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Le Franc Cfa Ou Le Chaos ?

Le Franc Cfa Ou Le Chaos ?

D’éminents économistes africains et français ont attiré l’attention sur le franc Cfa avec des éclairages pertinents. Mais bon nombre d’Africains francophones sont sceptiques, résistants au changement, pensant que le franc Cfa est la panacée, et que les pays africains de la zone franc (pazf) sont incapables de prendre en mains leur destinée monétaire. Sans le franc Cfa, ce sera le chaos. Ils sont comme cet esclave dont parlait Cheikh Anta Diop : libéré par son maître, il va jusqu’à la porte, puis revient ; il ne sait pas où aller, il a perdu tout repère, toute idée d’émancipation, pensant que la servitude est sa condition naturelle.

Par conséquent, le devoir d’information et de sensibilisation doit continuer. Commençons par attirer l’attention sur l’historique du franc Cfa, dans ses aspects techniques, mais d’abord dans son côté crapuleux jonché de délits et de crimes, pour voir qui y tenait vraiment et pourquoi.

La face crapuleuse de l’historique du franc Cfa

Deux présidents français pourtant assez différents, le général de Gaulle et Nicolas Sarkozy ont fait du franc Cfa un cactus : qui s’y frotte s’y pique. Comme le montrent les exemples suivants.

Guinée : Faux monnayage contre Sékou Touré

Lorsque Sékou Touré proclame l’indépendance de la Guinée en 1958 et sort de la zone franc en 1960 pour créer le franc guinéen devenu syli, il devient pour de Gaulle l’homme à abattre. Le témoignage nous vient d’un de ses hommes de main pour les affaires africaines, surnommé « ministre de l’Afrique », Maurice Robert, un des piliers de la Françafrique, moins connu que Jacques Foccart dont il est un proche collaborateur. Il est chargé du secteur Afrique du Sdece (Service de documentation extérieure d’espionnage et de contre-espionnage).

En 2004, un an avant sa mort, il libère sa conscience en publiant un ouvrage (Entretiens avec Jacques Arnault) intitulé Maurice Robert, ministre de l’Afrique. Voici ce qu’il écrit sur leurs rapports avec Sékou Touré :

Nous devions déstabiliser Sékou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise du pouvoir par l’opposition… Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l’opération “Persil”, par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie… Cette méthode du faux monnayage est en revanche redoutablement efficace : les billets (fabriqués en France), de très bonne qualité, font tabac à Conakry, où le climat humide détériore la monnaie (guinéenne) imprimée à Prague, et inondent le marché guinéen. Cette phase de l’opération ‘’Persil’’ est un succès, ce qui ne fut pas le cas des autres.

Les ‘’autres cas’’, c’est l’armement et l’entraînement de mercenaires pour faire tomber Sékou Touré, comme l’écrit Maurice Robert, ajoutant que sa liquidation physique avait même été envisagée. Le faux monnayage est un délit contre lequel  la police internationale Interpol a été créée en 1923. De Gaulle s’y est livré pour défendre son franc  Cfa.

Togo : Sylvanus Olympio assassiné

Sylvanus Olympio n’a pas le profil du « président africain ami de la France ». Par ses origines lointaines (Brésil, Nigéria). Par sa formation : diplômé de London School of Economics and Political Science, ancien cadre de la multinationale Unilever. Il est polyglotte : anglais, français, allemand (né à Lomé sous l’occupation allemande).

En mai 1960 il déclare à l’Agence France Presse : « Je vais faire mon possible pour que mon pays se passe de la France». Selon Maurice Robert, à l’Elysée, Olympio est considéré comme plus dangereux que Sékou Touré. Début janvier 1963 il décide de quitter la zone franc pour créer une monnaie togolaise indexée au deutchmark allemand. Le 13 de ce mois il est criblé de balles à 7 h du matin, alors que la radio France Inter a annoncé sa mort une heure plus tôt. Selon le vétéran togolais GoodwinTeteh, il a été tué par des militaires français. L’ambassadeur de France au Togo Henri Mazoyer avait demandé à un légionnaire français Gnassingbé Eyadéma (futur président) d’endosser le crime contre paiement de 300 000 francs, une fortune à l’époque.

