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Senghor Et Seex Anta Joob

Senghor Et Seex Anta Joob

Deux figures contrastées de la scène politique et intellectuelle qui ont marqué le paysage du Sénégal et au-delà, Senghor et Seex Anta Joob.

17 années séparent la naissance de ces deux grands hommes Senghor 1906 Seex anta Joob 1923 le premier naquit à Joal petite ville sur la côte atlantique l’autre à Thieytou, Diourbel en plein cœur du Sénégal profond en pleine colonisation.

Par-delà leur démarche intellectuelle et leur opposition politique, ils avaient un dénominateur commun : leur intérêt pour l’éducation, la culture et la civilisation (civilisation ou barbarie, civilisation de l’universel, métissage, condition négre).

D’ailleurs, leurs critiques marxistes ne s’y sont pas trompés les taxèrent de » culturalistes » à cause de l’importance qu’ils accordaient à la culture.

Les observateurs se sont plus focalisés sur leur antagonisme politique et philosophique que sur le souci de défense et d’illustration de la civilisation négre.

C’est bien sous le magistère de Senghor qu’il a été sacré avec Web Dubois comme intellectuel qui a le plus influencé la pensée négre durant le 1er festival mondial des arts négres tenu à Dakar en 1966.

Ils ont tous les deux une grande admiration de la civilisation allemande, Senghor envers les romantiques comme Goethe et l‘historien Léon Frobenius, Seex pour l’histoire de l’unité allemande. L’embléme du dernier parti qu’il avait créé était l’aigle déployant ses ailes l’oiseau qui tutoie le ciel comme celui du drapeau allemand.

Ils ont tous deux publié des articles dans la revue « Présence africaine » et participé aux congrès des hommes de culture (écrivains et artistes) du monde noir. L’un parle de négritude l’autre de renaissance africaine. Le mot nègre (non pas noir) auparavant chargé négativement est utilisé par Seex comme par hasard dans son livre « Nations nègres et culture », tout un programme. L’auteur Lylian Kesteloot dans son livre « Les écrivains de la négritude » a classé Senghor et seex Anta joob comme des écrivains de la négritude bien que ce dernier se soit démarqué de ce courant littéraire bien qu’il ait eu une grande sympathie pour Aimé Césaire qui parraina son livre phare.

On peut à travers leurs héros décrypter leurs personnalités Senghor : les mansa de l’empire du Mali, Chaka le fondateur de l’empire zoulou et les guelowar du Sine quant à Seex anta joob :  les candaces reines de Nubie, Samory Touré le résistant à l’expansion coloniale dans l’Afrique de l’Ouest et Jomo Kenyatta le chef de la révolte mau mau au Kenya contre l’occupation anglaise et Seex Amadou Bamba expression de la résistance passive non violente.

Pour Senghor, la colonisation est un mal nécessaire et une ouverture alors que selon Seex, la colonisation est une parenthèse par rapport à l’histoire millénaire de l‘Afrique et l’illustration de sa grandeur se trouve en Egypte Kmet.

Les mots ont un sens et celui-ci est chargé nègre négativement par ceux qui hiérarchisent les races et Senghor utilise le mot nègre puis qu’il appartient au mouvement de la négritude plus que le mot noir anthologie de la nouvelle poésie négre, l’apport de la poésie nègre, esthétique négro-africaine, il y a une négritude, de la négritude, négritude et humanisme.

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En 2006, l’écrivain Boubacar Boris Diop a écrit un article intitulé  « Le Sénégal entre Senghor et Seex Anta Joob » et essaie de les réconcilier après la mort de ces deux géants de la pensée africaine.

Senghor agrégé de grammaire a pu exercer son métier de professeur de grec et latin dans un lycée français à Tours et à l’école nationale de la France d’outre-mer ENFOM qui formait les administrateurs des colonies.

Seex Anta Diop quant à lui professeur vacataire de lycée à Paris, enseignait la physique en France, docteur ès lettres option histoire avec une mention honorable qui ne pouvait lui permettre d’enseigner dans une université française en l’occurrence celle de Dakar, il se contenta du poste de chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire IFAN et chef du laboratoire carbone 14.  Ce n’est qu’en presque fin de carrière en 1981 qu’il fut nommé professeur associé à la faculté de lettres et de sciences humaines après la sénégalisation de l’université.

