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Babacar, Tu Permets…

Babacar, Tu Permets…

Vendredi 17 juillet 2020, dans le couloir de l’hôpital Principal de Dakar, il est 23h, la porte de la réanimation s’ouvre, les trois infirmières qui t’accompagnent poussent le brancard sur lequel tu es couché, la porte se referme, c’est ma dernière vision de Toi. Trois jours après, le 20 juillet, date de notre seule et ultime communication, tu donnais tes directives pour la Tabaski : tes paroles, tes dernières volontés. Le 26 Juillet 2020, à 21h50, le message est tombé : «ton ami vient de nous quitter». Et le ciel m’est tombé sur la tête. Je n’étais pas prêt. La Plume brisée – le CALAME* parti. L

Dois-je utiliser ton «instrument», ta Plume pour Te parler ? Pour Parler de Toi ? Je n’ai pas ta Plume, tu l’as emportée avec toi ? Je n’ai pas ton «Art d’écrire» J’ai aussi peur de trahir, de te trahir, en me lançant dans cet exercice qui n’est pas le mien. Et puis, Tu n’as jamais aimé qu’on parle de Toi. Mais je vais oser, puisque tu étais plus Plume que Parole, sauf quand cela l’exigeait. Et dans la Parole, tu étais plus au bout de la Parole d’abord, puisque tu étais surtout Ecoute, Ecouter d’abord, avec «comment il faut écouter» de Plutarque. Tu avais l ‘écoute du médecin pour son patient, tu avais l’écoute du prêtre au confessionnal. Peux-tu permettre au chirurgien de prendre une plume au risque de la confondre avec son bistouri ?

Je connais un peu de l’anatomie, la partie visible de l’Humain, observable, alors que Toi tu t’intéressais à la «Meilleure partie de l’homme, son Ame. «L‘Homme cet inconnu» que tu as été, comme effleuré par Alexis Carrel. Tu étais de «Chair et D’Ame» fondamentalement, pour paraphraser Boris Cyrulnick. Ton Esprit et ton Ame avaient dominé ton corps Physique. Ce corps physique est-il réellement parti ? Apparemment oui semble-t-il et définitivement. Tu as sûrement pensé que j’étais habitué à la mort, à force de la côtoyer tous les jours. Non, Je n’étais pas préparé à ton départ définitif. Non, j’ai espéré jusqu’au bout. Et pourtant, de mort nous parlions ce mois-ci, en discutant de projets avec un de nos amis. Et quelqu’une de nous rappeler à la réalité : «Messieurs dit-elle, nous en avons encore au plus pour une dizaine d’années».

Et toi de faire l’addition et de tomber sur le chiffre 80. Et de dire : «mais comment serons-nous à cet âge au mieux des cas ?» Les projections étaient trop optimistes. La mort a tout déjoué et s’est présentée bien avant, subitement, et elle n’a pas fait qu’effleurer. Pourtant elle aurait pu une fois encore et te refaire un petit signe comme avant, juste pour te rappeler qu’elle pouvait être là à tout moment. Non elle a fait du Direct. Et des moitiés qui n’ont jamais été «Parole».

Tes collègues de la presse ont témoigné de l’Homme de Presse et des Médias Je retiens dans cela ton credo : la VERITE, Informer Vrai, Informer Utile Babacar, la Vérité : oui rien que la vérité : le seul credo dans ta profession : «Seule la vérité peut sauver», a dit Sa Sainteté le Dalaï Lama.

Ta vision des médias

Tu avais renoncé à écouter les mensonges des radios, de lire des journaux et revues écrits pour plaire à la multitude des atrophiés mentaux, mais plutôt lire les livres et les journaux techniques, de bons ouvrages de vulgarisation scientifique, des choses qui ont trait à notre vie, à celle de nos enfants et au monde qui nous entoure.

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Parcourir uniquement dans les journaux que des nouvelles qu’il est utile de savoir, lire seulement les articles et les livres des auteurs connus pour leur honnêteté et leur compétence, et de s’instruire des techniques modernes de la propagande afin de pouvoir s’en défendre : résolument non conformiste.

Mais toujours en quête permanente d’une culture intellectuelle, et de nouvelles utiles pour échapper à l’influence délétère du monde actuel. Et surtout en gérant l’inondation des réseaux sociaux . Tu pars au moment où les réseaux sociaux prennent du pouvoir.

Tu pars au moment où l’idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n’a pas plus de chance de survivre que l’idéologie marxiste, n’embrassant plus l’Homme dans sa réalité totale. Tu pars au moment où le pouvoir traditionnel, la pyramide traditionnelle de l’autorité et de la domination se transforme en une organisation plus « horizontale », plus fluide, ressemblant à un organisme vivant en pleine mutation.