Mali : coup d’Etat contre Modibo Keita

Au Mali, le président Modibo Keita quitte la zone franc en 1962 et crée une monnaie nationale. En 1968, il est renversé par un coup d’Etat qui installe au pouvoir un autre ancien légionnaire de l’armée française Moussa Traoré qui fait revenir le Mali dans la zone franc. Modibo Keita meurt en détention en 1977 dans des conditions non élucidées.

Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo enlevé et déporté

A la suite des élections controversées de 2010 en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo au pouvoir se voit refuser les caisses de la BCEAO pour les besoins de son administration. Il décide de quitter la zone franc et de créer une monnaie ivoirienne, ce qui aurait sonné le glas du franc Cfa. Aussitôt le 3 avril 2011, Sarkozy lui envoie son armée pour l’enlever et le déporter aux Pays-Bas (Cour pénale internationale). Il installe au pouvoir A. Ouattara, ancien cadre du FMI, ancien sous-gouverneur puis gouverneur de la BCEAO, intégriste du franc Cfa.

Libye : Khadafi assassiné

Le journaliste américain Sydney Blumenthal est le conseiller technique de Hilary Clinton,  ministre des affaires étrangères (Secretary of State) sous l’administration Obama 2009 – 2013. Il envoie à celle-ci secrètement par courrier électronique privé ‘’email’’ (ce qui est illégal) plus de 3000 mémos. En 2015, la justice américaine découvre l’affaire qui fait scandale (Hilary emailgate). Un de ces mémos du 2 avril 2011 révèle les véritables raisons de l’intervention française en Libye sur ordre de Sarkozy et de l’assassinat de Khadafi le 20 octobre 2011 :

Selon des sources autorisées, Khadafi disposait d’une masse de 143 tonnes d’or et du même montant d’argent équivalent à plus de 7 milliards de dollars qu’il comptait utiliser pour créer une monnaie africaine qui aurait entre autres été une alternative au franc Cfa. C’est lorsque Sarkozy a été informé de ce plan par ses services de renseignement qu’il a déclenché l’attaque en Libye en soutien des rebelles. Il déclare alors que Khadafi est une menace pour la sécurité financière du monde et que la France a décidé d’assumer son rôle devant l’histoire.

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Cette monnaie africaine devait aussi « mettre fin à la tyrannie du dollar, monnaie de compte du pétrole » et c’est Hilary Clinton de mèche avec Sarkozy qui a persuadé Obama d’intervenir aussi en Libye avec le mensonge amplement médiatisé d’action humanitaire contre Khadafi qui allait massacrer son peuple.

Pourquoi diantre cet acharnement de gouvernements français à défendre le franc Cfa jusqu’au crime ? Quel est le mobile du crime ? Et si François Mitterrand avait été mis sur une piste ? Dans un ouvrage de 1957 Présence française et abandon, l’ancien ministre des colonies (1950-51), écrivait : « Sans l’Afrique il n’y aura pas d’Histoire de France au 21ème siècle … Déjà la France sait combien l’Afrique lui est nécessaire » (p. 237).

Dans l’antre du franc Cfa

Pour pénétrer l’antre du franc Cfa, sans risque d’erreur ou de subjectivisme, prenons comme boussole deux ouvrages écrits par des Français ardents défenseurs de la zone franc :  Bernard Vinay, ancien gouverneur de la Banque  des Etats d’Afrique centrale, auteur de Zone franc et coopération monétaire, Ministère de la coopération, 1980 ; Patrick et Sylviane Guillaumont, professeurs d’Economie à l’université de Clermont-Ferrand, consultants des autorités monétaires françaises, auteurs de Zone franc et développement africain, 1984.

Bernard Vinay dit d’emblée que « la zone franc est une organisation unique au monde » (p.3) et qu’elle repose sur trois principes : parité du franc Cfa avec le franc français en libre convertibilité ; centralisation des devises africaines (réserves de change) au Trésor français avec garantie du franc Cfa ; libre circulation des capitaux. Le pivot de la zone franc est la centralisation des devises. C’est pour cela que la zone franc a été créée en 1939 par la France avec toutes ses colonies d’Afrique et d’Indochine pour se constituer un fonds de guerre.

