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Crise Au Mali, RÉsister À La Tentation Des Recettes Politiques UsÉes

Crise Au Mali, RÉsister À La Tentation Des Recettes Politiques UsÉes

Alors que cinq chefs d’État foulent le sol malien pour renforcer la médiation entreprise par la Cedeao, il n’est pas inutile de rappeler que les compromis politiques hâtifs ont nourri depuis de nombreuses années l’aggravation du fossé entre les citoyens d’une part, les gouvernants et les élus de l’autre. Sans une prise en compte explicite des aspirations des populations de ce vaste pays à un changement visible des pratiques politiques et de la gestion des affaires publiques, aucun gouvernement d’union nationale assorti de quelques correctifs institutionnels circonstanciels ne saurait faire office de solution.

Nous avons collaboré il y a quelques mois à l’organisation d’une série d’ateliers de réflexion sur l’économie politique au Burkina Faso, au Niger et au Mali. Nous avons écouté dans chacun de ces trois pays du Sahel des représentants de partis, d’organisations de la société civile, de mouvements citoyens et d’analystes décrire les pratiques politiques réelles, indissociables des pratiques économiques, sociales et culturelles. Nous avons essayé de dégager de ces échanges une compréhension plus fine des véritables sources du pouvoir politique, des mécanismes d’émergence des leaders, des rapports entre les élus et leurs bases électorales et des implications des pratiques politiques réelles dans le fonctionnement et la gouvernance démocratiques.

Crise de confiance

Le constat des acteurs était unanime au moins sur un point : la crise de confiance entre les populations et ceux qui sont censés les représenter et défendre leurs intérêts est profonde, et dangereuse, dans les trois pays. Avec, certes, des variations dans les manifestations de cette crise d’un pays à l’autre. Au Mali, sur un terreau d’insécurité, avec des violences qui se sont aggravées depuis huit ans, la stabilité politique est aujourd’hui menacée malgré la multiplication des initiatives internationales.

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Ces dernières semaines, le pays a failli basculer dans une insurrection populaire aux conséquences incertaines. Les manifestations massives contre le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta ont dégénéré en destruction de bâtiments publics et en répression violente par des forces de l’ordre, et même par celles a priori destinées à la lutte contre le terrorisme. Bilan : au moins onze morts et une centaine de blessés.

La trêve décidée par le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), la coalition d’opposition, en raison de l’approche de la grande fête musulmane de la Tabaski ne mettra pas fin à la crise actuelle. D’ailleurs, la contestation des résultats des élections législatives, proclamés par une Cour constitutionnelle soupçonnée d’être aux ordres de l’exécutif, n’en a été que le détonateur.

Tirer les leçons du passé

Nous avons tous les deux suivi les soubresauts de l’histoire politique malienne de ces dix dernières années. Il peut être utile d’en tirer des leçons pour ne pas continuer à reproduire les mêmes erreurs. La principale leçon est que la focalisation exclusive sur l’apaisement a mené chaque fois à des compromis politiques qui ne prennent pas ou que très partiellement en compte les souhaits de changement et de refondation exprimés par les populations.

Ce fut le cas après le coup d’État militaire de 2012, qui avait suscité un espoir populaire de changement de la gouvernance, malgré les signaux inquiétants donnés par les figures de ce putsch. L’accord-cadre négocié par la Cedeao, alors pilotée par le président burkinabè Blaise Compaoré – à l’époque déjà contesté dans son propre pays – a mis sous le boisseau les demandes de concertation nationale et privilégié les arrangements de court terme visant une normalisation institutionnelle de façade.

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Au lendemain de l’organisation rapide de l’élection présidentielle de juillet 2013, les « pourparlers inclusifs » qui devaient avoir lieu ont largement cédé la place à un processus dominé par le gouvernement et les chefs des groupes armés, toujours très influents dans le nord du pays. Les tentatives, notamment par l’Union européenne, d’élargir l’interprétation du mot « inclusif » pour prendre en compte l’ensemble des voix indépendantes de la société civile se sont en fait traduites par une invitation à chacune des parties de désigner sa propre société civile…

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