A l’occasion d’un forum économique organisé par le Conseil départemental de Rufisque le 12 mars 2018, le Président Macky Sall avait annoncé le projet de construction d’un nouveau Palais présidentiel à Diamniadio. Il se voulait modeste en évoquant la construction d’un Palais présidentiel annexe. Dans le même temps, il annonçait le déménagement de la moitié du gouvernement dans la même localité, ainsi que la construction de la Maison des Nations unies devant abriter 3 000 fonctionnaires internationaux. Ainsi, ce nouveau pôle urbain devrait prendre davantage forme et revêtir les atours d’une nouvelle capitale administrative. Depuis cette annonce, on sait que de nombreux ministères y ont pris leurs quartiers et la Cité des Nations unies est en chantier très avancé. Ce siège des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest va accueillir les 34 agences du système des Nations unies réparties dans différents quartiers de Dakar et qui seront bientôt délocalisées et regroupées dans un seul et unique bâtiment à Diamniadio. La livraison est prévue pour mars 2022. Alors que jusqu’ici, point de Palais présidentiel. Le chef de l’Etat a semblé reculer devant la bronca consécutive à son annonce. Des voix s’étaient bruyamment élevées contre un tel projet. Macky Sall et son gouvernement ont alors préféré ne plus parler du projet. Mais l’histoire rattrape le Sénégal. En effet, en octobre 2020, des séries d’éboulements de la façade maritime de la corniche Est de Dakar ont été si spectaculaires que la question du déménagement ou du renforcement des protections et des soutènements du Palais présidentiel s’est posée. Les géologues, réunis le 26 octobre 2020 autour de Sophie Gladima, ministre des Mines et de la géologie à l’époque, étaient sans ambages, considérant que «la question est devenue une urgence à laquelle il faut trouver une solution rapide. Ce qui s’est passé ici sur la corniche Est de Dakar peut se passer tout le long de la côte de Dakar, à Saly jusqu’à Djifer, où plusieurs kilomètres de côtes sont menacés par l’érosion côtière», préviennent les géologues. Ces derniers estiment pour autant qu’il faut «impérativement préserver le palais de la République, quel qu’en soit le coût, car cet édifice est menacé d’éboulement, compte tenu de la roche sur laquelle il est bâti». D’ailleurs, Sophie Gladima préconisait la tenue d’un Conseil présidentiel sur les risques géologiques. Les spécialistes étaient invités à réfléchir sur le phénomène, de cartographier les zones à risque pour proposer des solutions durables. Un tel Conseil présidentiel n’a encore pu être tenu et la question reste latente. Attendrait-on que le Palais Léopold Sédar Senghor s’écoule pour songer à s’en occuper ? De nombreux travaux de rafistolage sont régulièrement effectués pour maintenir le Palais présidentiel en état. Mais au de-là des questions sécuritaires, il est à se demander si le Sénégal souverain, depuis plus de 60 années, n’a pas le droit et le devoir de se doter d’un Palais présidentiel qui ne symboliserait plus la colonisation. Le Palais présidentiel a été inauguré le 28 juin 1907 et servait de résidence au gouverneur colonial.
Toutes les Nations indépendantes ont trouvé un symbole à leur nouvelle souveraineté
En plus du palais Roume et rebaptisé Palais Léopold Sédar Senghor, le Sénégal dispose de deux autres Palais présidentiels, dont un à Popenguine et un autre à Gorée. Le Palais de Gorée, ancien Palais du gouverneur colonial, terminé en 1854, n’aurait plus reçu de visite d’un chef d’Etat depuis Léopold Sédar Senghor, donc depuis plus de 40 ans. A quoi bon alors garder un tel édifice dans le patrimoine de l’Etat et continuer à l’entretenir et à consacrer des crédits publics pour son gardiennage et sa rénovation ? Le palais de Popenguine servait de résidence d’été au gouverneur colonial. A l’instar de ses prédécesseurs Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, le Président Macky Sall y séjourne occasionnellement. On voit ainsi que les autorités sénégalaises n’ont jamais senti la nécessité d’édifier un nouveau Palais présidentiel, symbole de l’Etat et de la souveraineté nationale. Le Sénégal reste, avec la Gambie et les îles du Cap Vert, l’un des rares pays indépendants à travers le monde, dont le chef de l’Etat dort dans des Palais laissés par le colonisateur. Le Palais présidentiel de Praia est l’ancienne demeure du gouverneur de la colonie. Les travaux de sa réhabilitation ont été terminés en 2016, grâce à un financement de la Chine, pour un montant de 11 millions de dollars.
On remarquera que tous les autres pays africains indépendants se sont évertués à édifier de nouvelles résidences officielles pour leur chef d’Etat. Les palais coloniaux ont été pour la plupart transformés en musées. Mais le plus étonnant pour ce qui s’agit du cas du Sénégal est que tous les discours sur la souveraineté nationale, sur la nécessité de reprendre en main notre destin et notre histoire, tous les discours appelant à tourner la page de relations d’asservissement ou de domination subies vis-à-vis de la France occultent la question de la nécessité, aussi bien pour le symbole et pour l’histoire, de permettre au chef d’Etat du Sénégal indépendant de rompre avec les survivances et les symboles historiques de la colonisation.
