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Lutte Contre Le Covid-19 Au Sénégal: Faut-il Réajuster La Stratégie De Riposte ? (omar Demba Sene)

Lutte Contre Le Covid-19 Au Sénégal: Faut-il Réajuster La Stratégie De Riposte ? (omar Demba Sene)

Le Sénégal, à l’instar de la plupart des pays du monde vit de plein fouet les contrecoups de la pandémie du COVID 19. Après la fermeture largement appréciée des frontières, le Gouvernement s’emploie tant bien que mal  à apporter une réponse efficace à un fléau qui a fini de plomber les paradigmes socio-économiques qui, jusque-là, ont structuré  les règles de fonctionnement de nos sociétés.  

S’il est vrai que les mesures prises dans le cadre de la riposte sanitaire ont presque fait l’unanimité aux yeux de l’opinion, il est tout aussi vrai que la mise en œuvre des orientations du programme de résilience économique et sociale lancé par le chef de l’Etat est sujette à réflexion. Nombreux sont les sénégalais qui s’interrogent sur le bienfondé des mesures d’accompagnement prises en faveur des couches à faible résilience. L’ambition noble et légitime de l’Etat étant de les aider à s’adapter au mieux aux effets du COVID, pourquoi n’a-t-on pas envisagé des schémas plus efficients que ceux en cour d’exécution? 

En effet en s’alignant sur la stratégie de riposte globale de l’Etat, le Ministère en charge  du Développement Communautaire, de l’Equité Sociale et Territoriale a pris l’option de cibler tous les ménages vulnérables à l’échelle du territoire national. Ce choix qui, à mon avis, découle d’une analyse biaisée de la situation risque d’être trop onéreux pour un pays pauvre comme le Sénégal. Certes l’histoire ne se répète pas mais les leçons qu’elle nous a enseignées doivent, si nous sommes doués d’intelligence, inspirer nos décisions actuelles et futures. Alors détrompons-nous et comprenons que ce à quoi nous faisons face, ce n’est ni une bataille de rue, ni un combat de front mais une guerre, une vraie guerre d’usure que nous ne pouvons assurément pas vaincre de sitôt et qui, à coup sûr, va s’inscrire dans la durée. Dès lors admettons en toute responsabilité l’hypothèse que la maladie va perdurer dans nos villes et villages ! A cet effet et vu les maigres ressources dont nous disposons, notre pays serait-il en mesure de supporter des dépenses sociales qui, à moyen voire long terme iront crescendo? Rien n’est moins sûr d’autant plus que le tribut à payer au sortir de cette pandémie sera, à tout point de vue, très lourd et que l’après-covid doit, dores et déjà, être envisagé dans une perspective de redressement économique et social qui, lui aussi, aura un coût sans précédent.  Par conséquent inscrire nos choix dans une posture  plus raisonnée et moins émotionnelle empreinte d’humilité est la meilleure alternative qui s’offre à nous.

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A  ce propos, la priorisation des localités fortement touchées dans le cadre de l’assistance alimentaire en y durcissant les mesures-barrières (mise en quarantaine ou confinement tel que souhaité par des syndicats de la santé) pour une mise en échelle graduelle en fonction de de la situation épidémiologique du moment est une option qui mérite d’être sérieusement adressée. 

Par ailleurs, en optant pour la fourniture de l’aide en nature, l’Etat s’est engagé dans une approche à processus d’exécution à la fois long, complexe et délicat. En plus de la procédure même allégée de la passation de marchés (décret n°202-781 du 18 mars 2020), il devra faire exécuter toute une série d’activités liées à la logistique, au transport, à la manutention et à la distribution. Ce qui suppose la mobilisation d’une main d’œuvre abondante source potentielle de contamination mais aussi et surtout d’une énergie collective qui aurait dû servir à d’autres volets de la riposte. Il s’y ajoute que la standardisation des kits alimentaires, loin de tenir compte de la particularité des uns et des autres, remet en cause le droit des ménages à choisir par eux-mêmes, en toute liberté et en toute connaissance de cause, les produits qu’ils considèrent comme prioritaires. L’absence d’harmonisation aidant, cela va s’en dire que le processus sera en toute évidence parasité par des doublons dans la mesure où certains auront déjà bénéficié d’appui similaire de la part de leur municipalité. Aussi en optant pour l’approche susmentionnée, l’Etat a réduit de fait l’assiette potentielle de ses cibles puisque les frais afférents au transport et à la manutention à l’arrivée auraient pu servir à enrôler des milliers de ménages supplémentaires. Toutes choses qu’on aurait pu éviter si des choix plus judicieux et à plus forts impacts sociaux avaient été opérés. Sous ce rapport le système « cash transfert », utilisé au Sénégal en réponse à la malnutrition et appliqué présentement en Côte d’Ivoire ou même le modèle classique de la billetterie itinérante semble,  à mon avis, mieux adapté au contexte. Au moins il nous aurait permis de gagner en temps, en énergie, en efficience et d’éviter cette polémique regrettable qui a fini de parasiter le formidable élan d’unité et de solidarité auquel notre pays a eu droit à l’entame de la pandémie. 

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Au regard de ce qui précède et notamment de la perspective presque évidente d’un Covid qui perdure, n’y a-t-il pas lieu de poser de manière constructive le débat sur la pertinence de certaines des options prises par nos autorités en ce moment critique de la vie de notre nation? L’adage ayant bien fait de dire « mieux vaut tard que jamais », le temps est peut-être venu pour notre pays de réajuster sa stratégie de riposte. 

Omar Demba Sene

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