La Maison de la Presse va porter ton nom. Heureusement que la société se compose tout autant de morts que de vivants. Et les Grands Morts vivent encore au milieu de nous. Tu peux servir de modèle à la jeunesse, pour une nouvelle presse sénégalaise. Il suffira de vouloir te contempler et t’entendre dans cette maison. Tous sont unanimes sur ton patriotisme, ton panafricanisme, (tu as été dans tous les combats pour la liberté et la démocratie), ton sens de la Justice, ta Loyauté. Nous avons souvent disserté sur « la Politique, la Morale, et la Réussite ». Tu n’as pas été politicien.

Tes collègues, tes amis, ceux qui t’ont connu ou côtoyé ont parlé et continuent de parler, de témoigner, chacun dans « sa partie de vie avec toi », du moins, dans la partie de Toi que tu leur as donnée de ta vie.

Et pourtant, tu n’étais pas divisible, mais entier dans « Tout » ce que tu as vécu : dans l’Amitié, La Générosité, La Discrétion, La Simplicité, La Vérité, La Constance dans tous tes actes , paroles, attitudes, avec une telle facilité, une telle fluidité. Et tel un Surfer sur les vagues, tu as toujours su garder un équilibre dynamique entre les flux. Ta simplicité, sans dégager ton naturel avec les « dits » Petits, Moyens et Grands de ce monde , ( tu n’as jamais adopté cette classification dans tes rapports avec les gens), t’a permis d’être égal à toi-même dans toutes les circonstances.

Elancé, tu savais « t’abaisser » au niveau des plus petits, te fondre dans la masse, parfois te faire oublier. Tu savais aussi te retirer. Je me souviens de certaines de ces retraites, quand tu te réexaminais minutieusement dans le « calme et la dignité », quand tu te « refondais ».

Tu as su « encaisser » de durs coups avec le sourire, sans donner à l’autre le plaisir d’en jouir. Tu as su souvent pardonner. Nous avons lu « Pourquoi pardonner », de Johann Eristoph Arnold. Ton arme fatidique : rendre le bien pour le mal. (Hampathé Ba, « les oiseaux blancs, les oiseaux noirs ») Tu n’aimais pas les suppositions, mais tu savais être sceptique en écoutant.

Tu savais vivre pleinement « le moment présent », à tout instant, le vivre pleinement, « complètement tout à fait », comme disait notre ami commun, Dacougna Preira Di Santender, ce qui te permettait de graver dans ta mémoire, dans les moindres détails, des évènements très anciens – que tu aimais rappeler avec précision, quand nous évoquions des souvenirs.

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Avec tous nos amis de la Cité Universitaire de GueuleTapée, tu as une parcelle de vie, une histoire. Tu as laissé tes marques partout où tu es passé. Babacar plein de tact : lorsqu’une vérité était blessante, tel pour un médicament amer, tu savais l’enrober comme un pharmacien, d’une « couche de gélatine » de gentillesse, d’amabilité, qui permettait d’avaler la « pilule vérité », sans la rejeter.

 Babacar l’humouriste : Tu étais agréable à vivre : on aimait répéter : « cela ne sert à rien de prendre la vie trop au sérieux, de toutes façons on n’en sortira pas vivant ». Babacar : l’Humain : tu t’étais entraîné à voir, à sentir, à observer, à juger.

En somme, à entrer et toujours garder contact avec la réalité. Ta discipline de vie : « se grouper avec ceux qui ont le même idéal de vie que soi ». Tu appliquais ces vers d’or de Pythagore : « ne commets jamais aucune action dont tu puisses avoir honte, ni avec un autre, ni en ton particulier. Et plus que tout, respecte-toi toi-même ». « Pratique la justice en actes et en paroles ». Grand de physique, tu étais pourtant un être sensitif, un sentimental, tu caressais plutôt que tu n’empoignais.

 Ta fidélité en amitié, jusqu’au bout, guidée par ta mémoire des noms des gens, des lieux et des situations vécues. Babacar le Généreux Discret, le Bienfaiteur anonyme, l’Assistant Social : tu sentais le besoin de l’autre et allais au-devant. Tu interpellais des boiteux pour chercher solutions à leurs problèmes.