Compte d’opérations et Garantie de la France

Selon B. Vinay « la France s’engage à fournir sur simple demande des francs français avec lesquels les agents économiques des pays partenaires pourront, soit régler leurs achats de biens et services,  soit acquérir sur le marché des changes de Paris toutes les devises dont ils pourraient avoir besoin… »

Que deviennent les devises des pays africains au Trésor français ? :

Les conventions que les banques centrales (de la zone franc) ont passées avec le Trésor français leur font obligation de centraliser toutes leurs ressources de change en francs français dans les ‘’ comptes d’opérations’’ que cet organisme leur a ouverts … La Banque de France devait se porter acheteur de la monnaie dont le cours en francs français risquait en fonction d’un excédent des demandes sur les offres de dépasser la limite haute. Dans ces conditions les opérations de change sur le marché des changes de Paris pouvaient conduire la Banque de France à intervenir et éventuellement à accumuler des ressources de change provenant de cessions par des agents économiques des pays partenaires de la zone franc (p.225).

Cela signifie que les devises africaines au Trésor français sont converties en francs français pour soutenir le cours du franc français au jour le jour, contribuant ainsi, autant que possible, à la stabilité de cette monnaie.

Rappelons qu’en juillet 1944, 44 pays se réunissent à Bretton-Woods aux Etats-Unis pour se pencher sur l’instabilité monétaire. Le FMI et la Banque mondiale sont créés. Une autre mesure prise est la fin de l’étalon-or (émission de monnaie gagée sur l’or). Les Américains dont l’économie n’a pas été affectée par la guerre qui a eu lieu en Europe ont l’économie la plus puissante et peuvent imposer le dollar comme gage de toute émission monétaire. C’est l’avènement du ‘’gold exchange standard’’ (étalon change or) : l’émission du dollar est gagée sur l’or, et l’émission des autres monnaies est gagée sur le dollar jugé aussi bon que l’or (« as good as gold »), à un taux fixe autour d’une marge de fluctuation de plus ou moins 1 pour cent (passé à plus ou moins 2,25 pour cent). Ces monnaies doivent être soutenues sur le marché des changes par des opérations d’achats et de ventes de devises pour rester dans ces limites afin d’éviter la dévaluation.

Pierre Mendès-France représentant français à la réunion de 1944 signe l’accord, mais de Gaulle ne le ratifie qu’un an après, le 26 décembre 1945, après avoir la veille (25 décembre) créé le franc Cfa. Bizarre, non ?

La garantie a-t-elle été effective ?

Suivons B. Vinay : « La garantie est virtuelle aussi longtemps que les instituts d’émission (africains) disposent de réserves (p. 116) … Lorsque les pays de la zone franc disposent de réserves de change, cette garantie est purement nominale puisqu’elle n’est pas mise à contribution » (p.117).

P et S Guillaumont présentent l’évolution des avoirs extérieurs des pays de l’UEMOA (p. 68 – 69) : de 1963 à 1979 ils ont été créditeurs et en progression. Et ils écrivent : « Lorsque le solde est positif, il constitue un gain de devises pour la France (p. 57) ».

Lorsque le solde du compte d’opérations des pays de l’UEMOA devient négatif en 1979, la France s’écarte pour faire passage au FMI qui intervient pour la première fois dans ces pays avec des financements assortis de conditionnalités : les programmes d’ajustement structurel. P et S Guillaumont en rendent ainsi compte : « La conditionnalité du FMI modérait les risques que pouvait faire courir à la France l’automaticité du recours au compte d’opérations » (p. 209).

Quels risques pour la France ? Pour une fois qu’il lui est donnée l’occasion de faire jouer sa garantie, elle se décharge sur le FMI. (C’est la France qui en 1962 avait parrainé l’admission de ses anciennes colonies au FMI). S’il est vrai que les avoirs extérieurs des pazf n’ont jamais atteint 10 pour cent des avoirs extérieurs français, la Banque de France  les utilisait tout de même sur le marché des changes pour soutenir le cours du franc français. Autre mise à contribution des pazf. En 1940, les Allemands occupent Paris, et les autorités françaises pour sauvegarder les lingots d’or de la Banque de France en transfèrent une partie sur l’axe Dakar-Thiès-Kayes.