Senghor n’avait pas la même approche historique de la notion de « civilisation », il avait une admiration sans borne à la civilisation grécoromaine et méditerranéene quant à Cheikh Anta Diop, la mère des civilisations est l’Egypte kmet institutrice de la Grèce dans la voie du progrès humain, mère des sciences et des arts.

En tant que linguiste, il partagea la même opinion que Homburger sur la parenté des langues dravidiennes le tamoul avec les langues négro-africaines du Sénégal wolof, sérère et pular.

Dans une formulation lapidaire, Senghor affirma que « l’émotion est nègre et la raison est hellène », ce que Seex ne pouvait admettre car la raison apparut en terre africaine l’Egypte Kmet et se répandit sur la Grèce. La raison était égyptienne avant d’être hellène.

En tant qu’historien et physicien, Seex ne croyait pas à une essence nègre mais à une évolution de l’homme dans des conditions particulières, l’Egypte, kmet dans son environnement naturel le Nil. Tout peuple placé dans les mêmes conditions aurait produit une si prestigieuse civilisation, il n’y a ni miracle égyptien ni miracle grec terme abondamment utilisé par les occidentaux.

Selon Seex, l’aspect historique de la culture n’est pas mis en exergue par le mouvement de la négritude. Il ne croit pas aux facultés psychiques spécifiques à une race, que l’émotion soit d’essence nègre.

Sur le plan des idées, à propos de l’utilisation d’une langue étrangère par les poètes africains, il cite dans son livre « Parenté génétique de l’égyptien ancien et les langues négro-africaines » éd. NEA « un poète génial « et » nègre de haute intellectualité »  Senghor pas nommément, une exception, car la poésie dans une langue étrangère est vouée à l’échec car incapable de prendre en compte l’environnement naturel. Comment traduire un chêne en wolof par exemple ?

Sur le plan personnel et social, Senghor à l’époque se plaignait auprès de son ministre de l’Education nationale M. Assane Seck du sort de Seex sur le plan salarial et de Léonard Sainville directeur du centre de recherche et de documentation de St Louis CRDS qu’il considérait comme des militants de la négritude. En effet depuis son intégration dans le statut des chercheurs en 1960, Seex n’a pas voulu avancer dans le cadre français de l’université, l’IFAN était sous-direction française.

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Dans ses études sur la civilisation africaine, Senghor s’est appuyé sur l’ethnologie coloniale le RP Tempels la philosophie bantu sur les africanistes, savants européens philosophes Teilhard de Chardin le phénomène humain, Henri Bergson les données immédiates et la conscience et autres ethnologues se spécialisant sur l’Afrique Léon Frobenius la culture ouest africaine, et les administrateurs coloniaux Maurice Delafosse le haut Sénégal Niger et des linguistes comme lillas homburger les peuples et les civilisations de l’Afrique etc.

Seex Anta Diop quant à lui, peut être considéré comme un encyclopédiste du 18ème siècle ayant un regard dans les domaines les plus variés l’égyptologie, la philosophie, la linguistique, l’esthétique, les sciences politiques, l’énergie nucléaire et hétérodoxe ne s’appuyant surtout des auteurs classiques grecs non européocentristes dépourvus de préjugés raciaux  qu’il cite à profusion Diodore de Sicile, Hérodote, Strabon, Pline Tacite et Aristote, sur la tradition historique africaine, l’égyptologue Champollion le jeune,  Marx,  le pan négriste Marcus Garvey, les panafricanistes Edward Blyden et WEB Dubois, l’épistémologue avec le nouvel esprit scientifique Gaston Bachelard, Germaine Dieterlen et Marcel Griaule de Dieu d’eau des Dogons.

Pathé Jaan l’auteur qui a bien vu (et le seul à ma connaissance) les relations intellectuelles qu’il appelle « dialogue intertextuel « comme il l’appelle entre Senghor et Seex .

Le problème culturel en AOF 1937, vue sur l’Afrique noire ou assimilé non être assimilé, défense de l’Afrique noire 1945 versus alerte sur les tropiques 1949, nations négres et culture 1953.

1960 fondements culturels d’un futur état d’Afrique noire 1966 versus les fondements de l’africanité négritude et arabité.

Antériorité des civilisations nègres 1967 versus fondements de l’africanité négritude et arabité 1966.

Fondements de l’africanité négritude et arabité 1966 versus civilisation ou barbarie 1981.

