En tant que citoyen et observateur, j’ai acquis la conviction que seul un dispositif comme la Cour de répression de l’enrichissement illicite (crei) peut réduire certaines formes de corruption perpétrées par des personnalités occupant des postes stratégiques : des ordonnateurs de budget ou des acteurs jouant un rôle clé dans les procédures de marchés publics.
Ce n’est un secret pour personne qu’ils sont nombreux les agents de l’Etat qui savent frauder proprement, grâce à leur bonne maîtrise du Code des marchés et autres textes et règlements. Ils usent d’astuces diverses, pour se remplir les poches avec des deniers publics, sans se faire prendre. Les auditeurs, inspecteurs et autres vérificateurs lancés à leurs trousses, s’appesantissant surtout sur le respect des procédures, parviennent rarement à déceler les irrégularités qu’ils commettent et finissent d’ailleurs par les féliciter pour la bonne gestion, la tenue correcte des comptes et la conformité des méthodes utilisées.
Ces gens font partie de ceux qui promeuvent la Note de la corruption : dix pour cent que tout soumissionnaire doit être prêt à leur verser pour chaque appel d’offres. En contrepartie, ils s’appuient sur des subtilités pour assurer à ce dernier l’adjudication du marché. Sans vice détectable.
C’est précisément en raison des tours difficiles à déjouer de cette catégorie, que j’approuve l’esprit qui est à la base de la législation sur l’enrichissement illicite. Je laisse aux juristes les détails techniques relatifs au principe de la présomption d’innocence ou encore aux bonnes procédures pour l’établissement de la preuve. Bref, j’adhère à tout ce qui garantit les droits du justiciable, y compris la possibilité de faire appel. En revanche, à partir du moment où, sans pouvoir le prouver, tout le monde sait que les enrichis-à-grande-vitesse sont pour la plupart coupables de malversations, il faut bien trouver des mécanismes susceptibles de démontrer, le cas échéant, que leur opulence est fondée sur des biens mal acquis. Toute personne devrait pouvoir certifier le caractère licite de son patrimoine en facilitant sa traçabilité irréfutable.
Réformer la CREI, d’accord. Mais il faut absolument la maintenir en gardant l’esprit qui a inspiré sa création. A côté des milliards que les différentes formes de corruption font perdre au Sénégal – milliards qui peuvent sauver des vies humaines dans les hôpitaux, assurer l’éducation de nos enfants, etc. – , la CREI est un moindre mal.
Toutefois, il faut souligner que ce plaidoyer pour le maintien d’une CREI réformée présuppose que la juridiction fonctionne normalement et cesse d’être une épée de Damoclès destinée à des adversaires politiques ou à quelques boucs émissaires.
Un tel dispositif, s’il est utilisé de façon équitable, peut être d’autant plus profitable qu’à la différence de l’OFNAC dont le champ d’opération est limité, concerne tous les citoyens.
Dr Diom Wouro BA
L’article La CREI: Archéologie d’une juridiction (Par Diom Wouro Ba) .