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Franc Cfa et développement 

L’argument sempiternellement avancé pour le franc Cfa est la stabilité. Quelle stabilité ? Sûrement pas politique, au regard du record détenu de coups d’Etat. Au plan économique, dans l’UEMOA a, 6 pays sur 8 sont classés PMA (pays moins avancés). La stabilité se réduit en fait à l’octroi de crédits au compte-gouttes aux économies africaines, pour soi-disant éviter l’inflation.

Lisons B. Vinay : Les politiques de crédit expansionnistes sont généralement inadaptées dans ces pays. Les structures de production sont insuffisamment diversifiées, et en tout état de cause manquent d’élasticité : elles ne sont pas prêtes à répondre à une croissance rapide de la demande provoquée par le développement du crédit. Un développement rapide du crédit est de ce fait plus enclin sur le plan intérieur à peser sur les prix qu’à générer l’activité (p. 95).

Autrement dit, il faut laisser les pays africains dans le statu quo du sous-développement. Il ajoute : « Les banques centrales de la zone franc ont pendant longtemps fixé des taux d’intérêt parmi les plus bas du monde » (p.98). Une bonne manière d’encourager la fuite de capitaux vers des sites plus rémunérateurs.

Le cheminement avec le franc Cfa a été parsemé d’autres embûches non favorables au développement. Par exemple, les entreprises françaises ont longtemps disposé d’un quasi-monopole sur les importations de produits manufacturés des pazf. Avec l’osmose entre le franc français et le franc Cfa, traiter avec un fournisseur français, c’est comme aller faire ses courses au marché du quartier. Alors que son concurrent allemand peut être plus compétitif en prix et qualité, mais éloigné par les complexités de change monétaire, et aussi la langue.  Les dévaluations du franc français, 8 fois depuis 1948, compte tenu de la parité fixe avec le franc Cfa, ont entraîné des pertes importantes pour les pazf. Surtout au niveau de la dette contractée en d’autres devises. Des milliards de francs sont ainsi partis en fumée.

Il n’est pas étonnant que le franc Cfa n’ait pas contribué au développement des pazf. Les derniers Rapports 2018 et 2019 sur l’Indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement sont accablants. Les 8 pays de l’UEMOA figurent tous dans le peloton de queue, derrière le Cap Vert et la Mauritanie, pays hors zone franc. L’indice de développement humain prend en compte le revenu par tête, mais aussi les indicateurs d’éducation et de santé. Parmi les 12 premiers pays africains figure un seul de la zone franc, le Gabon classé 7ème grâce à son revenu par tête généré par d’importants pétrodollars et une faible population d’un peu plus de 2 millions d’habitants.

Les obstacles au développement des pays africains de la zone franc sont certes nombreux. Mais le franc Cfa en est un. « Le sort de l’homme se joue sur la monnaie », écrivait Jacques Rueff, conseiller monétaire du général de Gaulle, dans L’âge de l’inflation (1963).

Quand la France lâche du lest

L’appartenance à la zone franc autorisait à faire fi de la souveraineté des membres africains. Comme le dit B. Vinay :

Jusqu’en 1973, les gouverneurs généraux des banques centrales étaient désignés par le gouvernement français (p. 126). Après l’africanisation des postes de direction, un accord entre la France et les pays membres stipule que  deux administrateurs désignés par le gouvernement français participent au conseil d’administration de la BCEAO dans les mêmes conditions et avec les mêmes attributions que les administrateurs désignés par les Etats membres  (p.127)…  Il est des circonstances où les décisions des conseils d’administration ne peuvent être prises qu’avec l’appui effectif de la représentation française »  (p. 129).

La sortie de Madagascar et de la Mauritanie en 1973 n’a pas été sans effet sur les mesures de concession partielle de souveraineté qui allaient suivre. Sans doute pour ne pas donner des idées à d’autres. Le premier Africain gouverneur de la BCEAO est nommé en 1974, et en 1977-78 le siège est transféré de Paris à Dakar.

