Le Mali de 2020 n’est ni la Suède, ni le Canada, ni le Ghana, ni le Botswana ou le Cap-Vert. C’est un pays en crise profonde depuis 2012. C’est un pays en guerre, qui fait face à des groupes armés, divers et variés, sur les deux tiers au moins de son vaste territoire. C’est un pays dont les forces armées ont perdu des centaines d’hommes ces dernières années. C’est un pays où la cohésion sociale et les relations de confiance entre les communautés se sont gravement effritées au rythme de massacres de civils inimaginables il y a encore quelques années.
Le coup d’État du 18 août est intervenu dans ce pays-là. Il était évitable. Il aurait dû être évité. Il ne le fut pas. Cela est regrettable. Mais ce ne sont pas les lamentations sur les coups d’État récurrents en Afrique qui changeront quoi que ce soit au passé et au futur du Mali.
Éviter de nouvelles erreurs
Ce coup d’État doit être analysé avant tout dans le contexte de la crise au Mali. Et ce qui est urgent aujourd’hui, c’est de ne pas commettre d’erreurs au moment de définir les modalités de la transition qui s’ouvre après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). La Cedeao insiste déjà clairement sur la priorité à donner au retour à l’ordre constitutionnel et à l’organisation rapide d’élections, donc à une transition qui soit la plus courte possible. C’est une voie qui serait au mieux improductive, au pire dangereuse.
Organiser des élections pour sortir des crises politiques, des conflits violents, des périodes de transition après un coup d’État, c’est une recette que l’on aime bien. Elle a généralement l’assentiment et même la préférence des partenaires extérieurs les plus influents à la recherche d’interlocuteurs qui seraient légitimes parce que démocratiquement élus. On attend ensuite que des miracles se produisent, que la gouvernance politique et économique change après une élection, quel que soit le président élu, quelle que soit la qualité du processus électoral et quelle que soit la vacuité du débat politique pré-électoral.
IBK a été renversé en août 2020 comme le fut Amadou Toumani Touré (ATT) en mars 2012. Il est utile de rappeler que les reproches faits à sa gestion du pouvoir sont très semblables à ceux qui avaient été faits à ATT. Résumons cela à la mauvaise gouvernance, malgré les inconvénients de ce concept fourre-tout. Il faut en déduire que le départ d’IBK avant le terme de son mandat ouvre la porte à différents scénarios, du plus optimiste, celui qui verrait s’amorcer une rupture avec la mauvaise gouvernance, au plus pessimiste, celui qui verrait un effondrement encore plus massif et difficilement réversible de l’État malien.