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La Part Du Diable Dans Les RÉalisations De Macky Sall

La Part Du Diable Dans Les RÉalisations De Macky Sall

Saint Augustin disait que Dieu aurait créé les bons et les mauvais esprits, comme un poète qui, pour relever les beautés de son œuvre, y sème les antithèses. Mais il est peu probable que Macky Sall, qui a incontestablement fait de belles et tangibles réalisations, y ait introduit le mal par fantaisie de rh́eteur. Le diable a échappé au Bon Dieu, peut-être que le détail échappe à Macky Sall, alors que «le diable se trouve dans le détail». Le président Sall a sans doute besoin d’une bonne séance d’exorcisme pour chasser le petit diable qui hante son action politique. Ses réalisations peuvent être grandioses, mais il est difficile de ne pas en avoir quelque part une perception négative. Ces grandes réalisations sont légion, mais il y a presque systématiquement un grain de sable, un couac, une impréparation ou une maladresse qui gâche la symphonie. Et dire que souvent, pour ne pas dire toujours, Macky Sall paie les pots cassés par ses proches.

Une petite vidéo qui met tout le monde mal à l’aise

Il est apparu simple et très sincère dans une vidéo de 3 minutes 33 secondes. C’est un jeune homme qui se présente comme un petit producteur d’oignons, qui, pour s’acquitter de quelques dettes et préparer la fête de la Korité, avait chargé dans une fourgonnette 70 sacs d’oignons pour aller les écouler sur les marchés de Dakar. Sa cargaison a été saisie par des agents de l’Etat qui lui réclamaient de s’acquitter d’on ne sait quelle taxe, pour un montant de l’ordre de 150 mille francs Cfa, alors que le propriétaire évaluait tout le chargement à 375 mille francs. Il ne restait à cet infortuné agriculteur, un certain Elhadji Matar Diop, que de lancer un cri de détresse, de désespoir, qui a ému du monde, d’autant qu’il dit se résigner à tout perdre, mais ne demande pas moins que le véhicule qu’il avait pris en location soit relâché pour permettre à son conducteur de pouvoir vaquer à ses occupations. Qui peut aller expliquer à ce jeune homme qu’une quelconque réglementation ou régulation du marché des produits horticoles pouvait donner droit à des agents de l’Etat de le priver ainsi de sa récolte ? On a pensé au désarroi du jeune tunisien Mohamed Bouazizi, qui s’était immolé par le feu en 2011, pour se révolter contre le harcèlement d’agents municipaux de la ville de Sidi Bouzid. Un suicide qui avait été le détonateur du «Printemps arabe».

La vidéo de Elhadji Matar Diop ne va certainement pas engendrer les mêmes conséquences, mais elle jette un cinglant discrédit sur les politiques publiques en cours. Voilà que les plus hautes autorités de l’Etat, pour lutter contre le chômage, enjoignent les jeunes à retourner au travail de la terre et surtout à produire des cultures vivrières afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire ! Voilà que le Sénégal affiche des statistiques avec des indicateurs de récoltes agricoles traduisant des performances historiques ! Et paradoxalement, voilà qu’un jeune qui s’est reconverti à l’agriculture et qui a contracté des dettes arrive à faire quelques productions dont il ne pourrait profiter du fait d’une certaine réglementation dont l’application a paru tatillonne et absurde. En effet, en vue de protéger le marché sénégalais d’éventuelles importations, une lettre-circulaire du ministère du Commerce, en date du 7 avril 2021, fixe des formalités assez contraignantes pour un producteur qui chercherait à écouler sa récolte. Il s’agit d’une lettre de voiture conjointement signée par l’Agence de régulation des marchés (Arm) et une organisation de producteurs, à tout camion en provenance d’une zone de production d’oignons et de pommes de terre à destination des marchés de distribution, avec mention obligatoire des éléments suivants : nom et adresse du vendeur et du client, date, poids, points de vente et marchés de destination. Aussi, doit-il être tenu une fiche de collecte des données statistiques par chaque plateforme de commercialisation.