Ta discrétion sera respectée. Babacar le Régulateur, Le Négociateur des cas difficiles, le Facilitateur, Le Défenseur des opprimés. Tu as lutté contre l’expulsion de certaines personnes, comme le retour de personnes exclues du pays. Ta Religion : a été le Respect des religions, des croyances de Tous. Ta religion : Mouride : le travail, le mérite – Tu as construit ta mosquée dans ta maison. Touba t’a apprécié et t’a réservé un accueil à ta dimension pour ta dernière demeure. Ta religion : se départir des mauvaises habitudes : mentir, calomnier, trahir, corrompre, voler…

Ta Religion : Défenseur d’une République laïque On aimait bien échanger autour du dialogue entre Leonardo Boff, un théologien brésilien, l’un des rénovateurs de la Théologie de la Liberté, et le grand Dalaï Lama sur : « Ta Religion n’a aucune importance » « Dans une discussion à propos de la religion et la liberté dans laquelle Dalaî Lama et moi-même participions, je lui ai demandé, un peu malicieusement lors d’un temps libre, une question qui me semblait très importante : « Sa sainteté, selon vous, quelle et la meilleure religion ? »

Je pensais qu’il dirait le bouddhisme tibétain ou les religions orientales plus vieilles que le christianisme » Dalaï Lama s’est arrêté, m’a souri, et en me regardant droit dans les yeux… ce qui m’a surpris parce que je sentais la malice dans ma question. Il me répondit : « La meilleure des religions est celle qui te rapproche de Dieu. C’est celle qui fait de toi, une meilleure personne ».

Pour sortir d’embarras avec une réponse siremplie de sagesse, j’ai alors demandé : « Qu’est-ce qui nous rend meilleur ?» Il a répondu : « Tout ce qui te remplit de compassion, te rend plus sensible, plus aimable, plus humain, plus responsable, plus respectueux de l’éthique. La religion qui fera ça pour toi, c’est la meilleure religion » J’ai gardé le silence pour un instant. J’étais émerveillé, et j’en suis encore aujourd’hui, en pensant à sa réponse pleine de sagesse et si irréductible : « Mon ami, je ne suis pas intéressé dans ta religion ou si tu es religieux ou pas ; pour moi, ce qui est important c’est la façon dont tu agis avec les autres, ta famille, les collègues de travail, ta communauté, et devant tout le monde. Rappelle toi que l’univers est l’écho de nos actions et de nos pensées ».

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La loi de l’action et réaction n’est pas exclusive à la physique. Il s’agit de nos relations humaines. Si j’agis avec bonté, je recevrai de la bonté. Si j’agis avec méchanceté, je recevrai de la méchanceté ». Ce que nos grands parents nous ont dit est la pure vérité. Tu recevras toujours ce que tu souhaites aux autres. Etre heureux n’est pas une affaire de destin, c’est une affaire d’options ou de choix. » Finalement il a dit : * «Prends soins de tes pensées parce qu’elles deviendront des MOTS, * Prends soin de tes mots parce qu’ils deviendront des ACTIONS, * Prends soin de tes actions parce qu’elles deviendront des HABITUDES, * Prends soin de tes habitudes parce qu’elles formeront ton CARACTERE, * Prends soin de ton caractère parce qu’il formera ton DESTIN * Et ton destin sera ta VIE …et… Il n’y a pas de religion plus grande que la VERITE Oui « La VERITE » Ta Retraite à Ngaparou Avec toujours Ta LIBERTE en bandoulière jusqu’à la fin : venu et reparti en homme libre Loin du tumulte de la ville, tu t’es retiré en créant ton espace de Paix, pour une relecture de ton Chemin de vie. Tu vivais plein avec les Ngaparois, reparti comme tu disais en « villageois ».

Retraite relative ; parce que tu recevais beaucoup de monde ; audiences pour des avis, des conseils, dans la discrétion. Le lieu s’y prêtait volontiers ; retraite relative puisque tu revenais souvent faire revivre le Journal Sud Quotidien avec « Ta Plume toujours affutée ». CALAME.

En plus tu étais encore sur d’autres pistes, d’autres projets de développement de l’Etre Humain dans sa globalité. Je t’avais dit : Mbaye, c’est le moment d’ECRIRE. Tu pensais à cela, je sais que tu as des notes éparses, mais tu pensais encore avoir le temps.

Le TEMPS…Tu n’étais pas prêt à partir. On l’est rarement. Ngaparou, ta dernière demeure avant ton départ, Que de bons moments avec toi, ton épouse et tous tes enfants autour . Nous y avons passé de merveilleux week-ends.

 Et toujours, aux fêtes de Korité et de Tabaski, sous le son du Khalam et la voix de notre fidèle Bounkounta Ndiaye qui nous a accompagnés tout au long de ce chemin, qui aurait pu être plus long … …

Encore A DIEU Frère Jumeau. Va Rejoindre la Cour des « Grands Morts » et que tes idées s’infiltrent dans l’esprit de la population, comme la mer dans le sable de plage. Que DIEU t’accueille et te bénisse.

Repose en PAIX

Docteur Souvasin DIOUF

* Signature collective et anonyme de la chronique éponyme







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