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Etat De Droit, Societe De Devoir Et Stabilite Sociale

Etat De Droit, Societe De Devoir Et Stabilite Sociale

Le Sénégal traverse encore une violente crise. Comme les précédentes, le pays est en train de négocier pour s’en sortir et retrouver sa stabilité. Il est ainsi en passe de montrer au monde son exceptionnelle résilience. Toutefois, celle-ci n’est pas sans susciter interrogations et questions. Qu’est-ce qui fait que ce pays s’en sort mieux que les autres qui ont basculé dans l’instabilité en de pareilles situations ? Cela serait-il dû au niveau de perfection de son état de droit ? Y aurait-il d’autres facteurs particuliers de régulation sociale ? Quel serait l’effet de la discipline religieuse (respect du ndigël) sur la sécurité et la stabilité sociales qui y règnent ? Rechercher des réponses à ces interrogations n’est pas sans intérêt.

L’Etat de droit Onusien

La Déclaration universelle des droits de l’Homme est proclamée en 1848 par l’Organisation des nations unies (Onu) à l’issue de la deuxième Guerre mondiale, du fait des atrocités commises par l’Etat nazi. Le droit y est conceptualisé pour être au centre des normes d’organisation sociale et politique. Sur les 58 Etats qui ont participé à l’Assemblée générale de l’Onu, réunie le 10 décembre 1948 à Paris, 8 s’étaient abstenus après avoir émis des réserves sur l’article premier qui stipule : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»

Parmi ces derniers, l’Afrique du Sud de l’apartheid et l’Arabie Saoudite qui n’ont pas admis l’égalité préconisée entre les «races» et les sexes, tandis que l’Union soviétique remettait en question l’universalité de l’acception du droit proposée. Il n’empêche que cette Déclaration a prévalu et est devenue une référence constitutionnelle pour beaucoup d’Etats.

Dans sa forme comme dans son fond, elle devrait restée telle quelle, non modifiable dans sa version initiale en français. Cependant, on note l’évolution de cette conception dans d’autres normes conventionnelles. Elle s’étend à d’autres types de droits liés au sexe (genre), à l’écologie, à l’économie, à la culture ou aux nouvelles technologies. Elle tend à être englobée dans la notion vaste des «Droits humains».

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Il faut dire que cette Déclaration a engendré beaucoup de questions. Quel sens donné au terme «droit» en dehors de son champ juridique ? La persistance du colonialisme, de l’esclavage et de la peine de mort dans les pays déclarants n’autorise-telle pas à croire que seul «l’homme» des sociétés bourgeoises occidentales y est considéré ? Les pays africains n’étaient pas en reste dans les critiques. Et ils avaient décidé en juin 1981 de proclamer leur propre charte : «Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples». Celle-ci, dans son approche au moins, est bien différente de la norme onusienne. Au lieu de se limiter aux droits, les Africains réservent tout un chapitre aux «devoirs de l’homme».

Ils annoncent dès le préambule : «La jouissance des droits et libertés implique l’accomplissement des devoirs de chacun.» Notons que le terme devoir n’est utilisé qu’une seule fois dans la Déclaration universelle, à son article 29.1 : «L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.» Ce qui voudrait dire que la responsabilité de l’homme, ses devoirs et obligations envers ses semblables et dans sa société sont aussi à considérer pour un meilleur vivre ensemble.

Société de devoirs de l’homme

Il est vrai que la préoccupation majeure des promoteurs du texte onusien était de protéger l’être humain contre les exactions de ses semblables ou des pouvoirs organisés après ce qui s’est passé en Allemagne. L’homme, en tant que membre d’une société, devant veiller sur sa bonne marche, les intéressait moins. Ce qui ne peut pas être le cas des Africains qui n’arrivent pas à isoler l’homme de sa communauté et à le débarrasser de ses obligations. La Charte du mandé du 13ème siècle est une norme de comportement social. Elle consacre des obligations et interdits de la communauté. On y trouve les articles suivants : Article 9. «L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient par conséquent à tous.» Article 14. «N’offensez jamais les femmes, nos m ères . » Article 18. «Respectons le droit d’aînesse.» Le contenu de cette Charte montre à suffisance que dans les pays où les valeurs religieuses ont de l’importance, l’obligation et la responsabilité priment sut le droit et la liberté. La société sénégalaise, fortement croyante, n’échappe pas à la règle. Les principaux piliers de sa stabilité ou de sa résilience sont en dehors du cadre de justice officiel. Les porteurs de ses valeurs ne savent que s’acquitter de leurs devoirs, concilier et rendre justice sur des bases religieuses.

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L’école de Serigne Mountagha Bassirou Ahmadou Bamba Mbacké

On peut parier que les foyers d’enseignement de la religion et des sciences connexes ont commencé à voir le jour dès le second siècle de l’Hégire (8ème s i è – cle) dans les pays du Sud, voisins du Sahara occidental, à quelques encablures des Universités Zeitouna de la Tunisie (737 A.D.) et Qarawiyyine du Maroc (832 A.D.), qui font partie des premières institutions académiques du monde. Depuis, ces foyers d’enseignement se sont répandus en Afrique de l’Ouest. Dans ces derniers, le livre le plus étudié, après le Coran, est le résumé d’Al Akhdari qui commence par : «La première obligation d’un responsable est de raffermir sa foi, puis…»

Pour dire que seul l’apprentissage des devoirs et des responsabilités figurent dans le cursus de ces foyers qui constituent véritablement l’Ecole nationale sénégalaise. Cette institution scolaire diffuse plus la culture de l’humilité et de la discipline que celle de la revendication et de la protestation. Ses pensionnaires sont formés pour transmettre les valeurs purement religieuses, être des officiers de la société civile (réelle) et régulateurs de sa marche. Le khalife général des Mourides, Serigne Mountagha Bassirou Ahmadou Bamba Mbacké (Qu’Allah veille sur lui), est une incarnation parfaite de cette école. Comme toujours, son œuvre a apaisé les esprits et permis de retrouver la sérénité. Cette école est aussi celle du regretté Serigne Abdoul Aziz Dabbaagh (Qu’Allah agrée toute son œuvre). Enfin, disons que ce qui différencierait le Sénégal des pays qui ont basculé dans l’instabilité socio-politique en de pareilles situations serait la discipline religieuse. Celle-ci constitue son principal facteur de résilience. L’état de droit qui y est établi, même parfait, ne peut être qu’une réponse à une demande normée voire universalisée. Il ne correspond nullement à un Etat juste (état de justice) au sens de la société.

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En effet, si la stabilité ou la sécurité sociale est l’ultime finalité de l‘instauration d’un état de droit, ce modèle qui ne se réfère qu’à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, sans aucun égard pour la tradition et les normes religieuses du pays, ne convient pas à une société croyante comme celle du Sénégal. Pour être gage de paix social, l’«endogèneisation» de cet état de droit est indispensable. En ce sens, il faut plutôt promouvoir l’indépendance intellectuelle de l’élite officielle du pays que celle de la justice ou de l’économie. Il est difficile de bâtir un pays costaud sur la base du mimétisme, de le développer avec du «butin» trouvé sur les ruines de la colonisation.







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