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En outre, le ministère du Commerce exige la délivrance de reçu et de facture pour tout achat d’oignons et de pommes de terre effectué par un commerçant dans une zone de production, avec indication du prix. On peut bien deviner les difficultés pour que ce pauvre producteur, de surcroît manifestement analphabète, puisse satisfaire aux formalités exigées. Aux dernières nouvelles, l’agriculteur indigné a pu reprendre sa cargaison d’oignons après s’être acquitté d’une amende de 60 mille francs. La leçon de l’histoire est qu’on mesure le chantier pour mettre en adéquation les politiques publiques et leur mise en œuvre ou leur application quotidienne sur le terrain. Et c’est le président Macky Sall, sans doute très loin de tout cela, qui porte la responsabilité des méfaits et des conséquences. On a bien vu sur les réseaux sociaux que tout lui retombe sur la tête.

Les fautes et négligences qui vont ternir la réception de 4 nouveaux hôpitaux

Il est aussi à relever que jamais dans histoire politique du Sénégal, un gouvernement n’a engagé et mené, dans un délai de moins de trois ans, le chantier de la réalisation simultanée de quatre hôpitaux de niveau 3 (Touba, Kédougou, Kaffrine et Sédhiou) ; un projet ficelé en son temps par Mme Eva Marie Coll Seck. Mais les cérémonies d’inauguration prévues prochainement laisseront un goût d’inachevé. L’opinion risque d’oublier le principal pour ne retenir que l’accessoire ou l’anecdotique. Ces inaugurations se feront dans un contexte où les syndicats du secteur de la santé vont aller en grève pour dénoncer le manque de personnel dans de nombreuses structures de santé. Des médecins refusent de rejoindre certains postes d’affectation et des maternités manquent de sages-femmes. Les syndicalistes grévistes voudraient aussi refuser que certains de leurs collègues de l’hôpital de Linguère portent seuls le chapeau du fâcheux incendie de la maternité qui a causé la mort de quatre bébés le 24 avril 2021. Ce grave incident pose une question de négligence et interpelle la responsabilité des autorités de l’Etat quant à la question de la nécessaire maintenance des infrastructures et équipements acquis parfois au prix fort. En effet, le gouvernement se lance dans des réalisations importantes d’infrastructures, mais semble manquer d’esprit de planification ou de prévoyance pour que les infrastructures puissent être opérationnelles, une fois les chantiers livrés, ou qu’elles résistent au temps. C’est notamment le cas de la gare des gros porteurs ou du marché d’intérêt national à Diamniadio, ou encore des cités construites dans la nouvelle ville de Diamniadio par des promoteurs privés, qui n’arriveraient pas à livrer les clefs aux acquéreurs à cause des travaux d’assainissement qui traînent.

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Macky Sall non coupable, mais responsable

De même, il est difficile de ne pas éprouver un sentiment de colère quand on entend les autorités du ministère des Sports et de la Fédération sénégalaise de football s’essayer à justifier l’injustifiable ou défendre l’indéfendable. Le Sénégal ne dispose plus, à la date d’aujourd’hui, d’un stade répondant aux normes édictées par la Fifa pour organiser un match de qualification en Coupe du monde. Cette situation est assurément indigne du statut et des performances de l’Equipe nationale de football du Sénégal, mais aussi de la renommée des footballeurs sénégalais à travers le monde. Le Sénégal détient le bonnet d’âne, car il est le seul pays au monde ayant participé à deux reprises à une phase finale de Coupe du monde de football, et ayant disputé deux finales de Coupe d’Afrique des nations et qui ne peut trouver sur son sol un terrain en mesure d’accueillir un match international. Le Sénégal sera bien obligé d’aller chercher à jouer à Conakry, ou à Banjul, ou à Nouakchott, ou à Bamako, ou à Bissau.

A moins que, pour éviter le ridicule, les Lions n’aillent encore chercher à jouer au Maroc, comme ce fut le cas en 2013, pour disputer les qualifications du Mondial 2014. Le stade Léopold Sédar Senghor avait été suspendu pour des incidents consécutifs à un match entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal. En effet, ne disposant pas d’un autre terrain qui pourrait satisfaire aux conditions techniques de la Fifa, le Sénégal avait donc joué un match contre la Côte d’Ivoire à Casablanca (14 novembre 2013), après avoir joué un autre match à Marrakech (7 septembre 2013) contre l’Ouganda et un autre à Conakry contre l’Angola (23 mars 2013). Peut-être que le Sénégal avait raté le Mondial 2014 au Brésil pour n’avoir pas pu disputer ses matchs de qualification à domicile. La ligne de défense du gouvernement est de dire que le président Macky Sall a assez investi dans la réalisation d’infrastructures sportives, plus que chacun de ses prédécesseurs. Ce n’est sans doute pas discutable. La réalisation du DakarArena est à son actif, comme l’Arène nationale de lutte. Le Sénégal va aussi réceptionner l’année prochaine le Stade du Sénégal, d’une capacité de 50 mille places.