L’année 2019 a été marquée par des attaques sans précédent contre le franc Cfa : manifestations, écrits documentés d’intellectuels africains appuyés par des démocrates français, accusations de responsables politiques italiens contre la France dans sa politique avec les pays africains … La coupe était devenue trop pleine. Ce qui a conduit au projet de remplacer le franc Cfa par l’éco, avec comme principales mesures la fin de la détention des réserves de change de l’UEMOA en France et de la représentation française dans la BCEAO.

Du franc Cfa à l’éco

Le projet éco court-circuite le projet initial de dirigeants africains de la sous-région consistant à procéder en deux étapes : dans un premier temps, au niveau de l’UEMOA remplacer le franc Cfa par une monnaie indépendante, adopter une monnaie commune entre les pays à monnaies autonomes, pour dans un second temps fusionner les deux monnaies dans le cadre de la Cedeao, à l’horizon 2005.

Les pays de la Cedeao hors zone franc ont été pris de court par l’initiative éco. Dans l’immédiat, les pays Uemoa doivent lancer leur expérience de monnaie autonome, quitte à ce que des pays de la Cedeao viennent y adhérer par la suite individuellement.

Pour une monnaie ouest-africaine non-Cfa

Faut-il brûler le palais présidentiel de Dakar parce qu’il a été la résidence des gouverneurs de l’AOF ? Personne n’y pense. Gardons notre BCEAO, expurgée de ses scories coloniales, pour mener notre première expérience de monnaie commune indépendante.

Quid des critères de convergence ?

Les critères de convergence (CDC) sont des normes présentées comme devant être respectées par chacun des pays engagés dans une expérience de monnaie commune : taux d’inflation, taux de déficit budgétaire, taux d’endettement, à ne pas dépasser. Le traité de Maastricht de 1992 instituant l’Union européenne en remplacement de la Communauté économique européenne incorpore les CDC sur conseil de l’économiste canadien Robert Mundell, théoricien de la zone monétaire optimale.

Cependant, au moment de lancer la monnaie commune euro en janvier 2000, la moitié des pays membres ne remplit pas les exigences des CDC. Mais il faut faire vite et on ferme les yeux. La marche de l’euro est par la suite truffée de manipulations et maquillages de statistiques par certains membres pour se conformer aux CDC.

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Il est certes préférable dans une zone monétaire que chaque économie  fonctionne avec une bonne maîtrise de l’inflation, du déficit budgétaire, de l’endettement …, pour éviter de grandes disparités.  Mais il n’y a pas lieu de faire des critères de convergence une obsession, de s’y focaliser au point de bloquer l’avènement de monnaies communes africaines. Depuis les années 1960, l’inflation est devenue le cauchemar des pays occidentaux. La lutte contre l’inflation est ainsi le premier objectif de politique économique dans ces pays développés. Cet objectif, quelle que soit son importance, peut-il constituer la priorité des priorités dans des pays africains qui cherchent à se développer ?

Mythe autour de la convertibilité

Certains Africains se confortent dans la possibilité de pouvoir convertir leurs francs Cfa en d’autres monnaies. Encore que cette convertibilité soit limitée, même entre le franc Cfa d’Afrique de l’Ouest et celui d’Afrique centrale. Il existe actuellement dans le monde 180 monnaies différentes, dont 18 totalement convertibles sans restriction, le reste étant constitué par des monnaies partiellement convertibles et des monnaies non convertibles. Ce sont les gouvernements et leurs banques centrales qui chaque année décident du degré de convertibilité de leurs monnaies, tenus d’en informer le FMI.

Les monnaies classées les plus convertibles (dollar US, euro, franc suisse, livre sterling, yen japonais) sont certes celles de grandes puissances économiques. Mais la monnaie du Kenya, le shilling, est totalement convertible, alors que le réal, monnaie du Brésil émergent, n’est que partiellement convertible. Pourtant le produit intérieur brut du Brésil fait 27 fois celui du Kenya, et le revenu par tête d’habitant 4,5 fois (chiffres 2019). En Chine, il a été décidé que la monnaie le renminbi (unité de compte yuan) ne soit que partiellement convertible.