Macky Sall a déjà prouvé qu’il ne saurait être question de son confort personnel
Le projet d’édification d’un nouveau Palais présidentiel à Diamniadio est une grande opportunité. La question ne saurait être vue sous l’angle d’un éventuel confort personnel pour le chef de l’Etat. En effet, Macky Sall a déjà suffisamment montré son détachement personnel quant aux luxes et autres lambris dorés des Palais nationaux. Le Président Macky Sall a préféré habiter dans sa résidence privée à Dakar, depuis de nombreuses années. Une fois que l’occasion avait été donnée de lui faire la remarque que «les palais nationaux sont faits pour être habités», il avait rétorqué que «c’est peut-être un moyen de faire comprendre à beaucoup que je ne suis pas personnellement attaché à ces choses, que je ne suis pas ébloui par ces ors». Qu’à cela ne tienne ! Seulement, la réalisation d’un projet de Palais présidentiel permettra de donner un grand coup de promotion à la nouvelle ville de Diamniadio. Il est à se demander si le Président Sall n’aurait pas dû commencer les travaux d’implantation de la nouvelle ville de Diamniadio par la construction d’un Palais présidentiel. L’expérience enseigne que tous les pays qui ont réussi la création de nouvelles villes ont commencé par y implanter un Palais présidentiel, symbole du pouvoir et un signal fort que les autorités suprêmes accordent une grande importance au projet, jusqu’à y aménager. Pour symboliser sa souveraineté nationale, l’Ethiopie avait créé en 1886 une nouvelle capitale, Addis Abeba, et commencé les travaux par un Palais royal. Il en a été ainsi de Putra Jaya en Malaisie, de Brasilia au Brésil, d’Abuja au Nigeria, de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, de New Cairo ou Al Maasa en Egypte ou de la nouvelle capitale d’Indonésie sur l’île de Bornéo. En lançant la construction de nouvelles villes à Shanghai ou Shenzhen, la Chine veille systématiquement à édifier d’abord des résidences officielles d’Etat. La démarche rassure et attire les investisseurs, car elle donne une caution indubitable de l’Etat au projet. Au Burkina Faso, pour lancer le nouveau quartier de Ouaga 2000, Blaise Comparé avait d’abord édifié un Palais présidentiel sur le site. Le Togo a abandonné l’ancien palais des gouverneurs coloniaux pour installer le chef de l’Etat dans un nouveau Palais construit de 2004 à 2006 dans le Nord de Lomé. Au Cameroun, Paul Biya a fait édifier le Palais d’Etoudi sur les hauteurs de Yaoundé. Au Bénin, Thomas Yayi Boni a fait construire un nouveau Palais présidentiel, celui de la Marina. On a pu observer le boom immobilier que cela a immédiatement engendré avec la revalorisation du foncier. Les terres de la ville de Diamniadio seront donc davantage prisées avec un voisinage aussi prestigieux que la résidence officielle du chef de l’Etat.
Le gouvernement ne devrait pas se montrer frileux à engager un tel projet. On a constaté qu’il a toujours été ainsi de tous les projets de l’Etat. A chaque fois qu’un projet est envisagé, les mêmes voix ne cherchent même pas à discuter de la pertinence ou de son opportunité, une posture systématiquement nihiliste est dressée. Quand le Président Macky Sall lançait les travaux de l’autoroute Ila Touba, que n’avait-on pas dit sur le côté prétendument utopique ou «gabegique» d’un tel projet ? Que n’avait-on pas dit du prolongement de l’autoroute Dakar Diamniadio-Aibd jusqu’à Mbour ? Ne criait-on pas au surendettement quand il s’était agi du pont sur le fleuve Gambie, ou pour financer l’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack ? Les mêmes cris d’orfraie seront lancés quand il s’agira de financer l’autoroute de Saint-Louis. Mais toutes les critiques seront vite oubliées quand l’ouvrage aura été mis en service. On verra ce qu’il adviendra du débat sur le financement du Train express régional (Ter) ou du projet Bus rapide transit (Brt). S’il fallait écouter les détracteurs, rien de tout cela ne serait réalisé. On comprend alors l’exaspération de mon ami Souleymane Faye, musicien parolier qui chantait : «Macky faites et laissez-les parler !» Cerise sur le gâteau, la dernière opération de l’Eurobond bouclée le 2 juin 2021 montre que la signature du Sénégal devient de plus en plus crédible. Ainsi, le Sénégal a emprunté avec le meilleur taux d’endettement de son histoire.
Le Sénégal conforté par la grande confiance des investisseurs
Ces obligations souveraines émises sur les marchés financiers internationaux (Eurobonds) ont porté sur un montant de 775 millions d’euros, soit 508 milliards de F Cfa. Cette levée de fonds a été réalisée, pour une maturité finale de 16 ans, à un taux de 5,375%.
L’émission a été très largement sur-souscrite par des investisseurs qui apprécient à sa juste valeur le crédit Sénégal, avec de bonnes appréciations de la situation politique, économique et sociale et des perspectives macroéconomiques favorables du Sénégal. Le livre d’or des souscriptions a atteint plus de 4,3 milliards d’euros, soit 2 821 milliards de F Cfa avec près de 220 investisseurs internationaux de référence. C’est ainsi que le taux de sur-souscription a atteint près de six (6) fois le montant recherché, mais le Sénégal s’est limité à ses besoins de financement. Le taux de sortie de 5,375% de l’émission contre une valeur initiale de marché de 5,75% traduit un différentiel favorable d’environ 0,375%, soit une économie d’environ 2 milliards F Cfa/an, équivalant à 30 milliards F Cfa sur la durée du financement. Le rachat d’environ 70% de l’Eurobond, expirant en 2024 et libellé en dollars Us par les nouveaux titres émis en euros pour une maturité finale de 16 ans, dénote à suffisance une grande confiance du marché financier international dans les politiques publiques menées sur l’horizon temporel du Plan Sénégal émergent (2035). Il est à noter que 30% des investisseurs ont décidé de conserver les titres existants, ce qui traduit également la confiance de certains investisseurs quant aux capacités de remboursement du Sénégal en 2024, année électorale s’il était besoin de le rappeler.