Les Sénégalais qui, dans une immense ferveur patriotique, ont choisi, en 2012, de tourner la page WADE, en caressant, par la même occasion, le rêve légitime de voir s’ouvrir, pour leur pays, une nouvelle ère de ruptures, doivent aujourd’hui se sentir désabusés, au vu de la tournure que le Président Macky SALL a décidé, contre toute attente, de donner à cette seconde alternance politique. Décidément, le Chef de l’Etat peine toujours à déchiffrer le message sorti des urnes le 25 mars 2012. Sinon, on aurait perçu dans son action politique une plus grande préoccupation pour l’éthique.
En moins de trois années d’exercice du pouvoir, le Président de la République a fait évoluer de manière exponentielle la courbe de ralliement de transhumants à son parti. N’est-ce pas un record ? Tout se passe comme si ces vagues déferlantes de transhumants qui, sans pudeur et toute honte bue, grossissent chaque jour les rangs de l’APR, sont planifiées de main de maître au sommet de l’Etat.
La situation aurait été moins dramatique si les transhumants se contentaient, sans tambour ni trompette, de quitter leur camp pour rallier la mouvance présidentielle tout en faisant profil bas. On aurait simplement admis qu’il s’agit d’individus incapables de survivre en dehors des lambris dorés du pouvoir, tout comme un crocodile ne pourrait s’épanouir hors de l’eau. Malheureusement, c’est non seulement au son des tam-tams que les transhumants sont accueillis dans le camp présidentiel, mais encore, et c’est plus grave, le Chef de l’Etat et ses lieutenants ne se privent jamais, pour justifier leur triste campagne de débauchage de militants de l’opposition, et peut être pour se donner bonne conscience, de leur tresser des lauriers, voire même de les présenter comme les plus vertueux parmi les Sénégalais.
Tout le monde se rappelle que c’est une cérémonie officielle- l’inauguration du siège d’une société de téléphonie mobile- qui avait servi de cadre au Président de la République pour lancer la « drague » à l’endroit de Djibo KA, à qui il a cru devoir, par la circonstance, prêter des vertus de « républicain » et de « serviteur de l’Etat » dont « l’expérience » serait indispensable à la construction du pays. En faisant le compte-rendu de la visite qu’une délégation envoyée par le Président de la République a effectuée chez Maître Ousmane NGOM, la presse a aussi évoqué l’appel du pied que Mbaye NDIAYE, proche collaborateur de Macky SALL, a fait à ce dignitaire du PDS à qui le Chef de l’Etat aurait demandé de « mettre la main à l’édifice ».
Nous concédons le droit à ces personnalités politiques de changer de couleur politique au gré des vents et des marées. Par contre, nous trouvons scandaleux de voir décrits sous les traits de « patriotes », de « républicains » et de « serviteurs de l’Etat », des modèles achevés de renégats. Non, des individus qui, au nom de prébendes, sont capables de renier aussi facilement les principes qu’ils défendaient il ya encore quelques mois, ne peuvent être nullement des modèles de vertus à offrir en exemples à la jeunesse sénégalaise. Ce pays, riche de plus de cinquante ans de souveraineté, et fort d’une population de treize millions d’habitants, manque t-il tant de cadres à la probité morale et intellectuelle avérée, au point de dépendre d’une race d’hommes politiques dont la postérité ne retient que des actes de trahison ? Nous ne saurions le croire.
Les méfaits de la transhumance dépassent le cadre de la politique pour prendre une dimension sociétale, voire économique. Dans un contexte marqué par l’explosion des médias, comment les chefs de famille peuvent-ils éduquer leurs enfants sur la base des valeurs de droiture, de fidélité et de loyauté lorsque, tous les soirs, s’introduisent dans leurs salons, les images affligeantes d’un Chef d’Etat déroulant le tapis rouge à des individus qui sont l’incarnation absolue de la déloyauté, de la traitrise et de la torture ? Pari difficile. Le « devoir d’accompagner le Président de la République à réaliser le Plan Sénégal Emergent » est même la rengaine que n’hésitent plus à nous servir de plus en plus des transhumants à court d’arguments pour justifier leur retournement de veste. C’est une illusion que d’espérer atteindre l’émergence avec des individus aussi paresseux. La présence au cœur de l’Etat de ces personnes qui ne conçoivent la politique que comme un enjeu de pouvoir, loin d’être une opportunité pour l’émergence, s’avère plutôt comme une contrainte qu’il faut nécessairement lever pour sortir ce pays de l’ornière.
Au total, le désir obsessionnel de quête d’un second mandat à tout prix semble pousser de plus en plus le Chef de l’Etat à se détourner du pacte qui le liait au peuple sénégalais, pour donner libre cours à des pratiques que l’on pensait révolues. Ce pacte, basé sur des engagements de ruptures, est aujourd’hui rompu. Il appartient désormais au peuplement d’en tirer en toute souveraineté les conséquences.
Serigne Assane KANE
Membre de la Jeunesse pour la Démocratie et le Socialisme (JDS)
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