ?

Nous sommes en 1858 lorsque cet ancien gouverneur élabore un premier plan cadastral de Dakar, avant de lancer les travaux de construction du phare des Mamelles, puis du port. Dix ans plus tôt, la presqu’île du Cap-Vert n’était encore qu’un coin de brousse parsemé de quelques cases. Les villes importantes du pays étaient alors Saint-Louis, au Nord, qui deviendra la capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) en 1895, Rufisque, florissante grâce au commerce de l’arachide, et Gorée, confetti insulaire situé au large de Dakar.

De ville nouvelle à mégalopole surpeuplée

Ironie du sort : lorsque les familles mulâtres de Gorée, elles aussi versées dans le commerce de l’arachide, s’y sentirent trop à l’étroit, elles réclamèrent d’aménager Dakar à la façon d’une annexe : une ville nouvelle surgie de la brousse et des dunes. « Dakar est toujours très calme, il est même triste. Peu de maisons, peu d’habitants, peu de commerces et pas d’industrie », écrivait un administrateur colonial en 1878.

Pourtant, l’essor de la presqu’île va rapidement donner le tournis. En 1887, Ndakaru (son nom wolof) n’abrite encore que 8 700 personnes. En 1909, ils sont 25 000. En 1960, les voilà 300 000. Et en 2000, ce qui est devenu entre-temps l’agglomération dakaroise totalise 2,2 millions d’habitants. Ils sont aujourd’hui 3,6 millions.

En une quinzaine de décennies, ce losange de terre exigu, encadré par l’Atlantique, est devenu une mégapole surpeuplée où la boulimie immobilière s’est infiltrée dans la moindre parcelle de terrain disponible et où un afflux ininterrompu de migrants intérieurs aggrave chaque jour le cancer urbain dont Dakar est affligé.

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Aujourd’hui, comme par un jeu de poupées russes, c’est donc la presqu’île asphyxiée qui a besoin, à son tour, de se trouver un exutoire. L’ambition est ancienne, mais c’est Macky Sall qui, tout juste élu, a donné en 2014 le premier coup de pioche à ce projet visant à faire surgir de terre, à Diamniadio et au lac Rose, deux pôles urbains destinés à désengorger la capitale. Si le second est encore virtuel, la construction du premier avance à vitesse grand V.

Grand-œuvre consensuel

Une fois n’est pas coutume : dans un pays habitué aux joutes épiques entre l’opposition et la majorité, le grand-œuvre apparaît consensuel. Même si le coût du train express régional (TER) est controversé – 656 milliards de F CFA, soit environ 1 milliard d’euros, pour le premier tronçon de 36 km –, les responsables politiques de tous bords semblent globalement s’accommoder de l’ambition présidentielle.

Dans le milieu des urbanistes, certaines voix pointent toutefois quelques inquiétudes. Les unes s’étonnent de la rentabilité trop faible des investissements à Diamniadio pour les promoteurs privés, craignant que ce constat paralyse une partie des programmes immobiliers au cœur du projet. D’autres déplorent l’installation de ces deux vastes chantiers dans la région de Dakar, au risque de perpétuer l’extrême concentration des infrastructures et de l’activité économique dans cette zone géographique étroite, au détriment du reste du pays.

Mais, surtout, les observateurs s’interrogent sur la recette – présumée magique – qui permettra à Macky Sall d’éviter de reproduire les manquements du passé, lesquels ont suscité à Dakar un chaos urbain, qui, malgré les bonnes intentions affichées, ne cesse de s’amplifier.

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Mehdi Ba est rédacteur en chef du site internet de J.A. Anciennement correspondant à Dakar, il continue de couvrir l’actualité sénégalaise et ouest-africaine (Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau, Mali), et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.

 







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