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Un Temps Suspendu

Un Temps Suspendu

Jour 28

#SilenceDuTemps – Que pourrai-je trouver comme excuse ce soir pour cette chronique tardive et surtout sans grand entrain ?

Oh, les copines ne m’appelaient plus entre 20h00 et 22h00, les heures de ma concentration, de ma production ! Je viens de raccrocher d’un long « waaxtan » avec Marie, confinée à Ngaparou …

Où peut-être cette satané rhinite bien là à me liquéfier le cerveau et d’elle je n’ose en dire plus de peur qu’elle ne se sente indispensable.

Ah tiens, un petit oiseau s’est perdu dans l’appartement et il n’arrive plus à en sortir malgré portes et fenêtres grand ouvert !

« Petit oiseau » est toujours là à virevolter au-dessus de ma tête, évitant les issues. Il a l’air de bien se sentir dans les livres tout là-haut. Un oiseau qui cherche à se cultiver, un revenant qui me permet d’écrire mes premiers mots quand même ?

Ynti, notre premier petit-fils, nous aurait de suite dit son nom, et aurait trouvé une explication bien plus plausible que mes élucubrations fantastiques. Il est incollable en matière d’oiseau et pas seulement d’ailleurs. Tiens, lui aussi fait partie des « enquiquineurs » qui auront convaincu le Viou à porter le masque avant les directives !

Il lui a fait lors d’un appel téléphonique un long plaidoyer sur les risques encourus par les personnes âgées, sensibles, fragiles, etc. et le tout, mine de rien ! Il a 13 ans. J’ai adoré cet échange.

Comment va-t-on passer du port du masque obligatoire dans des lieux dits à un changement de pratiques « malsaines » durant le Ramadan qui pointe son bout du nez ? Et notamment avec cette terrible habitude de cracher partout, n’importe comment, trop souvent ? Je me souviens un jour en voiture, d’en avoir reçu un sur le capot venu du bus d’à côté ? J’imaginais le piéton passant à côté à ma place ? Crachat et Covid, quel combat en perspective.

Et mon amie Tiatiaka qui écoute tôt toutes les émissions de radio n’aura rien entendu de la sorte par rapport au proche Ramadan. Par contre les revendications du moment tournent autour des horaires du couvre-feu qu’il faudrait ramener à 4h 00 du matin, et devinez pourquoi ? Parce que c’est à cette heure-là qu’on commence à faire la C ! (qui veut dire en français : faire la noce) dans les quartiers populaires, « kheuddeu » oblige ! Vendeurs de « Fondé « à la criée ou sur les pas de portes ; ça va, ça vient comme en plein jour, malheur à toi si tu n’es pas dans la même logique…

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Alors attendons de voir comment le pays va se mettre à l’heure du Ramadan de C. Avec masques, gants et distanciation sociale.

Jour 29

En écoutant la radio pour les journaux principaux, c’est-à-dire 12h 00 et 18h 00, la TV à 20h 00, pour me mettre au courant de la seule actualité donnée en ce moment, j’essaie de me faire une petite idée… j’avoue ne pas toujours comprendre.

Par exemple, j’ai entendu tout à l’heure que l’opération « un million de masques » vient d’être lancée. Si le slogan peut sonner fort, je me demande pour une population de 16 millions à quoi cela va-t-il servir ? N’aurait-il pas fallu rajouter un zéro, soit 10 millions de masques, ce qui serait quand même plus proche de la demande non ! Ou peut-être va-t-on nous annoncer 10 opérations identiques. Ils sont homologués par l’Institut de Normalisation du Sénégal, nous apprend-on. Mais seront-ils gratuits pour une certaine population ?

Avant la directive rendant obligatoire le port du masque, les pharmacies étaient en quasi rupture de stocks, les prix avaient flambé et parfois de 1 à 50, voire plus ! Ne devrait-il pas avoir un contrôle officiel des prix ? Comment faire des marges aussi affolantes sur des produits de survie ? L’éthique dont je parlais il y a quelques chroniques se cache aussi dans ces détails.

En fait, les directives doivent être prises en même temps que les mesures d’accompagnement arrivent pour éviter le flou dans les esprits et sur le marché.

L’éternelle Tata Tiatiaka, eh oui elle ne veut pas passer au stade de Maam, m’a grondée hier après la lecture de la chronique de dimanche qu’elle ne lit que le lendemain matin, c’est une couche-tôt !

« Qu’est-ce que tu fais dehors avec Djélika, sais-tu que les enfants sont porteurs sains et vous deux, petits vieux, etc. » J’en ai pris plein mon grade mais c’est vrai, elle a raison. J’avais pourtant trouvé l’endroit le plus isolé, surtout proche de la maison, l’heure la moins fréquentée pour me donner la permission de sortir ainsi. De plus, j’étais masquée, mais pas la petite, bien que sa tata Adeye Ababa lui ait apporté un magnifique masque rouge, ne supporte pas de se « parer » ainsi.

