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À Bout De Souffle

À Bout De Souffle

Dans la ville de Minneapolis George Floyd est mort en exhalant, avec son dernier souffle, ces mots : «je ne peux pas respirer». Obstruer les voies du souffle vital, empêcher l’acte simple d’inspirer et d’expirer librement cet air qui entoure notre planète et dont nous savons instinctivement nous remplir les poumons dès les premiers moments qui suivent notre naissance, c’est ce que fait le virus du corona, version 2019, qui tient l’humanité sous sa menace. Mais ce n’est pas ce virus-là qui a tué George Floyd : s’il a manqué, dans ses derniers moments, de cet air qui est l’élément même de la vie, c’est parce qu’un autre homme l’a assassiné, le genou planté dans sa nuque, en l’écrasant de tout son poids.

Lorsque les télévisions nous montrent la vidéo qui témoigne du meurtre, elles nous préviennent que nous devons nous préparer à être choqués. Et elles font bien de nous avertir tant la longue agonie de George Floyd est insoutenable ; insoutenable, le râle où l’on entend qu’il appelle sa mère, morte pourtant il y a deux ans, comme pour évoquer celle qui lui transmettait son propre souffle lorsqu’il était encore dans son ventre ; insoutenable ce fait que parmi les quatre policiers entre les mains de qui il est mort, il ne se soit pas trouvé un seul pour demander de reculer devant l’assassinat ; insoutenable enfin le regard du principal meurtrier qui semble penser être accroupi sur un trophée. Ce que la vidéo donne à voir est l’image de ce racisme que l’on dit structurel pour indiquer qu’il manifeste une culture institutionnalisée qui prédispose certains détenteurs de l’autorité à des comportements et des actes racistes.

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Si ceux et celles qui ont la responsabilité de protéger les citoyens et de maintenir l’ordre comprennent cette charge comme la mission et la licence de policer la cité contre certaines catégories de personnes définies par la couleur de leur peau ou les quartiers qu’elles habitent, ils créent et entretiennent ce racisme structurel qui corrode bien des systèmes judiciaires, et pas seulement aux Etats-Unis.

Tant que cette culture n’est pas extirpée la justice ne peut pas être juste : tel est le message des manifestations qui ont lieu dans les grandes villes américaines mais également à Londres, à Berlin, à Toronto, etc. Ceux qui hors des Etats-Unis montrent ainsi leur indignation le font par solidarité certes, mais aussi parce qu’ils vivent la même urgence, sont mus, chez eux, par la même exigence éthique de justice raciale et sociale dans un monde devenu partout plus divers, plus multiculturel, plus multiracial. Nous sommes choqués, il est vrai, de voir les manifestations tourner parfois à l’émeute, à l’affrontement avec la police, aux pillages, imposant ainsi aux autorités locales le recours au couvre-feu. Il est ainsi établi que les foules qui protestent sont infiltrées aussi par des militants d’extrême droite et d’extrême gauche qui y voient l’occasion de créer un chaos propice à l’on ne sait quelle obscure finalité mais aussi par des éléments qui, eux, n’ont d’autre agenda que le pillage.

Mais les violences n’entachent en rien l’image de la saine et généreuse indignation qui réunit des personnes de toutes origines, bien au-delà de celles qui traditionnellement se réclament du mouvement Black Lives Matter. Elles n’entament en rien la puissance de l’exigence éthique, partout brandie par les manifestants : celle de combattre les inégalités et de faire advenir un monde fondé sur l’affirmation de notre commune humanité. C’est ce souffle que porte aujourd’hui le nom de George Floyd. C’est l’air qu’il nous propose de respirer et d’entonner ensemble.

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