Le chef de l’Etat avait aussi promis 11 nouveaux stades aux normes Fifa pour les régions. Mais il demeure que pour le prochain rendez-vous de l’Equipe nationale de football, le Sénégal ne dispose pas du moindre stade capable d’abriter un match international Fifa. La maintenance, encore la maintenance (!) a fait défaut pour que le stade Léopold Sédar Senghor de Dakar ou le stade Lat Dior de Thiès ou le stade Demba Diop de Dakar ou le stade Aline Sitoé Diatta de Ziguinchor ne puissent rester aux normes. Et Dieu sait que bien des marchés publics avaient été passés pour la réfection de ces différents stades ! Macky Sall n’est peut-être pas coupable de ces carences, mais il n’en est pas moins responsable, pour reprendre l’expression de Mme Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales et de la solidarité nationale (1984-1986) quand elle avait été incriminée dans le scandale du «Sang contaminé» en France. De toute façon, on en arrive à considérer que s’il y a un nid de poule sur la route, c’est la faute du Président, s’il ne pleut pas, c’est encore lui et s’il y a des inondations, c’est toujours lui.

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Les avatars de la gestion déléguée du foncier

Le 17 septembre 2020, en réponse à une demande des populations et de leurs élus, le président Macky Sall avait annoncé le projet d’érection en département de la commune de Keur Massar, dans la banlieue de Dakar. L’annonce avait été beaucoup applaudie. Seulement, au moment de la mise en œuvre, les mêmes populations se mettent à chahuter le Président Sall. Finalement, tout le monde est mécontent, de Yeumbeul à Malika, de Bambilor à Yène. La mise en œuvre de ce découpage administratif est conduite par le ministre des Collectivités territoriales, du développement et de l’aménagement des territoires, Oumar Guèye, qui se trouve être le maire de Sangalkam, localité intéressée dans l’opération. C’est ainsi que Oumar Guèye est accusé de chercher à faire la part belle à sa propre commune. Il apparaît comme juge et partie et les récriminations de ses adversaires politiques comme Ndiagne Diop, maire de Bambilor, ne peuvent alors qu’être audibles. En effet, «rapprocher l’Administration des administrés est une intention des plus louables et des plus nobles. Mais quand l’opération de remodelage territorial qui doit conduire à ce résultat est effectuée par le premier édile de l’une des communes concernées, et que, comme par le plus grand des hasards, sa commune soit l’une des grandes bénéficiaires de ce remodelage, il est légitime de se poser des questions. Une fois de plus, comme avec beaucoup de projets du président Macky Sall, les bonnes intentions sont gâchées par les défauts de l’exécution».

Le président Sall est aussi accablé pour la gestion du foncier par des responsables de nombreuses circonscriptions administratives. Les populations décrient le président de la République quand bien même il n’aurait rien à voir avec les affectations foncières à Ndingler, à Malicounda, à Nianing, Bambilor, Dougar et on ne sait où encore. Macky Sall est comptable de toutes les turpitudes supposées ou réelles, perpétrées par ses collaborateurs. Après tout, c’est lui qui les a choisis non ? Macky Sall apparaît si tolérant ou indulgent avec eux qu’il lui arrive même de leur ouvrir le parapluie, au détriment de sa propre image. Faudrait-il craindre pour lui le syndrome François Hollande qui semblait considérer que tout lui glissait à la peau et qui s’accommodait même des proches qui lui marchaient sur les pieds, jusqu’à ce que ces derniers partent d’eux-mêmes (Manuel Valls, Emmanuel Macron, Christiane Taubira, Aurélie Fillipetti, Benoit Hamon, Arnaud Montebourg, Cécile Duflot, Delphine Batho) ?







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