Ce n’est pas la monnaie qui fait elle-même sa convertibilité. C’est le gouvernement qui en décide. Il n’existe aucun critère unanimement établi pour conférer la convertibilité à une monnaie. On aurait tort de penser que la convertibilité, même limitée, du franc Cfa est un gage de monnaie forte qu’il serait aventureux d’abandonner.

Atouts d’une monnaie UEMOA non-Cfa

Les pays de l’UEMOA sont parfaitement en mesure de battre leur monnaie par la BCEAO sans ingérence de la France. Ce ne sont pas les atouts qui manquent.

(1)Selon le ‘’Rapport sur la politique monétaire de l’UEMOA, BCEAO, juin 2019’’, le montant des réserves de change est de 8 874,5 milliards francs Cfa en mars 2019, soit un taux de couverture de l’émission monétaire de 77,1 pour cent et près de 5 mois d’importations de biens et services. Ce qui est bien suffisant pour émettre une monnaie solide et crédible.

(2)Un facteur important d’une expérience monétaire est l’indépendance de la banque centrale. Une banque centrale commune à un groupe d’Etats est une garantie. Elle ne peut être manipulée par un seul Etat jusqu’à déclencher une spirale inflationniste.

(3)La BCEAO dispose d’une quarantaine d’années d’expérience en sol africain. Les banques centrales des pays africains à monnaies autonomes n’avaient pas une telle expérience en matière de gestion monétaire au moment de s’affranchir de la tutelle monétaire coloniale. Pourtant, par  leurs performances économiques ces pays  n’ont rien à envier aux pazf.

(4)La monnaie commune non-Cfa  ne risque pas d’être perturbée par le voisinage avec les monnaies inconvertibles des pays frontaliers. L’insularité géographique a été un facteur non négligeable de la réussite monétaire du Cap Vert, à la différence de la Guinée-Bissau qui a fini par adopter le franc Cfa.

Le gouverneur de la banque centrale de Mauritanie dans une interview à ‘’La Tribune Afrique’’ en juillet 2018 déclarait : « Nous avons quitté le Franc Cfa et nous ne le regrettons pas ». Il ajoutait que l’inflation y est bien maîtrisée autour de 3 pour cent. Lorsque la Mauritanie crée sa propre monnaie (ouguiya) en 1973, ses avoirs extérieurs au Trésor français ne sont que de 3. 136 millions  francs Cfa, le montant de loin le plus faible des membres de la  BCEAO où le montant total est de 72.192 millions francs Cfa, soit 4 pour cent seulement.

Ce que le Cap Vert et la Mauritanie ont fait individuellement, pourquoi les 8 pays de l’UEMOA ne peuvent pas le faire, et en mieux, avec une banque centrale commune indépendante des Etats et sans tutelle extérieure ? Les citoyens de cette zone monétaire peuvent se rassurer. Il n’y a pas péril en la demeure.

Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Une nouvelle monnaie n’a jamais et nulle part été plébiscitée par les populations. Dans l’Union européenne, les Suédois et les Danois ont par référendum rejeté l’adhésion à l’euro. Pour les Britanniques, il n’était pas question d’abandonner la livre sterling. L’euro a tardé à être accepté et a encore ses détracteurs. Il en sera de même avec la nouvelle monnaie non-Cfa.

L’appréhension des populations à l’égard d’une nouvelle monnaie a surtout prévalu tant que la masse monétaire était constituée pour l’essentiel par la monnaie liquide dite fiduciaire (billets et pièces métalliques). Cette inquiétude peut être dissipée en partie avec l’avènement de la monnaie électronique qui permet les transactions (paiement de factures, envois d’argent, achats sur Internet… etc.) sans contact physique avec des signes monétaires.

Pour plus d’indépendance, la nouvelle monnaie non-Cfa, peu importe le nom à lui donner, devra être indexée à un panier de monnaies et non au seul euro. Cela évitera en tout cas à la nouvelle BCEAO d’être présentée comme la Banque centrale européenne en Afrique de l’Ouest.

NB.  Cfa : Colonies françaises d’Afrique, puis Communauté financière africaine. Cette étude a été limitée à la zone franc Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo).







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