C’est compliqué tout cela ! Et surtout, où se situent les limites de ce qui est permis, possible ou interdit et risqué ?

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Cela fait cinq semaines que le Sénégal est dans une espèce de confinement et les mesures se durcissent au fur et à mesure. Est-ce à dire que la période restant de confinement sera plus longue et plus douloureuse encore, combien de temps va-t-elle durer ? À qui peut-on se comparer, question de se donner ou non un peu d’espoir ?

Difficile de répondre. Apparemment nous sommes tous des cas particuliers !

« Kong’, kong’ kong », entend-t-on frapper à la porte et la goroo de Julie (belle-mère) de répondre : « kookan’la (qui est là) ? et sans même attendre de réaction de l’autre côté de la porte, elle lance un « restez chez vous » et en français, elle qui ne parle vraiment pas français ! LOL

Comme quoi le message entendu dans les médias est bien passé !

Jour 30

C’était il y a 30 jours … Déjà ! Trop long !
Ça va durer encore ? Mais 30 jours de quoi au fait ?
Soyons positive ! Je rentre de vacances après 30 jours de grand dépaysement, comme tant souhaité pour des vacances !

J’ai pris beaucoup de temps à faire des choses que je ne fais pas en temps normal. Me suis également laissé aller, pris du soleil sur la terrasse tous les matins quelques bonnes minutes. J’ai appelé des gens que j’ai perdu de vue et d’autres que j’aime, que je n’appelle pas assez en temps normal…

J’ai pris un grand plaisir à faire la cuisine que je ne fais pas d’habitude et surtout j’ai appris à me concentrer sur les moments essentiels de la journée. Je les ai posés dans des pages que j’ai remplies et que quotidiennement j’impose.


De belles vacances quoi !

Elles vont me donner l’énergie pour aborder les jours et plus qui arrivent, m’aider à dénouer tous ce qui paraît inextricable…


Mon yoga ce matin a été rythmé aux sons des musiques du film « Good morning England ». Oui Adeye Ababa je sais, le yoga c’est dans le silence ou avec des musiques genre cithare indienne ! Eh ben moi par ces temps de C, j’aime bien être bercée par autre chose et en sourdine.

Ces musiques de mon adolescence, années Rock and Roll terriblement stimulantes par les temps qui courent ! Sunny afternoooon, In the summer time, Let’s spend the nigth together, « oh, cher Mick, pas en ce moment, désolée ». A whiter shade of pale, (eh oui en ce moment pour certains c’est dur d’être toujours confiné), Dancing in the street, (vraiment pas possible en ce moment) … et bien d’autres chansons mais celles-ci semblaient me narguer.

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Et puis ces airs-là m’ont ramenée à de merveilleux moments que nous ont offert deux grands hommes de radio, Jacques Césaire, fils d’Aimé et Ousseynou Diop dit Bob Yves. Jacques Césaire nous a quittés il y a 8 jours à Fort de France. Qui s’en souvient ici ? Déjà le père est presque inconnu, alors le fils des années 70 ! Bob Yves qui lui nous a quittés il y a bientôt 10 ans, peu de gens se sont souvenus. En fait en l’absence d’archives, cela n’est pas très étonnant !

Et pourtant, ils auront comme de vrais compères, complices, révolutionné les studios de l’ORTS de l’époque, sur l’avenue de la République. À l’avant-garde de toutes les musiques à l’époque, venues d’Angleterre pour la plupart ! Je me souviens y être allée avec le dernier disque des Stones sous le bras. Nous étions plusieurs invités dans un grand studio et … assis par terre ! Une superbe ambiance

C’était l’époque des pantalons pattes d’elph’ (d’éléphant pour les non-initiés), des pantalons à pont, des chemises Babette et chemises à fleurs, des Clarks et surtout des … minijupes, que j’adorai porter ! Aujourd’hui, quand je vois une fille avec une minijupe, je suis admirative et j’espère que cela ne passera jamais de mode.

Tout dernièrement juste avant C., j’apprends que le règlement du collège interdit les minijupes ! Mesure insensée (je suis dans le Conseil d’administration et le Conseil pédagogique, ça m’a échappé !) et pour soutenir les étudiantes, j’avais promis de venir un jour en mini …

Et demain c’est la reprise des cours !

Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.

Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS

Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE

Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID

Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID

Épisode 5 : SOUVENIRS DES INDÉPENDANCES

Épisode 6 : LES CONSÉQUENCES INATTENDUES DU COVID

Épisode 7 : LA LUNE ROSE

Épisode 8 : POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE

Épisode 9 : PÂQUES SOUS COVID

Épisode 10 : DEVOIR DE TRANSPARENCE

Épisode 11 : NOSTALGIE D’ADO

Épisode 12 : DAKAR ET LA RAOULTMANIA







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