Nous allons mettre en place des institutions si fortes, que même si le diable en personne arrivait au pouvoir, il lui serait impossible de faire ce qu’il veut. Jeremiah Rawlings John
Pour plusieurs observateurs politiques, la situation politique actuelle de notre pays est, on ne peut plus dramatique. En effet, on note un hiatus flagrant entre une classe politique empêtrée dans ses combinazzione et une situation sociopolitique marquée par une gouvernance de plus en plus épouvantable et des souffrances populaires incommensurables. Ce divorce entre le peuple fondamental et ses élites n’est pas une nouveauté. Il remonte aux premières années de notre accession à la souveraineté formelle et n’a malheureusement pas pu être corrigé par les alternances de 2000 et 2012.
Il y a certes eu le sursaut – qu’on espérait salvateur – des Assises Nationales de 2008-2009, qui ambitionnaient de remédier à la mal-gouvernance endémique, d’approfondir la démocratie et de renforcer les institutions.
Mais cette initiative patriotique finira par être sabordée, aussi bien par les partis socio-démocrates incapables de s’entendre sur une candidature unique, encore moins sur un programme, que par des gauchistes sectaires et des libéraux très peu enclins à responsabiliser les masses populaires.
Le précédent pouvoir libéral, au lieu de rejoindre le mouvement des Assises, qui aurait pu constituer une porte de sortie honorable et le couronnement de la longue carrière politique de Me Abdoulaye Wade, s’engagea plutôt dans une dynamique suicidaire visant à obtenir un troisième mandat illégal. Ce faisant, il dilapida le capital prestige que lui avait valu le fait d’être l’un des premiers opposants d’Afrique Noire, à accéder au pouvoir, de manière démocratique, lors de l’alternance de 2000.
Quant à son successeur et non moins ancien disciple, le président Sall, il refusa d’opérer les ruptures nécessaires et poursuivit sur la voie déjà tracée faite de régressions démocratiques majeures, reniant ainsi sa parole, lui qui s’était pourtant engagé à appliquer les conclusions des Assises Nationales.
Tant et si bien que notre pays est passé du statut de vitrine démocratique à celui de laboratoire d’alchimie politicienne, dont s’inspirent encore plusieurs pays africains (troisième mandat, pseudo-référendum, tripatouillage de la constitution, manipulation de la loi électorale… et même wax-waxeet de Barrow en Gambie et de Talon au Bénin).
Ce sont ces artifices maléfiques d’une redoutable efficacité, qui ont été mis en œuvre lors de la mascarade électorale de février 2019, qui n’était rien moins qu’un forcing, – encore plus abject au vu des contextes respectifs -, que les pseudo-élections des régimes de partis uniques, de triste mémoire.
Nous sommes donc dans une nouvelle période historique marquée par l’essor du populisme et des schémas d’autocratie électorale (ou démocrature), où les élections servent à valider des forfaitures démocratiques. De nouveaux protocoles voient le jour, marqués par l’arbitraire ou la manipulation pré-électorale, le hold-up des suffrages et la gestion de crise post-électorale combinant arrestations arbitraires et appels au dialogue.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la vraie fausse réconciliation des frères ennemis, Macky Sall et Idrissa Seck, en tant que point nodal d’une fausse recomposition politique, qui n’est rien d’autre qu’une véritable escroquerie politique.
Tous ces éclairages nous font voir la recrudescence de l’émigration clandestine sous un nouveau jour : elle est symptomatique de l’état de faillite dans lequel se trouvent les nations africaines. Les masses populaires de notre continent, à l’instar des peuples du monde, commencent à démystifier la démocratie représentative, qui ne sert qu’à perpétuer les rapports de domination et d’exploitation de nos pays. Chaque jour qui passe persuade nos concitoyens de la collusion manifeste des élites, à la recherche de prébendes et de strapontins.
La meilleure preuve en est ce refus de la grande majorité des formations politiques de s’engager clairement pour des programmes de rupture claire et nette avec l’électoralisme désuet et de promotion d’une véritable refondation institutionnelle.
C’est précisément parce qu’il y a si peu de différences entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition que non seulement, le phénomène de la transhumance est appelé à perdurer mais que les alternances continueront à n’être que des passages de témoins entre clans rivaux à la solde des puissances d’argent.
La journée nationale de deuil du 13 novembre 2020 est symbolique, dans le sens où la jeunesse patriotique a clairement manifesté son désir, devant l’insouciance des autorités face à l’hécatombe de l’émigration clandestine, de prendre son destin en mains.
On note un refus net et clair des politiciens de la majorité, qui ont pourtant tous les leviers du pouvoir entre les mains, d’assumer la part de responsabilité qui leur revient dans les dysfonctionnements des politiques publiques. En lieu et place d’une véritable redevabilité, on a droit à une mauvaise foi manifeste, où on cherche à se défausser sur des citoyens eux-mêmes désespérés et qui ne savent plus à quel escroc politique se fier.
Les pouvoirs législatif et judiciaire sont écrasés par un Exécutif monstrueusement hypertrophié et omnipotent, qui donne l’impression d’avoir toutes les cartes en main. Mais ce n’est que là que pure illusion !
Il s’agit de rendre au peuple sa souveraineté, en faisant des offres politiques de rupture visant non pas à renforcer des positions politiques partisanes ou personnelles mais le bien-être populaire.
Il y a urgence à s’unir autour de programmes explicites pour ressusciter et parfaire les idéaux des Assises Nationales.