Selon Pathé Jaan dans son livre « La négritude servante de la francophonie » éd. Sankoré Seex Anta Joob sur le plan linguistique s’est appuyé sur Senghor dans son étude sur les langues parue en 1944 journal de la société des africanistes « les classes nominales en wolof et les substantifs à vocation nasale » et « l’article conjonctif en wolof « 1947 journal de la société des africanistes qu’il n’a pu traduire en thèse de doctorat pour des raisons liés à sa pratique politique. Le titre de l’article de Cheikh Anta Diop était en question » étude linguistique ouolove, origine de la langue et de la race valaf paru dans la revue présence africaine 1948.

Un des rares intellectuels qui s’est penché sur ces deux personnages historiques, Senghor ou la négritude servante de la francophonie éd. Sankoré 2002 et Cheikh Anta Diop, l’Afrique dans l’histoire du monde éd. Sankoré l’harmattan 1997 avec une rare objectivité vu les relations qu’il avait avec un de ses personnages.

Une table ronde a été organisée en 2016 par le WARC intitulée  Senghor versus Cheikh Anta à Dakar .

Senghor dans une conférence donnée au Caire lors d’un voyage officiel en Egypte en 1967 intitulée « fondements de l’africanité ou négritude et arabité » éd. dar al kitab allubnani transformée en livre insiste sur le métissage entre sémites (arabes et berbères) et noirs, parle d’unité culturelle élargit à ces deux races berbère et négro-africaine, Seex quant à lui parle dans ses livres » d’unité culturelle de l’Afrique noire » et « fondements culturels d’un futur Etat d’Afrique noire ».

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Dans le cadre de ladite conférence, il partage avec Seex l’apparition du premier  hominidé sur la terre en Afrique en se référant à Teilhard de Chardin, Furon et Moret et ne citant pas Seex Anta Joob.

En 1973, à Addis Abéba lors de la remise du prix Haïlé Sélassié Senghor parle de l’antériorité des civilisations négres dans une conférence et dit textuellement en effet les anciens grecs employaient le mot Ethiopien pour désigner tous les hommes noirs, qu’ils fussent d’Afrique ou d’Asie, qu’ils eussent le nez étroit ou camus, les lèvres épaisses ou minces, les cheveux crépus comme les sénégalais du sud frisés comme les éthiopiens raides comme les dravidiens de l’Inde à juste raison, car les anciens grecs, qui s’y connaissaient, ont quelque mille ans, loué les éthiopiens, c’est-à-dire les NÈgres comme les plus anciens des hommes qui avaient inventé l’écriture la religion, l’art. Je vous renvoie à l’ouvrage du sénégalais Cheikh Anta Diop « nations nÈgres et culture » du négro-américain Edgard Snowden « blacks in antiquity », du camerounais rp Engleberg Mveng qui porte le titre « Les origines grecques de l’histoire négro-africaine », enfin du congolais Théophile Obenga qui porte celui de « l’Afrique dans l’antiquité ». Fin de citation.

En 1977, se tint à Dakar une conférence intitulée l’Afrique noire et le monde méditerranéen qui a vu un débat très vif à travers le journal Le Soleil sur le peuplement de l’Egypte ancienne entre Raoul Lonis professeur de lettres classiques et spécialiste de la Grèce et Seex Anta Joob, et sur les rapports entre la Grèce et l’Egypte. Senghor a joué les médiateurs d’ailleurs. Seex n’y était pas invité.

En 1988 (2 ans après le décès de Seex) dans son livre « Ce que je crois » éd. Grasset, Senghor adopte carrément les idées de Seex et de Théophile Obenga qu’il cite beaucoup d’ailleurs. Les auteurs qu’il cite sont les auteurs de l’histoire générale de l’Afrique UNESCO non plus les ethnologues et autres savants africanistes européens.

Deux parties de l’ouvrage ont attiré mon attention

La préhistoire africaine

De la biologie à la culture africaine

Les points de convergence entre Seex Anta joob :

Origine nègre de l’Egypte ancienne

Apparition des premiers hominidés en Afrique

Parenté de l’égyptien ancien des langues négro-africaines

Origine des sénégalais dans la région des grands lacs.

En définitive, on pourrait poser cette question qui parait saugrenue qui influence qui parmi ces deux personnages historiques ?

Le temps a fait son œuvre il est temps de revisiter leur pensée et d’en faire un bon usage.

En lisant le livre de Senghor ce que je crois « j’entends comme un murmure, la voix de Seex ».







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