Actualité présidentielle à la Une. L’achat de l’avion de commandement et la tournée économique du Chef de l’Etat occupent l’espace médiatique et occultent quasiment tous les autres sujets. La polémique a enflé jusqu’au point d’implosion.
Les interventions sont venues des deux camps : défenseurs contre pourfendeurs. L’annonce de l’acquisition d’un nouvel avion présidentiel par le ministre de la Décentralisation et Porte-parole du gouvernement est faite par voie de communiqué d’abord, puis sur le plateau du journal télévisé de 20 heures de la RTS.
Marquant le point de départ, ce lundi 24 mai 2021, d’une controverse. La question du «combien ?» a été occultée, en convoquant un laconique «secret défense». De quoi attiser davantage la curiosité des Sénégalais sur un sujet qui aurait pu passer sans prendre cette ampleur. Pour clore ce débat inutilement posé, le ministre des Finances et du Budget entre dans la danse et avance le chiffre exact du coût de l’acquisition de l’avion de commandement présidentiel A-320 NEO qui s’élève à 57 447 235 356 francs CFA.
L’appareil, acquis auprès de la compagnie Airbus, sera réceptionné le 16 juillet 2021. Précisions faites lors d’une séance plénière à l’Assemblée nationale. Les journaux, dans leurs éditions suivant l’annonce de l’achat, rivalisent de titres ironiques parmi lesquels : «Macky survole les urgences du peuple», selon le quotidien Kritic, « 320 néopolémique», évoque Le Quotidien.
Pour L’Info «Macky vole à 100 milliards pieds», c’est un «Jeu de cache-cash», pour Walf quotidien ou encore «le service après-vente», selon votre quotidien préféré «L’As», ou encore le «Pourquoi d’un achat», pour Le Soleil. L’opposition se joint aussi à ce concert de voix discordantes et dénonce «l’achat d’un avion» qui «n’est ni nécessaire, ni prioritaire», selon l’ancien ministre Thierno Alassane Sall sur Twitter.
Pour Amadou Ba, du Pastef : «70 milliards pour avoir un avion plus beau que celui de Angela Merkel». Alors qu’au Sénégal, la «jeunesse se noie dans l’océan, les bébés sont calcinés dans les hôpitaux, les femmes meurent en accouchant dans des taxis». Même réaction indignée chez le leader du Mouvement «Gueum sa bopp» et patron du Groupe D-Média qui déclare : «Le Président ignore certainement qu’avec 60 milliards francs Cfa, les 6600 salles de classe en abris provisoires seront définitivement éradiquées pour la rondelette somme de 33 milliards.
Les 27 milliards restants permettront de construire et d’équiper 5 400 cases de santé à travers le pays.» Une analyse partagée par l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, car selon lui, «le prix de l’avion de Macky Sall suffit pour remplacer tous les abris provisoires en salles de classe».
Et pour le Collectif Nio Lank, «le Président a un problème de priorités, au moment où le pays manque de tout : eau, électricité, infrastructures sanitaires», dénonce le mouvement. Ce qui n’empêche pas le principal intéressé de se rendre hors de Dakar pour les besoins de sa tournée économique avec l’inauguration des hôpitaux de Kaffrine et de Kédougou, entre autres infrastructures. Encore une démonstration de force de la capacité du Chef de l’Etat à passer entre les mailles d’une énième polémique.
A Kaffrine, l’occasion a été aussi saisie par le leader de la coalition Benno Bokk Yaakaar de faire passer son message politique et de lancer un appel à ses partisans pour les prochaines échéances électorales. La mobilisation a sonné. Le président de la République en a profité aussi pour réitérer sa volonté d’assainir le secteur des médias, tel que rappelé jeudi, lors de l’ouverture officielle de l’assemblée générale de la plateforme des régulateurs de l’audiovisuel des pays membres de l’UEMOA et de la Guinée.
Selon Macky Sall, «si on écoute les réseaux sociaux et les radios, on dirait que le pays est en train de brûler alors que tel n’est pas le cas», fustige le Président qui poursuit : «être assis derrière son clavier et écrire des injures à longueur de journée, il faut que cela cesse». Alors, les voici prévenus. Ceux qui s’érigent en nouveaux éditorialistes et colporteurs d’informations qualifiées de «fake news», vos « post » sont comptés et seront bientôt assimilés à de la cybercriminalité. Selon le Chef de l’Etat, «rien ne peut justifier l’injure, la calomnie, l’appel à la violence et l’incitation à la haine. Ces faits constituent le plus grand ennemi de l’Homme». Alors, aux hommes de médias de porter le combat, au risque de voir, au Sénégal, la liberté de la presse muselée !