Mon cher ami, notre si cher Charles, te voici donc revenu au pays par le chemin des étoiles. Tu fus un grand homme. Un grand monsieur. Un vrai poète, comme on les aime. Tu étais étincelant et toujours inspiré ! Dans cette Cathédrale, en ce jeudi 29 janvier 2020 où nous t’accueillons, nous sommes dans la peine.
Quelle élégance, Charles ! Quelle allure ! Quel charme ! Quelle magie ! Quelle culture ! Tu auras vécu, aimé de tous. Tu étais la poésie même ! Tu étais un pur amour et tu le resteras toujours pour nous.
Tu as beaucoup contribué à cette civilisation de l’Universel et du Métissage dont parlait Senghor. Ce dernier était ton ami. Il t’attend. Tu le retrouveras bientôt en terre de Bel-air et nous savons que les retrouvailles seront belles. Voilà pourquoi nous ne te pleurerons pas. Tu n’as jamais connu les pleurs mais le rire, la joie, la beauté, le partage.
Tu étais un pont Charles, une belle passerelle entre le monde et le Sénégal. Tu portais ce continent comme un phare de lumière et d’espérance. Ta poésie est traversée par ce chant millénaire qui monte du berceau de l’humanité. Tu resteras dans les livres et dans nos cœurs.
A Fabienne et Sarah, tes divines filles, enfants du métissage, nous disons notre affection et notre profonde compassion. A toute ta famille ici réunie, à tous tes amis chrétiens et musulmans, à tous ceux qui, par le cœur, depuis la France, la Belgique, le Luxembourg, le Maroc, le Canada, participent à ce deuil, nous disons notre affection. Tu étais et tu resteras le poète universel, l’homme au rire facile, à la générosité facile.
Le Sénégal, ton pays, te pleure aussi. Tous les poètes, écrivains, artistes et créateurs sont dans le recueillement. Le président de la République comme le ministre en charge de la Culture, présentent à ta famille, à notre famille, leurs condoléances. La ville de Saint-Louis du Sénégal et son Cercle des poètes, je sais, sont aussi sous l’émotion. Tu étais leur idole !
J’étais le fils que tu n’as pas eu. C’est comme tel que tu me regardais, que tu m’aimais, que tu me protégeais. Tu m’as entouré d’une immense tendresse. Tu as porté généreusement mon nom sur toutes les tribunes du monde où tu venais dire la poésie, parler du Sénégal, de Senghor, transmettre nos contes, magnifier nos cultures. Je me rappelle nos séances de travail à Paris avec Senghor qui nous avait demandé de rajeunir son légendaire anthologie de la poésie préfacée par Jean Paul Sartre. J’ai passé une année à la Bibliothèque de France pour lire et trier les noms des poètes africains à y introduire. Je te rejoignais tous les soirs à ton hôtel particulier à Paris pour faire le point. Et puis surprise, Senghor qui nous dit au bout de deux années de travail : « Signez cette nouvelle anthologie de vos noms. C’est votre travail et il est si bien fait ». Tu as fini par l’éditer au Luxembourg où tu étais une belle icône ! Tu étais bon Charles, tu étais beau, très beau, racé et si noble.
L’île de Corée où tu aimais venir te reposer dans ta jolie maison bien fleurie sous les vents de l’Atlantique, sait que tu ne l’abandonneras pas. Nous croyons à la puissance de l’esprit ! Tu étais homme de la mer : Saint-Louis du Sénégal où tu es né il y a 92 ans, Gorée. Lannion, en Bretagne, où tu as fini de dormir du grand sommeil.
Tu as regagné le Sénégal pour y dormir dans cette terre de poésie et de prière ardente. Nous allons te livrer non aux ombres, mais à la lumière, car tu as toujours été du côté de la lumière. Dors en paix et merci pour l’héritage laissé. Nous te chanterons toujours et longtemps, très longtemps. Puissent les générations présentes et futures aller à la rencontre de tes écrits. De ta lumière qui sait si bien éclairer le cœur et le visage. Dors avec le Seigneur près de ton lit de terre de lait !
L’article Hommage funèbre au poète Charles Carrère (Amadou Lamine Sall) .